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Les routes de l'imaginaire - Page 3

  • Les vieux fourneaux. Tome 1 : ceux qui restent (Dargaud, 2014)

    vieux fourneaux 1.jpgDeux papys en rejoignent un troisième, Antoine, pour l'enterrement de sa femme. Ils ont travaillé ensemble, milité ensemble et ont des tas de souvenirs de jeunesse en commun. Leurs retrouvailles adoucissent un peu la peine du veuf. Et sa petite fille Sophie (enceinte de sept mois et seule...) est venue s'installer près de lui pour reprendre le théâtre ambulant dont s'occupait sa femme.

    Mais Antoine a une lettre qui l'attend chez le notaire : dans celle-ci, sa femme lui avoue qu'elle a eu une aventure (il y a plus de cinquante ans...) avec le grand patron de leur boîte, Garan-Servier. Fou furieux, d'autant plus qu'il était en tant que syndicaliste violemment opposé à ce grand patron, il réussit à trouver l'adresse de sa maison de retraite (en Toscane), prend sa voiture et une arme ("J'aurais préféré le tuer à coup de pied, mais avec mon arthrite"...) et part ! Ses deux copains et sa petite fille vont essayer de le rattraper !

     Lupano et Cauuet nous proposent un road-movie hilarant mais aussi plein de tendresse ! Tous les personnages ont leur franc-parler, les vieux sont très vieux mais épatent la petite-fille par leur énergie. La petite-fille aime cette idée de reprendre le théâtre ambulant "Le théâtre du loup en slip" de sa grand-mère mais elle ne ménage pas les anciennes générations qui ont "sacrifié la planète, affamé le Tiers-monde, épuisé les ressources" ! On sent que tous ces personnages vont s'entendre pour essayer encore et toujours de changer le monde. Il y a une suite, je l'attend avec impatience !

    L'avis d'Alain, très positif aussi et celui de Noukette, très enthousiaste

     

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  • Les gardiens du Louvre. - Jiro Taniguchi (Futuropolis, 2014)

    TaniguchiLe narrateur, un touriste japonais, vient visiter Paris. Un peu fiévreux, il va quand même au Louvre. Là-bas il est ébloui par tous les chefs d’œuvre. Mais soudain une statue l'interpelle et l'emmène... Grâce à elle et à toutes ses âmes qui sont les "gardiens du Louvre", il va découvrir des tableaux en étant seul dans les salles, remonter le temps et voir travailler des peintres, mieux connaître Corot, Daubigny et Van Gogh. Et même voir le directeur du Louvre pendant la guerre qui cache ou transfère des milliers d’œuvres...

    Après avoir lu beaucoup de Taniguchi il y a plusieurs années, j'avais un peu abandonné cet auteur (pourquoi ?...). J'ai adoré me replonger dans son univers poétique, souvent un peu fantastique, dans ses dessins précis aux couleurs douces. Le thème, la visite du Louvre, est propice à la rêverie et on se plaît à imaginer être, nous aussi, emportés dans le passé (pour moi ce sera de préférence par un bel Apollon grec...)

  • Meursault, contre-enquête . - Kamel Daoud (Actes sud, 2014)

    Daoud KamelSoixante ans après, Haroun se souvient. Son frère a été tué par un Français et cette histoire est racontée dans un livre. Le nom de son frère, "l'Arabe", n'est même pas prononcé et son corps n'a jamais été retrouvé. Lui et sa mère vivent avec ce fardeau depuis tout ce temps. C'était en 1942, depuis l'Algérie est devenu indépendante mais entre Algériens et Français trop de crimes ont eu lieu et les plaies ne sont jamais refermées. Redonner un nom à son frère, Moussa, et comprendre ce qui s'est passé ce jour-là sur la plage sera le fil conducteur de la vie de Haroun.

    Présenté comme une "suite" de L'étranger de Camus, ce roman est plutôt une chronique de l'Algérie entre les années quarante et aujourd'hui. L'auteur écrit un hymne à son pays et à toutes les victimes de la colonisation. Ecrit dans un style lyrique, le roman donne une vision très personnelle de ces événements et l'âme algérienne vit intensément dans le personnage de Haroun.

    J'ai toutefois été déçue de ne pas en savoir plus sur 'l'Arabe" tué par Meursault. J'avais relu L'étranger (lu il y a bien longtemps...) juste avant pour être vraiment dans l'atmosphère, et j'avais envie qu'on me raconte cette histoire vue par "l'Arabe". En même temps je ne peux pas demander à l'auteur d'écrire le roman que j'avais envie de lire... mais je crois ne pas être la seule à être certes admirative de cette belle écriture, mais déçue de ne pas en savoir plus...

    Les avis de NouketteJérôme, Athalie 

    Je profite de ce billet pour souhaiter de très bonnes fêtes de fin d'année à tous !

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  • Têtes de Maures. - Didier Daeninckx (L'Archipel, 2013)

    daeninckx.jpgMelvin, jeune parisien un peu escroc, reçoit un faire-part de décès, celui de Lysia, une jeune corse avec laquelle il a eu une aventure quelques années auparavant. Pendant l'enterrement, il reçoit une balle perdue. Qui le tireur visait-il ? Pourquoi Lysia, tellement pleine de vie s'est-elle suicidée ? Et dans quelles circonstances est mort son frère quelques semaines plut tôt ? Melvin reste en Corse pour répondre à ces questions et il est amené à s'intéresser à une affaire datant des années trente où une fusillade a déclenché une véritable vendetta.

    Comme dans plusieurs de ses romans, Daeninckx mêle histoire et polar pour nous raconter avec talent une histoire romanesque et dramatique. L'atmosphère lourde de la Corse et de ses clans est très bien rendue et on découvre cette affaire qui date de 1931 et qui a déclenché une répression particulièrement brutale. Mafia, haines ancestrales et vengeances... un cocktail violent qui donne un très bon polar !

  • Le détroit du Loup. - Olivier Truc (Métailié, 2014)

    detroit.jpgDans le Grand Nord, en Laponie, Klemet et Nina, policiers dans la police des rennes, doivent enquêter sur deux morts. Celle d'un jeune éleveur qui se noie dans un détroit au moment de la transhumance des rennes, et celle du maire d'Hammerfest. Les conflits sont nombreux entre les éleveurs et les politiques. Ceux-ci sont très sollicités par les compagnies pétrolières qui veulent agrandir leurs territoires de forage. Pour les aider il y a des plongeurs, dont Nils, d'origine sami, qui irrite tout le monde par son côté flambeur et prétentieux. Et les éleveurs, quant à eux, cherchent à conserver les terres qui servent à nourrir leurs troupeaux.

    Comme dans le premier volume, Le dernier Lapon, l'auteur nous entraîne dans des histoires à la fois ethnologiques et individuelles. Le combat d'un peuple se matérialise par celui d'individus que nous apprenons à connaitre au fil du roman. On se laisse emporter par cette vie encore très ancrée dans la nature mais happée par des spéculations financières exorbitantes. Et même s'il n'y a pas l'effet de surprise du premier volume, on lit avec passion ces aventures sur fond de fjords, de rennes et de plongée en eaux profondes !

    Lisez le billet enthousiaste d'Yv, et ceux de Sylire et d'Hélène

  • Nus . - Jean-Bernard Pouy (Fayard noir, 2007)

    nus.jpgUn groupe de militants libertaires décide de faire cette année son "université d'été" dans un camp naturiste en bord de mer. L'installation est un peu laborieuse car aucun d'entre eux n'a jamais fait de naturisme, on enlève vraiment tout, on regarde, on regarde pas... Puis peu à peu ça devient naturel (c'est le cas de le dire). Et commencent leurs réflexions sur la ligne de conduite de leur mouvement, leurs projets, leurs désaccords,... Mais le directeur du camp, un ami, leur apprend qu'il a été cambriolé et qu'une vieille dame qui faisait le ménage chez lui a été tuée. Nos libertaires n'aiment pas trop s'occuper de justice, surtout quand il faut collaborer avec les flics, mais ils n'aiment pas trop non plus qu'on tue des vieilles dames, donc ils vont un peu les aider. Mais une fois qu'ils ont trouvé le coupable, ils sont encore plus embêtés, ils ne vont quand même pas le livrer à la police.....

    Pouy n'a pas son pareil pour vous faire entrer dans une histoire ! On est dans le camp avec toute cette bande, on se régale à les écouter discutailler des heures sur des détails, essayer de faire correspondre leurs idées et leur vie, faire quelques petits écarts pas bien graves ! Et surtout on profite de l'humour de l'auteur, toujours fin, jamais méchant, et de son talent pour croquer des personnages plus vrais que nature. De toutes façons dans Pouy j'aime tout :-)

  • Un mensonge explosif. - Christophe Rey-Gramond (Liana Levi, 2014)

    mensonge.jpg21 septembre 2001, Toulouse. Une explosion fait sauter l'usine chimique et cause des dizaines de morts. Quelques jours après le 11 septembre, la thèse de l'attentat est évoquée mais bien vite récusée au profit de l’accident industriel; Pourtant quelques mois plus tard Clovis Lenoir, au service antiterrorisme, pointe les invraisemblances. Un journaliste (qui avait enquêté sur le sujet)et sa famille sont retrouvés morts de manière suspecte, celui-ci avait reçu des menaces. La belle-sœur du journaliste a une société d'anti-piratage informatique et décroche un gros contrat avec une entreprise russe. Justement cette entreprise fabriquait le même produit chimique que l'usine de Toulouse mais en avait arrêté la production quelque temps avant l'explosion. Ajoutons à cela un collégien toulousain passionné de photo de nature qui a remarqué des allées et venues suspectes les derniers jours en face de l'usine et qui a même pris des photos de l'explosion. Ces photos font état d'un étrange arc lumineux avant l'explosion entre l'usine et un transformateur EDF. Bref autant d'éléments qui confirment Clovis dans sa quête de vérité, mais bien sûr ce ne sera pas au goût de tout le monde !

    Très bonne surprise que ce polar, le premier de l'auteur. L'intrigue est habilement menée, suffisamment complexe pour qu'on soit bien accroché et sans oublier une bonne psychologie des personnages. Franchement on croit d'un bout à l'autre du livre à la théorie du complot (un complot économique !) et aux développements scientifiques qui seraient à l'origine de l'"attentat". Un très bon polar à dévorer et qui vous fait regarder l'accident de Toulouse d'un autre œil !

     

  • Voyage aux îles de la Désolation. - Emmanuel Lepage (Futuropolis, 2011)

    lepage1.jpgEmmanuel Lepage se voit proposer un voyage de deux mois sur le cargo qui fait route vers les îles lointaines que sont Kerguelen, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam. Il s'agit à la fois d'aller ravitailler les équipes scientifiques sur place et de faire les changements d'équipe. Quelques "touristes" sont aussi du voyage. Emmanuel rêve de ce voyage depuis qu'il est enfant et c'est un grand bonheur pour lui. Tout est source d'inspiration pour lui ! Les participants au voyage tout d'abord, scientifiques, touristes, hommes d'équipage, homme politique aussi... Le bateau lui-même qui recèle des trésors de recoins à dessiner. Et bien sûr les îles qu'Emmanuel ne cesse de dessiner. Les hordes de manchots, les éléphants de mer, les oiseaux... Mais aussi les rochers, les flots, les tempêtes, les couleurs, le vent...

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    Cette bande dessinée est, je pèse mes mots, une des plus belles et des plus intéressantes que j'ai lues ces dernières années. Intéressante d'abord car c'est une magnifique histoire que ces équipes scientifiques qui restent une année complète coupées de tout dans ces îles lointaines pour faires des observations. Et belle car Emmanuel Lepage, que j'avais découvert avec Un printemps à Tchernobyl, nous propose de nouveau un festival pour les yeux ! Dessins, noir et blanc, sepia, doubles pages en couleurs, gros plans ou vue panoramique... tout y est pour que l'on se régale à chaque page ! A découvrir si vous aimez le genre et que vous ne la connaissez pas encore !

     

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  • Charlotte. - David Foenkinos (Gallimard, 2014)

    charlotte.jpgCharlotte Salomon est une artiste peintre allemande qui aura un destin tragique. Née en 1917 dans une famille marquée par de nombreux suicides, elle a une enfance solitaire auprès d'un père très occupé par ses recherches en médecine. Depuis toujours elle est une enfant rêveuse qui trouve du réconfort dans le dessin. Quand, adolescente, elle veut faire les Beaux-Arts, elle est confrontée à la pression politique qui ne veut que des aryens dans cette institution. D'origine juive, elle n'y sera acceptée qu'à la condition qu'elle se tienne le plus à l'écart possible des autres. Mais la pression s'accentue et son père et sa belle-mère, une cantatrice célèbre, la convaincront de rejoindre ses grands-parents réfugiés en France. Elle y va la mort dans l'âme car elle vit une histoire d'amour secrète avec le professeur de chant de sa belle-mère. Dans le Midi la vie est difficile après la fin tragique de sa grand-mère, la semi-folie de son grand-père et l'occupation par les Allemands. Aidée par une mécène américaine et un médecin français, elle se donnera corps et âme dans son art et leur confiera ses oeuvres juste avant d'être arrêtée...

    Juste après ma lecture du livre de Beigbeder, voilà encore la quête d'un écrivain pour une jeune femme, une artiste méconnue cette fois. Le sujet est intéressant et Foenkinos le traite avec toute la sensibilité qui est la sienne. Je suis toutefois restée sur ma faim après ce livre rapidement lu (la typographie est telle qu'il se lit en une heure...). J'aurais aimé en savoir plus sur tous ces personnages mais je suppose que Foenkinos n'avait pas beaucoup de sources pour étayer ses recherches. Cela reste un roman agréable à lire sur un sujet dramatique.

     

    L'avis beaucoup plus sévère de Sandrine, très positif de Mango , Noukette et  Laure

  • Oona et Salinger; - Frederic Beigbeder (Grasset, 2014) / L'attrape-coeur. - J.D. Salinger (LDP, 1994)

    beigbeder.jpgOona et Salinger; - Frederic Beigbeder (Grasset, 2014)

    New-York 1940. C'est l'ambiance légère et survoltée des Etats-Unis juste avant leur entrée en guerre. Les célébrités se retrouvent dans les bars, Orson Welles côtoie Truman Capote, celui-ci accompagne Oona O'Neill, la fille du dramaturge et prix Nobel Eugene O'Neill. Pendant une soirée, le jeune J.D.Salinger qui débute sa carrière d'écrivain tombe amoureux d'Oona, qui a alors seize ans. Celle-ci, habituée aux soupirants, accepte quand même la cour assidue de Salinger et cette idylle durera jusqu'au départ de Salinger pour l'Europe. Là-bas il fait partie des troupes du Débarquement et connait des moments de combat insoutenables mais il ne cesse d'écrire à Oona et de l'assurer de son amour. Mais celle-ci vient de rencontrer celui qui sera son mari pendant trente ans, Charlie Chaplin, de trente-sept ans son aîné. Salinger, abattu par cette nouvelle, traumatisé par son expérience de la guerre (il fera partie des soldats qui découvriront les camps de concentration) développe un syndrome post-traumatique, est hospitalisé et restera longtemps (toujours ?) dépressif.

    La théorie de Beigbeder est que ces années avec l'histoire d'amour avec Oona et l'expérience de la guerre ont été fondamentales pour l'écrivain Salinger, et c'est probablement vrai. Il est jeune, artiste, et il reviendra d'Europe profondément transformé. Ses nombreuses nouvelles évoqueront souvent ces années, de manière plus ou moins détournée.
    Le talent de Beigbeder est d'avoir très bien décrit les héros mythiques de l'Amérique d'avant-guerre. C'est aussi d'avoir inventé les lettres de Salinger à Oona (il n'a pas eu l'autorisation de voir les vraies lettres), tragiques et sensibles. Et on n'a qu'une envie, à la fin du livre, c'est de lire ou relire Salinger.
    Le côté plus négatif c'est bien sûr l'habitude de l'auteur de se mettre en scène tout au long du livre, de manière plus ou moins légère....
    Mais globalement je suis contente d'avoir lu ce livre et de m'être replongée dans la vie de Salinger, écrivain mystérieux qui fait l'objet d'un véritable culte !

     

    attrape coeur.jpgL'attrape-coeur. - J.D. Salinger (LDP, 1994)

    Le narrateur est un jeune homme de seize ans qui vient d'être mis à la porte du collège huppé dont il était l'élève. Il veut tout de suite quitter l'établissement mais sans le dire à ses parents, aussi il va errer trois jours à New-York avant sa date officielle de retour. On découvre sa vie au collège, ses compagnons de chambre, certains sûrs d'eux et arrogants, d'autres bourrés de complexes. Pourtant tous essaient de se montrer plein d'assurance, à l'aise avec les filles et peu soucieux de l'autorité. C'est aussi l'image qu'il essaiera de garder pendant son errance, mais il fait très froid, il n'a pas beaucoup d'argent, ses soirées se terminent lamentablement et ses relations avec les filles sont toutes des échecs. Malgré sa jeunesse, ou sans doute grâce à elle, il vit sa vie comme un rêve et s'imagine constamment dans des situations différentes où il réussirait et où il serait la vedette. Mais sa seule amie réelle est sa petite soeur de dix ans qui est prête à tout pour lui, elle lui donne toutes ses économies de Noël et veut partir avec lui loin de New-York comme il l'annonce...

    J'avais lu ce roman il y a très longtemps et en avait gardé un souvenir assez vague. Cette fois, dans doute encore sous l'influence de ma lecture précédente, j'en ai saisi tout le tragique. Quand on réalise que Salinger a écrit ce roman juste après son retour de la guerre, on voit qu'il y met tout son pessimisme et sa vision la plus noire de la vie. Comment être heureux alors qu'il est si difficile de communiquer avec les autres ? Comment faire confiance aux gens alors qu'ils vous déçoivent les uns après les autres ? Comment vivre après la mort de son jeune frère ?
    Le livre a fait scandale à sa parution, cette image d'une jeunesse désabusée, sans espoir, buvant et fumant n'était pas dans le goût de l'époque. Aujourd'hui elle fait hélas écho à nos angoisses et reste tout à fait moderne !