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Roman étranger - Page 7

  • Badenheim 1939 . - Aharon Appelfeld (L'Olivier, 2007)

    5e834293020e98a53e32d733adb77dab.jpgEncore un Appelfeld, mais celui-là j'en avais entendu tellement de bien ;-)


    Contrairement à la plupart de ses romans qui sont très autobiographiques, celui-là se passe à une période et dans un lieu qu'il n'a pas connu. Badenheim est une station thermale allemande où chaque année se réunissent des habitués de la bourgeoisie juive qui font leur cure et écoutent les concerts du festival. On trouve le directeur du festival, toujours inquiet à cause des désistements de musiciens. Le patron de l'hôtel qui règne sur son domaine. Les deux prostitutées locales qui font partie des autochtones maintenant. Le pharmacien, dont la femme, dépressive, parle de retourner dans sa Pologne natale. Et des musiciens, des chanteurs, des curistes... Mais cette année-là rien ne se passe comme prévu. Aux préparatifs habituels  se rajoutent des inspecteurs du service sanitaire qui demandent aux Juifs de s'enregistrer. "Ils ne veulent que notre bien", "C'est dans notre intérêt", "Il s'agit d'hygiène publique". La naïveté de ces gens serait drôle si nous ne connaissions la suite... La ville va être fermée et il faut se préparer à partir en voyage en Pologne.


    Bien sûr l'émotion vient du contraste entre les préoccupations très utilitaires de chacun (vendre ses gâteaux, répéter, avoir une belle chambre) et la catastrophe qui se prépare. L'insouciance de ces gens est une parenthèse de bonheur et ils ne le savent pas. Le style, très sobre, baeucoup moins lyrique que dans les romans, renforce cette impression de saynètes qui se jouent devant nous.


    L'avis de Clarabel

  • Tsili . - Aharon Appelfeld (L'Olivier / Points Seuil, 2004)

    3609a15f05c9734d0375d0a23d71b14c.gifAppelfeld a commencé à écrire en faisant des romans sur la Shoah. Certains lui ont d'ailleurs reproché de romancer l'horreur de ce vécu. Il s'en explique dans son autobiographie Histoire d'une vie en écrivant que les enfants qui, comme lui, ont été emprisonnés dans les camps, n'avaient pas les mots pour exprimer cette horreur, et que c'est uniquement par des sensations, et, pour lui, par l'écriture de ces sensations, qu'il sera possible d'en parler.


    Ce roman, c'est l'histoire de ses années à lui, transposée sur une petite fille, mais c'est lui cet enfant dont toute la famille est arrêtée et qui devra errer pendant des mois en se cachant et en mentant sur ses origines juives. Le travail dans une maison où elle est nourrie mais maltraitée, la fuite, l'errance dans les bois, la communion avec la nature. La rencontre avec un homme mettra un petit et bref rayon de soleil dans cette fuite, mais on en retient surtout la cueillette de fruits, les refuges dans les granges et sous les arbres, et, toujours, la peur. L'errance prendra fin quand elle rencontrera un groupe de juifs de retour des camps, et avec eux elle va aller jusqu'à Zagreb où des passeurs plus ou moins honnêtes vont les transporter jusqu'en Palestine.


    L'émotion en lisant ce récit est sans doute décuplée quand on a lu Histoire d'une vie auparavant et que l'on voit à chaque page l'auteur décrire des sensations qu'il revit quarante ans après ! L'écriture, toujours lyrique et imagée, est très belle.

    L'avis de Laurence sur Biblioblog

  • L'Affaire chocolat . - Haïm Gouri (Denoël, 2002)

    bb0c60af33a6d49adb604b2a2932d819.jpgLe hasard a voulu que, dans ma série "Littérature israélienne" (préparation pour une présentation dans le cadre du travail), je prenne ce livre qui est exactement sur le même sujet que L'immortel Bartfuss d'Appelfeld !

    Ici aussi il s'agit d'un rescapé des camps qui revient dans sa ville après la guerre. Là-bas il retrouve un ami. Sans que jamais rien ne soit dit explicitement, on comprend qu'ils ont vécu la même chose. Juifs. Survivants. Jamais ces mots ne seront prononcés. Comment vont-ils vivre avec tous ces fantômes qui les accompagnent. Pour eux le comble du luxe est de refuser la soupe du secours populaire car elle est froide ! Ils vont même jusqu'à imaginer de faire fortune avec ce "chocolat" miraculeusement arrivé et sur lequel ils pourraient spéculer.

    Si le sujet est très intéressant, en revanche j'ai trouvé que le style, à force d'épure, manquait d'émotion. Les phrases courtes, les dialogues brefs et la chronologie parfois décousue donnent un récit déconcertant et seul demeure l'intérêt du thème.


    L'avis tout aussi mitigé de Biblioblog

  • L'immortel Bartfuss . - Aharon Appelfeld (Ed de l'Olivier, 2005)

    d67a900ad85b964b55dd20b43ffc798a.jpgAprès l'autobiographie d'Appelfeld, j'ai eu envie de lire d'autres livres de cet écrivain qui s'est surtout fait connaître en écrivant des oeuvres de fiction autour de la Shoah.

    Dans cet ouvrage, le héros, Bartfuss, est appelé "L'Immortel". En effet, rescapé d'un camp de concentration, il s'est caché dans les forêts voisines puis réfugié sur la côte italienne où il a participé aux organisations clandestines de départ pour Israël. Il aurait, dit-on, survécu malgré plus de cinquante balles dans le corps. Mais une fois en Israël cet homme ne se trouve plus de raison de vivre. Le passé est toujours présent en lui mais on n'en parle pas. Sa famille lui est étrangère, seulement intéressé par son hypothétique magot !

    Ce petit livre est un drôle de récit. Je ne pense pas que l'on puisse l'apprécier sans avoir lu "Histoire d'une vie" auparavant tellement il y a de points communs entre ce héros taciturne et Appelfeld lui-même. On se tait sur le passé, on sait que les autres savent mais c'est tout. Comment construire sa vie avec ce poids, comment survivre avec ses mots tus ?

    A noter l'écriture lyrique d'Appelfeld qui me touche toujours autant et qui me donne vraiment envie de lire d'autres ouvrages de lui, nottamment "Badenheim 1939" dont Clarabel avait parlé récemment.

     

     

  • Histoire d'une vie . - Aharon Appelfeld (L'Olivier, 2004)

    1b05495bd5a27189e8987c2b956d4be3.jpgDans la série "Littérature israélienne" en vue du Salon du Livre, voilà un livre magnifique qui peut servir d'approche à la littérature dite "des écrivains de la Shoah".



    Appelfeld avait sept ans quand la guerre a éclaté. Il vit dans le ghetto, perd sa mère, puis se retrouve dans un camp avec son père. En revanche ne cherchez pas là un énième témoignage sur les camps. L'auteur, pourtant maintenant à la fin de sa vie, ne peut toujours pas trouver les mots pour dire l'horreur de ces années. Son récit parle des années joyeuses d'avant guerre avec des parents juifs non pratiquants, vivant en Allemagne et adorant cette langue, des "intellectuels éclairés" qui croyaient en l'homme et en son intelligence. Seule note juive dans cette famille : son grand-père qui parle yiddish et suit les rites.


    Bien qu'Appelfeld nous promette dans la préface de nous raconter son évasion des camps, il n'en parle pas et le récit passe d'avant à après, un après où il erre sur les routes, dans les forêts et dans la champs et qui lui inspireront ses plus belles pages sur la nature. Puis la longue marche en direction d'Israël, et enfin la Terre Promise qui pour lui sera une terre de souffrance et de dépression où pendant des années il ne pourra parler à personne de son expérience de survivant. De nombreuses  années seront nécessaires pour que la lecture, la culture et la découverte du monde intellectuel hébraïque, dont l'écrivain Agnon, lui donnent les armes qui seront désormais les siennes : ses livres sur la Shoah et ses conséquences.


    Je cite rarement des passages de livres (simple question d'habitude... et de respect du droit d'auteur...), mais là il faut vraiment montrer quelques phrases qui donnent le ton du livre.

    "La Seconde Guerre mondiale dura six années. Parfois il me semble que ce ne fut qu'une longue nuit dont je me suis eb51eb05a84ad449b8e2282ab047a751.jpgréveillé différent. ... Je dis : "je ne me souviens pas" et c'est la stricte vérité. Ce qui s'est gravé en moi de ces années-là, ce sont des sensations physiques très fortes. Le besoin de manger du pain. Aujourd'hui encore je me réveille la nuit, affamé. ..Je mange comme seuls mangent ceux qui ont eu faim un jour."

    "Le moniteur M. m'a demandé incidemment, à la pause de dix heures, où j'étais pendant la guerre. La question m'a tellement surpris que je suis resté bouche bée. "Dans beaucoup d'endroits", ai-je choisi de dire pour éviter une conversation superflue. M m'a cependant poussé à parler et je me suis senti emprisonné dans le mutisme. Une frayeur s'est emparée de moi et ma mémoire s'est éteinte. Je n'ai su que dire et répéter : "Dans beaucoup d'endroits".

  • Un homme . - Philip Roth (Gallimard, 2007)

    11f183f2343eb7ac662af0dba2f66129.gifCe roman de Philip Roth a des accents très autobiographiques. Le héros a comme son auteur plus de soixante-dix ans et il se trouve confronté à l'angoisse de la mort et à la décrépitude physique.


    Il s'est mis à peindre pendant sa retraite mais l'inspiration ne vient plus, il lui semble qu'il n'a plus rien à dire. Ne lui reste que le retour sur une vie certes pleine mais chaotique. Trois mariages, trois divorces. Deux fils qui ne lui parlent plus. Une fille, heureusement, qui est tout pour lui. Et son frère, à l'inaltérable santé, qu'il a toujours admiré et qu'il en vient maintenant à jalouser. Car lui-même est malade, affaibli par les nombreuses opérations cardio-vasculaires qu'il a dû subir. C'est l'inéluctable déchéance de l'âge et ses conséquences qui occupent son esprit. Fuite du temps, perte de la séduction (lui qui a été un grand séducteur), approche de la mort."Ce n'est pas une bataille, la vieillesse, c'est un massacre" écrit-il. 


    On retrouve là les profondes angoisses de Philip Roth face à la mémoire, la vieillesse et la mort. Ce petit livre (presque trop court...) nous fait plonger dans les angoisses d'un artiste en fin de vie, à un moment où le corps prend le pas sur l'esprit, où les douleurs font oublier le bonheur de vivre encore. Un livre certes très pessimiste mais extrêmement lucide !

  • Crise d'asthme . - Etgar Keret (Actes Sud, 2002)

    031d5b2539ef4bdb6086abf64ad31842.gifCe texte traduit de l'hébreu est le premier d'une longue série puisque, dans le cadre de notre travail, Laurent, des collègues et moi-même allons préparer une matinée de présentation de la littérature israelienne juste avant le Salon du Livre sur ce thème.

     La couverture de ce livre m'attirait depuis longtemps ainsi que la réputation d'enfant terrible de Keret !


    C'est vrai que ce recueil ne manque pas d'originalité. Quarante-huit petits textes tragi-comiques, entre une et six pages, proposent des instantanés de vie souvent à la limite de l'absurde. Grand admirateur de Kafka, Keret réussit à nous faire rire mais aussi à nous mettre mal à l'aise dans ces petits récits très courts. Un chauffeur d'autobus qui, par principe, ne s'arrête jamais pour une personne qui court derrière car les minutes gagnées par cette personne sont minimes par rapport aux minutes perdues par l'ensemble des passagers du bus, jusqu'au jour où... Un magicien qui voit arriver un huissier chez lui et qui fait disparaitre tout son mobiler. Un jeune garçon qui économise dans une tirelire cochon et qui se prend d'amitié pour ce cochonnet au point de ne pas vouloir le casser. La mort apparait souvent dans la chute des histoires mais mêlée à des situations cocasses ou absurdes, ce qui enlève tout aspect morbide. Certaines nouvelles aussi sont un peu fantastiques.


    Très peu de références politiques ou idéologiques chez Keret et les écrivains de sa génération (il est né en 1967). C'est l'individu et la difficulté de l'existence qui sont au centre de ses préoccupations. Seules quelques épisodes rapides sur des chaussures fabriquées en Allemagne ou un échange de fusil entre un Israelien et un Palestinien nous rappellent la particularité d'Israel. Ce recueil peut être une bonne approche de la littérature israelienne contemporaine.

  • Club de lecture des bloggeuses : Mariage arrangé. - Chitra Banerjee Divakaruni (Picquier, 2001)

    626744c7c06cee522a0c4003b1a1efb5.gifLe livre à lire pour le 1er novembre était Compartiment pour dames d'Anita Nair, mais j'ai vu que l'on pouvait modestement participer en présentant un livre de littérature indienne.

    J'avais déjà parlé de celui-là à l'occasion du Salon du Livre 2007 sur l'Inde, et comme c'était mon coup de coeur, j'en profite pour le mettre de nouveau en valeur.

     

    L'auteur, surtout connue pour son roman "La maîtresse des épices", nous propose ici un très beau recueil de nouvelles sur le thème du mariage et de l'amour.

    Ces onze nouvelles décrivent comment les femmes vivent aujourd'hui la tradition du mariage arrangé, tradition toujours vivace en Inde. Qu'elles soient en Inde ou aux Etats-Unis, comment peuvent-elles concilier à la fois l'appartenance à une culture et le respect de la liberté individuelle ? Ces nouvelles offrent de magnifiques portraits de femmes indiennes contemporaines, courageuses et volontaires qui essaient de prendre en main leur destin avec toutes les difficultés que cela comporte. Il n'y a pas de réponse unique, chacune essaiera de se construire un avenir meilleur que ce qu'elle vit aujourd'hui. L'une décidera de quitter l'homme (américain) qu'elle aime parce qu'il refuse de comprendre qu'elle attend l'approbation de sa mère. Une autre, au risque d'être bannie par tous, quittera sa belle-famille où elle habite pour éviter qu'on lui impose un avortement (elle attend une fille). Une autre, qui habite aux Etats-Unis avec son mari indien, ne supportera pas que l'ami d'enfance de son mari vienne s'installer chez eux pendant des mois en recréant le mode de vie indien et l'affirmera haut et fort.medium_images.43.jpeg 

     

    Toutes les histoires de ce recueil  sont quasiment des études sociologiques sur le mariage arrangé, le poids des traditions en Inde et le choc subi au contact de la civilisation américaine. L'auteur sait avec beaucoup de sensibilité exprimer la douleur et les questionnements des femmes indiennes d'aujourd'hui, surtout chez celles qui ont adopté un mode de vie américain, c'est une extraordinaire conteuse et j'ai eu l'impression que l'on me racontait des histoires tous ces soirs où j'ai lu ce recueil ! Voilà vraiment une belle manière (encore une....) de découvrir la littérature indienne.

     

  • L'année de la pensée magique . - Joan Didion (Grasset, 2007)

    187c4b4a79b022d4b15c44acfadf27ff.jpgJoan Didion, journaliste, écrivain, inspiratrice de beaucoup d'écrivains américains actuels, perd subitement son mari en 2003 après quarante ans de mariage.

    Dans ce récit autobiographique qu'elle écrit deux ans après ce décès, elle retrace les mécanismes en marche dans le travail de deuil (hébétude première, ressassement des dates et des souvenirs, évitement des lieux porteurs de souvenirs, difficulté à retrouver ses facultés intellectuelles complètes), aidée pour cela par des poètes et des écrivains dont elle se répète inlassablement des extraits de poèmes ou de récits. Après toutes ces années où ils ont travaillé ensemble car son mari était aussi écrivain et scénariste, elle ne réussit pas pendant plusieurs mois à retrouver une pensée normale, elle qui était pourtant dotée d'un fort caractère. Elle devra prendre le temps d'accepter la vie sans lui mais sans jamais s'apitoyer sur elle-même. Aucun pathos dans ce récit où Joan Didion se montre humble et nue face à cette souffrance. L'écriture l'aidera sans doute à mettre des mots sur cette douleur et à l'accepter.

    Voilà un magnifique livre sur la mort et le deuil qui peut être lu aussi bien par le grand public que par des personnes touchées par ce sujet. En effet il est intéressant parce qu'universel !

    Ce livre a reçu National Book Award en 2005.

  • Le dernier paradis de Manolo. - Alan Warner (Bourgois, 2007)

    15b043e55ee2041ebbab89e05cefcf35.jpgVoilà, je crois, mon coup de coeur de la rentrée littéraire ! C'est le quatrième livre de cet auteur écossais (les trois premiers sont parus chez Jacqueline Chambon)


    Manolo est un quadragénaire espagnol à qui tout semble réussir. Une vie confortable, un métier de désigner qui lui offre argent et considération et des femmes jeunes autour de lui. Jusqu'au jour où son meilleur ami, médecin, lui annonce qu'il est atteint de "la maladie" (le SIDA en fait). C'est l'occasion pour lui de revenir sur les épisodes marquants de sa vie, ce qui nous vaut de superbes scènes d'anthologie. Celle où il réussit à séduire deux jeunes asiatiques effrayées pendant "Les Dents de la mer" est inoubliable. Ainsi que celle où ils soutiennent aux entrepreneurs de pompes funèbres que le père, mort, est encore en vie (tout cela pour pouvoir faire les retraits nécessaires à la banque le lendemain matin !). En fait toute sa vie il n'a été préoccupé que de lui-même, et tout, depuis l'hôtel de ses parents au bord de la plage, jusqu'à ses deux femmes au destin tragique et ses histoires avec ses maîtresses, n'a fait qu'alimenter son égocentrisme et sa vanité. La rencontre avec un immigré clandestin va l'aider à parachever le grand bouleversement qui s'opère en lui.


    Le ton, à la fois ironique et désespéré, rend merveilleusement cette atmosphère. On passe du drame à la légèreté d'une scène à l'autre. C'est un roman très riche dans lequel les anecdotes drôles ou mélancoliques succèdent aux réflexions prétentieuses du héros et à ses prouesses sexuelles ! Je ne parle pas du tout de la fin du livre car le dernier tiers est vraiment le plus fort avec des scènes et des surprises qui réjouissent le lecteur !


    Curieusement le livre me faisait penser à ceux de Robert McLiam Wilson, quand j'ai vu que le traducteur était Brice Matthieussent, le traducteur de McLiam Wilson et de Jim Harrison ! Pas étonnant que ça m'ait plu !!!