Quand on pense aux vins français, on imagine toujours des hectares de vigne au soleil sur des coteaux, et des viticulteurs surveillant amoureusement leur production dans des belles caves voutées. Aujourd'hui le vin c'est avant tout de l'argent et il faut tout faire pour accroître la productivité. Pour cela des spécialistes font tout pour le rendre plus conforme au goût du public et au goût des spéculateurs (eh oui, maintenant on spécule aussi sur le vin !) et bien sûr les Américains essaient de faire en Californie la même chose qu'ici en Bourgogne ou dans le Bordelais ! Bref vous ressortez de ce film écoeurés par cette mondialisation qui s'approprie même les "produits du terroir" pour en faire des enjeux financiers et vous n'avez qu'une envie, aller chez un petit exploitant goûter un petit vin de pays non trafiqué et non modifié pour plaire au guide Parker !
Les routes de l'imaginaire - Page 62
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Mondovino : la saga du vin . - Jonathan Nossiter
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Fils unique . - Stéphane Audéguy (Gallimard, 2006)
Coup de coeur de cette rentrée, ce roman sort vraiment du lot. Ce n'est pas forcément le meilleur, mais c'est celui dont le style est le plus original ! Imaginez vous lire un roman du 18è siècle, avec des expressions d'époque, écrit à la première personne, le narrateur étant un esprit libre et libertin qui découvre, dans l'ordre, la vie, Paris puis la Révolution !
Et notre homme n'est pas n'importe qui puisque c'est le frère de Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci a réellement eu un frère, il le cite trois ou quatre fois dans ses Confessions, mais on n'en sait pas plus. Ici on bénéficie de l'imagination et de la culture de l'auteur pour découvrir le siècle des Lumières à travers ses yeux. Initié dès son plus jeune âge aux plaisirs de la chair (comme on dit...) il va rencontrer mille personnes dans mille lieux différents, faire mille métiers (toujours un peu reliés au métier d'horloger qu'il a appris), et vivre de l'intérieur le période pré-révolutionnaire, puis révolutionnaire avant de mourir très âgé, bien après son célèbre frère.
Grâce à ses rencontres amoureuses avec toutes ces femmes et aussi tous ces hommes, il s'imprègne de l'air du temps, exprime toutes les passions du siècle et vit tous les événements importants. Construit comme un roman picaresque, il nous entraîne tout de suite dans le tourbillon des émotions du narrateur et termine de façon beaucoup plus philosophique par sa rencontre avec Sade, à la Bastille, où la vanité des choses de ce monde lui apparaît comme une évidence !
A lire si on a envie de se laisser emporter par une belle histoire, par l'Histoire elle-même et par un style impeccable et réjouissant !
L'avis de mon mari qui est en train de le lire : comme moi il se régale avec ce style ciselé façon 18è. En bon connaisseur de ce siècle (pas comme moi :-( ), il apprécie d'être plongé dans la vie quotidienne et de traverser le siècle main dans la main avec le narrateur. Il retrouve l'esprit des Lumières et aussi des similitudes avec Les Confessions. Et il trouve très agréable cette atmosphère un peu leste, d'ailleurs il me fait la lecture des passages les plus libertins littéraires ;-)
L'avis de Anne-Sophie
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Canardo : l'ombre de la bête. - Sokal (Casterman, 2006)
Je vois que le résumé de la Fnac est parfait, pour une fois c'est eux qui vont vous raconter l'histoire :
"Les célèbres brasseries Kluutch viennent d'organiser un grand concours promotionnel en direction de leurs plus fidèles consommateurs. L'opération récompense les heureux gagnants du plus merveilleux des cadeaux : un grand voyage en car en Belgique, à la source même de la fameuse bière Kluutch ! Las, lorsque le voyage se met en mouvement comme prévu, avec à bord une pleine cargaison de gagnants, tout dérape : sans explications, un détraqué prend en otage le véhicule et ses occupants, ceinturé d'explosifs. Or il se trouve que l'un des passagers est un ancien policier à la retraite, et qu'il a le réflexe d'appeler au secours sur son téléphone mobile. Bref, une mission toute trouvée pour l'inévitable Canardo !"
C'est pas vraiment pour les enfants, ces BD-là, même s'il y a de belles couleurs ! L'humour au second degré, l'inspecteur Canardo en héros complètement décalé et la critique très acerbe de nos concitoyens conviennent beaucoup mieux aux adultes sortis des rêves de l'enfance ! C'est bien noir, comme d'habitude, mais on adore ! -
Les Sirènes de Bagdad. - Yasmina Khadra (Julliard, 2006)
Comme L'attentat (et, je crois, comme Les hirondelles de Kaboul que je n'ai pas encore lu), Les sirènes de Bagdad est un roman qui vous donne un coup de poing à l'estomac. L'auteur réussit à chaque fois à faire une démonstration sans jamais tomber dans la caricature. Son écriture y est pour beaucoup. Si l'on excepte quelques images toutes faites (les vieillards y sont toujours cacochymes ou valétudinaires, la populace y croupit toujours,...), la plus grande partie du livre explore intelligemment l'âme humaine, décrit avec précision la vie quotidienne et évoque avec talent l'atrocité de la guerre. Et surtout on voit bien les contradictions de l'âme humaine.
Le héros est un jeune homme pacifique qui habite dans un village irakien retiré en respectant les traditions religieuses et familiales. La guerre lui parait bien lointaine. Pourtant deux faits vont transformer sa vie. Deux bavures d'abord, dues aux Américains, qui lui font voir la mort de près et surtout le déshonneur. Et la télé installée dans le café du village qui permet aux jeunes de se retrouver et de chauffer les esprits à la vue des atrocités commises par les occupants. Une seule solution dans ce cas pour agir : entrer dans la lutte armée. C'est à Bagdad qu'il partira, persuadé que seule la vengeance peut lui rendre la paix de son âme. Mais dans la capitale, c'est encore pire que ce qu'il avait imaginé...
Comme dans L'attentat, on entre dans la peau des terroristes et on ne peut que comprendre (je ne dis pas approuver) leurs motivations. Les humiliations que les Américains ont fait subir aux Irakiens ont forcément fait naître un profond désir de vengeance, donc le fanatisme et la flambée de violence que l'on connaît, et l'on se dit que c'est, hélas, loin d'être terminé ! -
Rubine : série noire . - Waltery / Mythic / Boyan (Le Lombard, 2006)
Rubine fait partie des séries jeunesse que je me régale à lire ! Son héroïne est une jeune femme flic délurée, dynamique et ravissante qui essaie de trouver la vérité même quand on ne la lui demande pas. Quant aux intrigues, elles sont bien menées avec en général d'excellentes chutes.
Ici c'est le suicide de la fille Blackwood, puis le naufrage du fils de la même famille qui mettent la puce à l'oreille de Rubine, d'autant plus qu'elle apprend que Blackwood (le père) est le comptable d'un mafioso que la police essaie de coincer ! Elle fera tout ce qu'il faut pour découvrir une vérité bien étonnante mais vraiment bien venue !
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Passage du gué. - Jean-Philippe Blondel (Laffont, 2006)
A mon tour d'avoir lu le dernier Jean-Philippe Blondel (eh oui, le fan club de JPB a encore frappé). J'avais eu en avant-première la lecture du premier chapitre par l'auteur himself, et je me demandais bien où allait nous mener cette histoire de familles en train de passer le samedi dans des magasins d'usine !
Un flash, Fred aperçoit une famille comme la sienne, avec deux enfants, c'est à la fois agréable et douloureux, en tout cas c'est très fort. Lui reviennent en vagues les souvenirs de leur rencontre. Lui, surveillant. Elle, Myriam, prof, enceinte de Thomas. Une amitié un peu amoureuse se noue entre elle et Fred, mais ce ne sera qu'ensuite, après "l'événement", que les relations s'élargiront, se feront étranges, nécessaires, profondes et rares. Pas une de ces histoires d'amour à trois comme ont pu l'imaginer les voisins et la famille. Une histoire d'amour tout simplement. Et c'est là le talent de JPB d'avoir su raconter cette histoire incroyable tout en délicatesse et en finesse. Le trouble des sentiments, la douleur, le plaisir, tout y est décrit avec subtilité et élégance, les émotions des deux hommes comme celui de la femme (on a déjà dit à JPB qu'il avait sûrement été femme dans une autre vie pour se mettre ainsi dans la peau d'une femme).
Je n'en raconte pas plus pour ne pas déflorer l'intrigue, d'ailleurs ce n'est pas tant l'histoire qui nous touche que le rôle de Fred, "passeur de gué" et les pensées intimes des uns et des autres. Merci à l'auteur de nous faire toucher d'aussi près l'âme de ses personnages !L'avis de mon mari (il me pique souvent les livres que je lis) : il a aimé l'écriture qui décrit bien le quotidien, il a aimé aussi le procédé narratif, habituel chez Blondel mais toujours efficace. Il s'est attaché aux personnages et s'est souvent identifié à Fred et à Thomas. Il s'est réjoui de retrouver l'univers de Blondel. Toutefois il a trouvé quelques longueurs dans la seconde partie du roman.
L'avis de Laure
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Henri Désiré Landru. - Chabouté (Vents d'Ouest, 2006)
Landru, ça vous dit quelque chose ? Le Barbe-Bleue qui a tué puis brûlé onze femmes dans sa maison de Gambais dans les Yvelines ! Eh bien, malgré tout ce que vous savez sur cet homme, quand vous fermez cette bande dessinée vous vous mettez à douter !
En effet Chabouté raconte une histoire extraordinaire. Un "gueule cassée" de la guerre de 14-18 aurait jeté son dévolu sur Landru afin de le fournir en femmes. Une fois ces femmes dépouillées de leur fortune, il les tuait et les brûlait. Oui mais pourquoi ?....
Et ce n'est que par un malheureux concours de circonstances que Landru s'est fait arrêté, a essayé de nier être l'auteur de tous ces meurtres (qui se passaient dans sa maison quand même..) et n'a pas pu retrouver ce "gueule cassée" et sa femme qui étaient à l'origine de cette histoire !
Incroyable, me direz-vous, mais Chabouté réussit si bien à nous plonger dans l'atmosphère de cette époque, avec son trait noir et blanc très cinématographique, qu'on s'y croirait presque ! A ne pas lire seul dans une maison à la campagne !!! -
Le plus grand matin du monde. - Kochka (Thierry Magnier, 2006)
Après la déception de "Maintenant c'est ma vie", voilà un magnifique petit roman pour adolescent.
Jacques Morhange est architecte au Liban. Face à la guerre qui n'en finit pas, il préfère mettre sa femme, son fils et sa fille à l'abri en France pendant que lui travaille à la reconstruction de Beyrouth. Mais un jour il reçoit un coup de téléphone. Son fils est dans le coma. Tentative de suicide. Le récit sera un long chemin qu'il parcourera lentement pour retrouver son fils, ce fils qu'il n'a pas beaucoup vu et qu'il connaît mal. Ce seront de longues heures passées chaque jour à l'hôpital à côté de son lit pour essayer de rattraper ces années perdues.
Comme souvent chez l'éditeur Thierry Magnier, les événements contemporains sont traités de façon pudique. Ici ce qui est doublement émouvant, c'est que l'on parle de la guerre du Liban des années 70-80, mais que, depuis, on a eu le conflit israelo-libanais de l'été 2006. Cette histoire est, hélas, intemporelle. -
Le bruit des trousseaux. - Philippe Claudel (Livre de poche, 2003)
Pendant onze ans, Philippe Claudel est allé trois fois par semaine à la prison donner des cours. Onze ans qui l'ont énormément marqué et ont donné ce petit livre fait de réflexions, d'anecdotes, d'émotions et de rencontres. Des surveillants sadiques... et des surveillants sympathiques. Des détenus avides d'apprendre, d'autres en rupture avec l'école. Des histoires dramatiques : celle d'une jeune femme morte d'une crise d'asthme par manque de soin. Des histoires incroyables : celle d'un détenu dont la femme lavait les vêtements dans du Ricard, puis les séchait. Il les réhydratait, les essorait dans un verre et vendait la boisson alcoolisée ainsi obtenue.
Toujours l'immense détresse de ces hommes et femmes. Parfois la rencontre avec un de ses anciens élèves sortis de détention. Et surtout l'immense différence entre lui qui, après ses cours, sort "de la" prison, et ceux qui sortent "de" prison. Un petit livre à lire absolument alors que le feuilleton télévisé "Prison Break" nous montre des quartiers de haute sécurité américains pas vraiment enviables non plus. -
La table citron. - Julian Barnes (Mercure de France, 2006)
Encore un livre de Julian Barnes, auteur que j'apprécie beaucoup. Cette fois ce sont des nouvelles, ça signifie que je vais avoir du mal à en donner une idée globale et que ça va être inégal.... Il y a toutefois un fil conducteur, c'est la vieillesse et la mort. Ce thème est parfois traité de façon nostalgique ou dramatique, d'autre fois de façon plus humoristique ou poétique (c'est le talent de Barnes de savoir changer de registre très facilement).
Les nouvelles qui m'ont plu : L'histoire de Mats Israelson, une histoire d'amour jamais avouée entre deux personnes mariées chacune de leur côté. Quand, à la fin de sa vie, Anders essaie d'avouer enfin cet amour, ils ne se comprennent plus. Ils ont tous deux gâché leur vie sentimentale et, de plus, terminent sur un malentendu... Dans Hygiène, le narrateur, marié et heureux en ménage depuis très longtemps, a pris l'habitude de rendre visite à une femme (prostituée) une fois par an, à l'occasion de sa réunion annuelle d'anciens combattants à Londres. Au fil des années il s'est attaché à cette femme. Cette année, quand il arrive, on lui dit qu'elle est morte. Il en est profondément affecté.
Pour les personnes qui ne connaissent pas Julian Barnes, je ne conseillerais pas de commencer par ce livre, je trouve qu'il est meilleur dans des récits plus longs. Mais, je l'avoue, je ne suis jamais très satisfaite des recueils de nouvelles....