La lecture du roman de Louis Gardel sur son enfance en Algérie m'a donné envie de relire le magnifique livre d'Albert Camus, Le premier homme. Découvert après sa mort, il est resté inachevé et c'est donc le manuscrit non terminé qui a été édité.
Présenté comme un roman, ce récit est en fait une autobiographie du jeune Albert Camus dans l'Algérie des années 1910 et 1920. Né dans une famille très pauvre, orphelin de père très tôt (son père est mort à la guerre), il est élevé par sa grand-mère à la forte personnalité qui dirige toute la famille. Sa mère, handicapée par sa quasi-surdité, restera toujours aimante avec lui mais discrète et obéissante envers cette grand-mère toute puissante. Le frère de sa mère, sourd, gardera par contre une aura magique auprès du jeune Albert. Malgré son handicap, il est gai, sociable et aimé de tous. Tous ces portraits sont magnifiquement peints par Camus qui donne un aspect presque proustien à cette famille.
Toutes ces années sont longuement expliquées, décrites, rattachées aux événements historiques, tout en restant très attachantes et très vivantes. L'épisode qui est le plus frappant et qui m'était le mieux resté en mémoire, est celui de l'école primaire. L'instituteur, Monsieur Germain, que Camus ira voir régulièrement jusqu'à sa mort, a su donner à ses élèves la passion d'apprendre et a souhaité que trois d'entre eux aillent au lycée et aient une bourse. Quand Camus l'annonce à sa grand-mère, celle-ci refuse tout net car ils sont trop pauvres et le garçon doit travailler pour aider la famille ! Il faudra toute la persuasion de l'instituteur pour que Camus aille au lycée..... et ait bien plus tard le Prix Nobel de littérature !
La beauté de ce livre vient bien sûr du contraste entre la pauvreté de cette enfance et ce que deviendra ensuite l'auteur. Elle vient aussi du lyrisme avec lequel Camus parle longuement de son pays, de ses parfums et de ses couleurs. Même au sommet de la gloire, Camus n'oubliera jamais l'Algérie, sa terre, sa famille et toute sa communauté sans lesquels il ne serait sans doute pas l'homme qu'il est devenu.