Oona et Salinger; - Frederic Beigbeder (Grasset, 2014) / L'attrape-coeur. - J.D. Salinger (LDP, 1994) (02 novembre 2014)
Oona et Salinger; - Frederic Beigbeder (Grasset, 2014)
New-York 1940. C'est l'ambiance légère et survoltée des Etats-Unis juste avant leur entrée en guerre. Les célébrités se retrouvent dans les bars, Orson Welles côtoie Truman Capote, celui-ci accompagne Oona O'Neill, la fille du dramaturge et prix Nobel Eugene O'Neill. Pendant une soirée, le jeune J.D.Salinger qui débute sa carrière d'écrivain tombe amoureux d'Oona, qui a alors seize ans. Celle-ci, habituée aux soupirants, accepte quand même la cour assidue de Salinger et cette idylle durera jusqu'au départ de Salinger pour l'Europe. Là-bas il fait partie des troupes du Débarquement et connait des moments de combat insoutenables mais il ne cesse d'écrire à Oona et de l'assurer de son amour. Mais celle-ci vient de rencontrer celui qui sera son mari pendant trente ans, Charlie Chaplin, de trente-sept ans son aîné. Salinger, abattu par cette nouvelle, traumatisé par son expérience de la guerre (il fera partie des soldats qui découvriront les camps de concentration) développe un syndrome post-traumatique, est hospitalisé et restera longtemps (toujours ?) dépressif.
La théorie de Beigbeder est que ces années avec l'histoire d'amour avec Oona et l'expérience de la guerre ont été fondamentales pour l'écrivain Salinger, et c'est probablement vrai. Il est jeune, artiste, et il reviendra d'Europe profondément transformé. Ses nombreuses nouvelles évoqueront souvent ces années, de manière plus ou moins détournée.
Le talent de Beigbeder est d'avoir très bien décrit les héros mythiques de l'Amérique d'avant-guerre. C'est aussi d'avoir inventé les lettres de Salinger à Oona (il n'a pas eu l'autorisation de voir les vraies lettres), tragiques et sensibles. Et on n'a qu'une envie, à la fin du livre, c'est de lire ou relire Salinger.
Le côté plus négatif c'est bien sûr l'habitude de l'auteur de se mettre en scène tout au long du livre, de manière plus ou moins légère....
Mais globalement je suis contente d'avoir lu ce livre et de m'être replongée dans la vie de Salinger, écrivain mystérieux qui fait l'objet d'un véritable culte !
L'attrape-coeur. - J.D. Salinger (LDP, 1994)
Le narrateur est un jeune homme de seize ans qui vient d'être mis à la porte du collège huppé dont il était l'élève. Il veut tout de suite quitter l'établissement mais sans le dire à ses parents, aussi il va errer trois jours à New-York avant sa date officielle de retour. On découvre sa vie au collège, ses compagnons de chambre, certains sûrs d'eux et arrogants, d'autres bourrés de complexes. Pourtant tous essaient de se montrer plein d'assurance, à l'aise avec les filles et peu soucieux de l'autorité. C'est aussi l'image qu'il essaiera de garder pendant son errance, mais il fait très froid, il n'a pas beaucoup d'argent, ses soirées se terminent lamentablement et ses relations avec les filles sont toutes des échecs. Malgré sa jeunesse, ou sans doute grâce à elle, il vit sa vie comme un rêve et s'imagine constamment dans des situations différentes où il réussirait et où il serait la vedette. Mais sa seule amie réelle est sa petite soeur de dix ans qui est prête à tout pour lui, elle lui donne toutes ses économies de Noël et veut partir avec lui loin de New-York comme il l'annonce...
J'avais lu ce roman il y a très longtemps et en avait gardé un souvenir assez vague. Cette fois, dans doute encore sous l'influence de ma lecture précédente, j'en ai saisi tout le tragique. Quand on réalise que Salinger a écrit ce roman juste après son retour de la guerre, on voit qu'il y met tout son pessimisme et sa vision la plus noire de la vie. Comment être heureux alors qu'il est si difficile de communiquer avec les autres ? Comment faire confiance aux gens alors qu'ils vous déçoivent les uns après les autres ? Comment vivre après la mort de son jeune frère ?
Le livre a fait scandale à sa parution, cette image d'une jeunesse désabusée, sans espoir, buvant et fumant n'était pas dans le goût de l'époque. Aujourd'hui elle fait hélas écho à nos angoisses et reste tout à fait moderne !
17:45 Écrit par Cathe | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : beigbeder frederic | Imprimer | del.icio.us | Facebook |
Commentaires
Beigbeider, je ne peux pas .. Et Salinger je ne suis pas très tentée. Rien à noter aujourd'hui, ouf !
Écrit par : Aifelle | 03 novembre 2014
Je n'ai lu ni Salinger ni Beigbeder, mais bon, si je devais en lire un ce serait le premier...
Écrit par : Yv | 03 novembre 2014
Merci pour ce commentaire sensible et documenté, et de tout coeur avec vous.
Un roman lu i y a bien longtemps, mais je reviendrai bien faire un tour de son côté. Comment ne pas être touché par cette détresse ?
N'est-il pas question d'un nénuphar dans ce livre ? A moins que je confonde avec Boris Vian...
Écrit par : droopyvert | 03 novembre 2014
@ aifelle : quand même, Salinger....
@ yv : c'est certain que Salinger a plus de chance de rester dans l'histoire de la littérature...
@ droopyvert : non, ici ce sont les canards ;-) "Où vont les canards de central Park l'hiver quand le lac est gelé ?"
Écrit par : cathe | 03 novembre 2014
C'est un roman qui a priori me me tente, mais j'en ai trop entendu parler, j'ai l'impression de l'avoir déjà lu...
Écrit par : Sandrine | 05 novembre 2014
L'attrape-coeur est un de mes romans chouchous et Salinger un de mes auteurs préférés... Du coup, si Beigbeder est à l’œuvre, j'avoue que ça me fait un peu peur...
Écrit par : Noukette | 05 novembre 2014
@ sandrine : pour ma part j'avais évité de lire des critiques sur ce livre... (trop peur d'en voir plein de mauvaises...)
@ noukette : je pense que l'aspect "relations avec Oona" et courrier pendant la guerre peut t'intéresser... :-)
Écrit par : cathe | 05 novembre 2014
Intéressant, ta double lecture... Moi je suis plutôt tentée par le livre de Beigbeder. Même si je pense que j'aurai les mêmes réserves que toi.
Écrit par : sylire | 16 novembre 2014
@ sylire : cela reste un livre intéressant, et à la fin tu verras on a envie de lire le livre de Salinger ;-)
Écrit par : cathe | 16 novembre 2014