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Les routes de l'imaginaire - Page 16

  • Le rabaissement. - Philip Roth (Gallimard, 2011)

    roth.jpgSimon Axler, la soixantaine, est un acteur fini. Il est déprimé, il n'a plus confiance en lui, d'ailleurs il demande à être hospitalisé. Une fois rentré chez lui, il continue à broyer du noir et son agent ne réussit pas à le convaincre d'accepter un nouveau rôle. C'est alors qu'il a la visite de Pegeen, la fille d'amis d'enfance à lui. Elle a 25 ans de moins que lui, et est lesbienne, rien qui puisse les rapprocher. Et pourtant c'est ce qui arrive ! Tel un nouveau Pygmalion, il va transformer ce garçon manqué en ravissante femme et vivre une passion physique avec elle. Mais ce rêve peut-il durer ?...

    Ma dernière phrase suggère que ce rêve pourrait bien se transformer en cauchemar... En effet Philip Roth réitère dans l'atmosphère intimiste et très noire de ses derniers romans. Le talent est toujours là, l'écriture fluide et attachante. Toutefois j'ai trouvé l'argument bien léger et très rebattu. Un vieil homme qui retrouve vigueur et vivacité avec une femme plus jeune (fut-elle lesbienne) avant de retourner aux ténèbres... Un Roth contournable à mon avis, il en a tellement écrit de meilleurs...

  • Veuf. - Jean-Louis Fournier (Stock, 2011)

    founier.jpgJean-Louis Fournier est veuf de Sylvie avec laquelle il a passé une grande partie de sa vie. Comme dans Où on va, Papa ?, il nous parle d'un drame personnel sans larmoyer. Il évoque des petits faits quotidiens qui lui rappellent cette mort mais toujours avec dérision, comme si tout cela n'avait pas grande importance. Ce sera désormais sa vie. Parfois même le cynisme l'emporte, quand il décrit les amis et relations qui n'osent pas l'appeler pour la bonne année, lui qui en aurait tellement besoin. Ou qui viennent s'appitoyer, l'oeil humide et les mains moites, comme si c'était eux qui avaient perdu leur femme.

    Comment parler et écrire sur la mort de son épouse ? A "La grand librairie", l'auteur a expliqué qu'il avait besoin d'écrire et qu'il ne pouvait pas, par respect envers ses lecteurs, s'effondrer en pleurant. C'est par pudeur qu'il nous livre par petits morceaux ses réflexions mi-figue mi-raisin.Et comme pour son livre précédent, je trouve que ce ton distant et parfois provocateur donne encore plus d'émotion au récit.

  • Lorenzaccio. - Régis Penet, d'après l'oeuvre d'Alfred de Musset (12bis, 2011)

    lorenzaccio.jpgL'intrigue de cette oeuvre est très riche, les personnages sont nombreux. Pour plus de clarté je reprends un résumé tiré de Wikipedia.

    "L'action se passe à Florence en janvier 1537. Le patricien florentin Lorenzino de Médicis (ne pas confondre avec Laurent le Magnifique), âgé de dix-neuf ans, jeune homme studieux, admirateur des héros de l'Antiquité, se voue à la restauration de la République. Mais son lointain cousin, le duc Alexandre de Médicis, règne sur Florence en tyran avec l'appui du Saint-Empire et du pape ; le cardinal Cibo, qui défend à la fois les intérêts de Charles Quint et ceux du pontife romain, est son plus ferme soutien. Lorenzo devient fidèle serviteur du duc, son familier ainsi que son compagnon de débauche, afin de pouvoir libérer FlorenceLorenzaccio-1-.jpg de ce tyran : il projette de le tuer, soulignant la passivité et la lâcheté des grandes familles républicaines face à leur devoir. Les républicains ne réussiront d'ailleurs pas à prendre le pouvoir après la mort du Duc. L'échec de l'acte de Lorenzo semblait prédestiné : en effet Lorenzo agit seul et personne n'a le courage de le croire et de se servir de son acte comme d'un tremplin pour instaurer une République..."

    C'est difficile d'adapter en BD l'oeuvre de Musset (et d'ailleurs le théâtre en général). J'en gardais le souvenir d'une histoire violente, dans une atmosphère de débauche au sein du pouvoir florentin. Je trouve que l'auteur a réussi de manière Lorenzaccio-2-.jpgsuperbe à nous plonger dans cette époque et cette cour. La mise en page est très aérée. Les couleurs sont soit flamboyantes quand il s'agit du carnaval de Florence. Soit très sombres et sepia quand il s'agit de Lorenzaccio et de ses tourments. Le tout donne un aspect somptueux et inquiétant, mélange de beauté et de mort imminente. Il ne faut pas se laisser arrêter par la complexité de l'intrigue et les multiples personnages mais se laisser porter par la beauté des images.

  • Mini-bilan 2011

    Juste pour le plaisir de regarder derrière soi et se demander ce qui restera comme souvenirs de lecture de 2011.

     

    Ce sera sans conteste les magnifiques récits de voyage d'Ella Maillart, de son compagnon de route Peter Fleming et de Bernard Ollivier. Pour la fiction, malgré de belles lectures, s'il faut ne garder qu'un auteur, ce sera Anne Percin qui m'a donné mes plus belles émotions !

     

    bilan 2011.jpg

  • Mes lectures jeunesse du mois

     Je profite de ce billet pour vous souhaiter un joyeux Noël et de très belles fêtes de fin d'année ! 

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    Un secret à la fenêtre. - Norma Huidobro (Ecole des loisirs, neuf, 2011)

    Manuel va souvent aider le copain de sa soeur à la pizzeria, à côté de chez lui. Et en cachette il va de temps en temps donner un morceau de pizza au vieux monsieur qui habite derrière. Celui-ci est très seul, sa petite fille habite loin. Mais heureusement il a une passion, la philatélie, et il montre à Manuel son timbre le plus rare et le plus cher, la Dame d'Elche. Quand le vieux monsieur meurt, le mise en scène autour de son corps montrer clairement que c'est un suicide. Seul Manuel est persuédé que c'est un assassinat ; la preuve, le vieux monsieur lui a demandé un dessert deux heures avant...

    Une jolie enquête autour du thème de la philatélie.

     

    la liberte.jpgLa liberté est une poussière d'étoile. - Nathalie Kuperman (Ecole des loisirs, neuf, 2011)

    Pendant que ses parents dormait, Chien a sauté par-dessus la barrière et a été enlevé. Depuis il est enfermé et doit répondre chaque jour aux questions de Canard, le grand chef; Mais quoi qu'il réponde, il a tort ! Comment faire pour retrouver la liberté, et pourquoi Canard est-il aussi méchant ?

    Une jolie fable sur la méchanceté pure et aussi sur les raisons de cette méchanceté...

     

    il etait une fois dans l'est.jpgIl était une fois dans l'Est. - Audren (Ecole des loisirs, medium, 2011)

    Anna a grandi en RDA jusqu'à ses sept ans. Son enfance, ses souvenirs, ses amis étaient là-bas. Admirer les Trabant, faire la queue pour acheter des bananes, entendre ses parents se disputer sur la notion de liberté. Et quand le mur tombe, découvrir la vie à l'Ouest, partir y habiter et devoir tout recommencer.

    Basée sur une histoire vraie, ce récit donne à voir la RDA avec les yeux d'une enfant et c'est une expérience intéressante.

     

     

     

  • Le policier qui rit. - Viot / Seiter / Sjöwall / Wahlöö (Rivages, Casterman Noir, 2011)

    policier.jpgStockolm, un soir de novembre 1967. Un bus de nuit est mitraillé, les neuf passagers sont tués. La Suède est bouleversée. Martin Beck, inspecteur, est chargé de l'enquête. Qui pouvait être visé par le tueur ? Dans le bus, un collègue policier a été tué, mais pourtant il ne travaillait officiellement sur aucune affaire. Pourquoi était-il dans ce bus ? Une enquête détaillée sur chaque personne tuée permettra-t-elle de trouver le mobile et le tueur ?

    Le duo Sjöwall et Wahlöö a écrit une série d'enquêtes dans les années soixante en Suède. Ils y mettaient à mal le (déjà) fameux système social et politique suédois qui n'était pas si idyllique... Cette BD reprend un de leurs ouvrages et le dessin met vraiment bien en valeur l'atmosphère là-bas. Les couleurs sont pastels à l'extérieur (c'est l'hiver, il pleut ou il neige) et au Commissariat. En revanche les couleurs s'animent dans les intérieurs suédois à l'approche de Noël. L'enquête est menée de manière impeccable, sur le modèle des "police procedural" (c'est vraiment l'enquête pas à pas qui est décrite).

    Je trouve que cet album est une vraie réussite et j'y ai retrouvé le plaisir que j'avais eu à découvrir les livres de ces auteurs il y a de nombreuses années. Décidément cette collection, Rivages / Casterman / Noir ne déçoit jamais.

  • Une lointaine Arcadie. - Jean-Marie Chevrier (Albin Michel, 2011)

    arcadie.jpgSa femme l'a quitté, sa librairie est fermée, Matthieu n'a plus aucune attache à Paris. Il décide de partir en Creuse dans une maison isolée ayant appartenu à un vieil oncle qui a fini sa vie comme un véritable ermite. Lui-même veut s'affranchir de tous les liens qui le relient encore à la civilisation. Ce que l'on nommerait un choix de "décroissance" est plutôt pour lui une manière d'oser exister seul, loin des autres, dans une solitude choisie. Les mois s'écoulent ainsi, entre la maison, les travaux des champs et sa vache, Io. Une jeune femme du pays, violoniste, tente de nouer quelques liens avec lui. Un voisin passe chaque jour à la même heure lui dire quelques mots. Un couple de randonneurs fatigués s'arrête chez lui. Comment faire coexister son choix de vie et sa relation aux autres ?

    Le sujet est intéressant à une période de retour à la campagne et aux "vraies valeurs" . Le narrateur met en avant le choix presque philosophique de pouvoir vivre seul, avec juste la compagnie de quelques livres. Peux-on vivre seul, est-on plus libre quand on est seul ? Les péripéties montreront que ce choix n'est pas facile à assumer sur le long terme. Le ton utilisé est souvent ironique, parfois désespéré, comme si le narrateur se regardait lui-même essayer de vivre en ermite. L'ensemble donne un livre attachant, avec parfois un peu trop de références à l'Antiquité et de mots compliqués (l'occasion d'ouvrir le dictionnaire...). Sur un sujet similaire, le départ de Paris vers la campagne, lire le magnifique Bonheur fantôme d'Anne Percin.

    Les avis de Dominique, Aifelle, Cathulu

     

  • Quand on est mort, c'est pour toute la vie. - Azouz Begag (Gallimard, Scripto, 2002)

    begag.gifAmar va retourner en Algérie. Mourad, son frère, a été tué par un chauffeur de taxi parce qu'il n'avait pas payé la course, et aller voir sa tombe au pays est le seul acte qui puisse l'apaiser. Mais Amar est universitaire, il n'est pas retourné là-bas depuis treize ans et il se sent bien loin de ce pays et de ses habitants. Pourtant pendant le long voyage en car qu'il va effectuer, il va cohabiter avec toutes sortes de personnes et c'est leur humanité à tous qui va les rapprocher.

    On retrouve ici le ton plein d'humour et de tendresse d'Azouz Begag. Comme dans Le gône du Chaäba et ses autres livres, il revient sur la question des racines des Algériens vivant en France et leur tiraillement entre deux cultures.

  • La longue marche : T.3 : Le vent des steppes. - Bernard Ollivier (Phébus, 2003)

    vent des steppes.jpgAprès la Turquie et l'Iran, les deux prochains voyages de Bernard Ollivier sur la Route de la Soie se situent en Chine. 6.000 km (parcourus en deux fois) dans un pays dont on ne parle pas la langue, c'est difficile, et ces deux derniers voyages sont certes marqués par de magnifiques paysages, mais leur manquent les merveilleuses rencontres qui avaient émaillé les deux premiers récits. Notre marcheur est nettement moins motivé qu'au début et il se surprend à douter de l'intérêt de son projet. A quoi bon faire tous ces km s'il n'y a pas les échanges qu'il aime tant. Mais peu à peu le plaisir de la marche reprend le dessus et malgré tout il réussit à clore ce périple et, après la traversée de deux déserts et de plusieurs sommets, il réussit à atteindre son but, Xi'an.

    Pour clore ce beau périple en compagnie de Bernard Ollivier, je lui laisse la parole. "Quelque chose, une force plus grande que moi, me porte en avant. La curiosité ? Sans doute, mais je crois deviner que là n'est pas mon premier moteur. Plutôt le désir de me retrouver seul, parce qu'en cette solitude résideraient moins de mensonges, moins de grimaces sociales, plus d'intime vérité ; plus de présence, aussi, au vaste mystère du monde, plus de disponibilité à l'heure miraculeuse des rencontres. Mais il faudrait alors que le voyage soit sans fin, qu'il soit la vie même, non une parenthèse, si longue fût-elle, dans le cours de la vie..."

  • La longue marche : T.2 : vers Samarcande. - Bernard Ollivier (Phébus, 2001)

    longue marche 2.jpgAprès la traversée de l'Anatolie, Bernard Ollivier poursuit son voyage à pied l'année suivante, et cette fois il traverse l'Iran. Changement de tenue vestimentaire : malgré la chaleur accablante, il doit porter un pantalon et une chemise à manches longues. Les Islamistes ont posé une chape de plomb sur le pays et toute la vie tourne autour de la religion. Rares seront ceux (mais il y en a quelques uns), qui oseront se confier à Bernard Ollivier en les critiquant. Et celui-ci passera trois mois dans ce pays sans voir le corps d'une femme et sans voir de vêtements de couleur. Ce fut un voyage triste me direz-vous ? Pas du tout, car la tradition d'hospitalité qui était omniprésente en Turquie l'est encore plus ici ! Partout on l'accueille, on le questionne, on l'invite, on le gave, et bien sûr on refuse de le faire payer ! Les Iraniens apparaissent à l'auteur comme un peuple curieux, cultivé, attaché certes aux traditions, mais avide de nouveauté et de modernité. Bernard Ollivier sera d'autant plus regardé et interrogé car il a construit une espèce de chariot à roulettes pour porter son sac et les bidons d'eau dans le désert du Karakoum et il ne passera jamais inaperçu !

    Comme dans le premier volume, celui-ci est passionnant, jamais lassant. Jour après jour on découvre avec l'auteur un pays dans son quotidien. Bernard Ollivier n'est jamais blasé, toujours enthousiaste (ce ne sera pas toujours le cas pour la suite en Chine) et aussi ouvert aux rencontres que le sont les Iraniens. C'est une magnifique voyage à pied (3.000 km cette fois encore) et une très belle leçon de vie que nous offre l'auteur !

    Le billet de Papillon, tout aussi enthousiaste