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Roman francophone - Page 12

  • Le premier homme . - Albert Camus (Gallimard, 1994 ; Folio, 2000)

    2d7d417c0e3cf56f11c843dbe7ec17a5.gifLa lecture du roman de Louis Gardel sur son enfance en Algérie m'a donné envie de relire le magnifique livre d'Albert Camus, Le premier homme. Découvert après sa mort, il est resté inachevé et c'est donc le manuscrit non terminé qui a été édité.


    Présenté comme un roman, ce récit est en fait une autobiographie du jeune Albert Camus dans l'Algérie des années 1910 et 1920. Né dans une famille très pauvre, orphelin de père très tôt (son père est mort à la guerre), il est élevé par sa grand-mère à la forte personnalité qui dirige toute la famille. Sa mère, handicapée par sa quasi-surdité, restera toujours aimante avec lui mais discrète et obéissante envers cette grand-mère toute puissante. Le frère de sa mère, sourd, gardera par contre une aura magique auprès du jeune Albert. Malgré son handicap, il est gai, sociable et aimé de tous. Tous ces portraits sont magnifiquement peints par Camus qui donne un aspect presque proustien à cette famille.

    Toutes ces années sont longuement expliquées, décrites, rattachées aux événements historiques, tout en restant très attachantes et très vivantes. L'épisode qui est le plus frappant et qui m'était le mieux resté en mémoire, est celui de l'école primaire. L'instituteur, Monsieur Germain, que Camus ira voir régulièrement jusqu'à sa mort, a su donner à ses élèves la passion d'apprendre et a souhaité que trois d'entre eux aillent au lycée et aient une bourse. Quand Camus l'annonce à sa grand-mère, celle-ci refuse tout net car ils sont trop pauvres et le garçon doit travailler pour aider la famille ! Il faudra toute la persuasion de l'instituteur pour que Camus aille au lycée..... et ait bien plus tard le Prix Nobel de 7484801e84398def83804623682cfa82.jpglittérature !


    La beauté de ce livre vient bien sûr du contraste entre la pauvreté de cette enfance et ce que deviendra ensuite l'auteur. Elle vient aussi du lyrisme avec lequel Camus parle longuement de son pays, de ses parfums et de ses couleurs. Même au sommet de la gloire, Camus n'oubliera jamais l'Algérie, sa terre, sa famille et toute sa communauté sans lesquels il ne serait sans doute pas l'homme qu'il est devenu.

  • La baie d'Alger . - Louis Gardel (Seuil, 2007)

    c5d48e43cda074a9ca2f205dde92ddf4.gifJ'ai découvert ce livre grâce à Laurent qui en a parlé avec enthousiasme.

    L'auteur (dont j'avais lu "Fort-Saganne il y a bien longtemps...) revient sur son enfance en Algérie. On est en 1955. Il a quinze ans. Elevé par sa grand-mère au tempérament fantaisiste, il jouit d'une grande liberté et est élevé dans les idées de l'Algérie française. Des amis algériens et aussi un professeur de français vont lui inculquer le respect des indépendantistes, ce qui l'obligera à tenir des positions parfois délicates dans les discussions ! Mais il est adolescent et, malgré les événements politiques, c'est aussi l'âge des premiers amours. La belle Michelle n'est-elle qu'une allumeuse, à partir de quand n'est-on plus puceau ??? Il fait son apprentissage amoureux et sexuel dans ce pays baigné par le soleil, près de cette baie d'Alger qu'il n'oubliera jamais.

    Ces souvenirs assez classiques d'un adolescent dans un pays en conflit sont extrêment bien écrits, pleins de tendresse et d'amour pour ce pays qui restera à jamais le sien.

    L'avis de Laurent qui a encore plus aimé que moi. Mon bémol vient de la comparaison avec Le premier homme, magnifique livre inachevé d'Albert Camus qui parle aussi de son enfance en Algérie et qui apporte un regard encore plus personnel sur ce sujet (mais des années 1914 à 1930).

  • Ruptures. - Gisèle Fournier (Mercure de France, 2007)

    b552562ebf7f91ea44b3180de345fd90.jpgJean-Marie, parisien, las de son travail qui consiste à accompagner les licenciements dans les entreprises, laisse tout tomber et part dans un village perdu du sud-est. On lui a dit que là-bas il y avait des maisons abandonnées et qu'il pourrait en occuper une. En effet il entreprend de faire renaître une vieille construction, de lui redonner des couleurs, un jardin, et même un chat. Mais au village on se méfie de lui. Que vient-il faire là, il a certainement quelque chose à cacher. De plus il est sur le chemin qui mène à l'Italie par la montagne, est-ce qu'il ne regarde pas de trop près les trafics qui passent près de chez lui...

    Découverte grâce à Moustafette qui avait lu "Non-dits", Gisèle Fournier est quelqu'un qui aime explorer les tréfonds de l'âme humaine. Peu d'action dans ce petit livre mais la découverte d'un être humain avec ses doutes, ses faiblesses, ses désirs aussi. Et aussi le thème inépuisable de la difficulté de communiquer entre les hommes.

    En cherchant dans Google si d'autres blogs en avaient parlé, je tombe sur mon commentaire de "Non-dits" et sur celui d'Allie sur "Perturbations" où, toutes les deux, nous avions évoqué le thème des "ruptures" dans la vie des héros de Gisèle Fournier.... C'est la meilleure conclusion que je puisse faire :-)

  • Le canapé rouge . - Michèle Lesbre (Sabine Wespieser, 2007)

    Je poursuis mes lectures de la rentrée dans la perspective de la présentation que nous faisons, fin octobre, de la rentrée littéraire. Vous devriez aussi voir fleurir des critiques chez Laurent car il fait aussi partie du "staff" (hein Laurent, tu n'oublies pas ? )

    b924590eb38028713e8fe7a28cf168fa.jpgSans nouvelles de Gyl parti en Russie et qu'elle a autrefois aimé, Anne décide de le rejoindre en prenant le Transsibérien. Ce long voyage est l'occasion pour elle de mettre en ordre ses souvenirs, de faire revivre les bons moments, de rencontrer quelques personnages attachants. C'est aussi l'occasion de se rendre compte de la place qu'a prise sa voisine, Clémence, une vieille dame pleine de fantaisie qui l'attend chaque jour sur son canapé rouge pour qu'elle lui fasse la lecture....

    Le ton est résolument mélancolique, empreint d'une tendresse pudique. Un charme nostalgique se dégage des silhouettes fugitives que la narratrice nous évoque.

    Je dois dire que je n'ai pas complètement adhéré à ce charme, mais je pense que c'est vraiment une question de moment et ce livre trouvera certainement son public grâce au bouche à oreille et peut-être aux blogs...

    L'avis de Fluctuat

     

  • A l'abri de rien . - Olivier Adam (L'Olivier, 2007)

    7937a96243441ddbc80d3eb87d7137cd.jpgDans une ville côtière face à l'Angleterre, les réfugiés Kosovars, Kurdes, Ethiopiens,... errent dans l'attente d'un hypothétique passage. Après la fermeture du camp de Sangatte, ils n'ont plus aucun abri et leur misère apparait au grand jour, sauf que personne ne les regarde !  Même Marie qui habite là depuis toujours ne les a jamais regardés, sauf ce jour où l'un d'eux l'aide à changer la roue de sa voiture. Est-ce pour cela qu'elle s'arrête devant cette tente et, presque sans le vouloir, commence à aider, à faire de "l'humanitaire" ? Mais Marie est très fragile, dépressive, elle a du mal à assumer son quotidien et celui de son mari et de ses enfants. Qu'est-ce qui la pousse tout à coup à sacrifier les siens pour se mettre à sauver les autres ?

    Olivier Adam a du talent et il en faut pour traiter ce sujet délicat. Je trouve très intéressantes et très émouvantes ces pages sur ces réfugiés qui n'ont pratiquement aucune chance d'avoir une vie meilleure. On est pris par l'histoire et on s'attache aux personnages. J'ai en revanche quelques réserves sur l'ambiance lourde et poisseuse et le destin dramatique de Marie. L'enfance pas drôle, la soeur morte, le chômage, le dépression, ... Peut-être Olivier Adam en fait-il un peu trop...

    En résumé un bon livre bien sûr avec une écriture percutante mais pas le meilleur d'Olivier Adam à mon avis (je sens que je vais me faire lyncher par les afficionados...)

    L'avis de Clarabel, toujours inconditionnelle, du Blog des Livres, plus nuancé

  • Le dernier frère . - Nathacha Appanah (L'Olivier, 2007)

    4b22ed327c922c50ab5bc3bb1c070d78.jpgVoilà le premier livre de la rentrée littéraire que je lis, et c'est une bonne surprise.

    Le sujet d'abord qui fait référence à un épisode méconnu de la seconde guerre mondiale. En 1940 un navire avec 1500 juifs à bord voulant rejoindre la Palestine est déporté à l'île Maurice et ses occupants sont internés dans la prison de Beau-Bassin jusqu'en 1945.

    Autour de cet épisode véridique, Natacha Appanah écrit une belle histoire d'amitié. Le jeune Raj vit misérablement avec ses parents et ses deux frères. Mais un cyclone vient détruire une partie de la famille et ils vont s'installer auprès de la prison de Beau-Bassin. C'est là que Raj va rencontrer David. Une rencontre qui, de haut de ses dix ans, prend une importance exceptionnelle. Cette amitié, magnifiée par le temps et par le destin tragique de David, revit chez Raj au crépuscule de sa vie...

    Les sentiments du narrateur, tristesse, remords, nostalgie, sont exprimés avec délicatesse et on ressent aussi nettement le climat lourd et pesant de cette île malmenée par le climat. Le contexte historique est suffisament tragique pour ne pas en rajouter. C'est un livre intelligent, bien écrit et qui traite d'un sujet original, pas mal non ?

    L'avis de Clarabel

    Ce livre est le lauréat de la 6e édition du Prix du Roman FNAC

  • Marcher sur la rivière. - Hubert Mingarelli (Seuil, 2007)

    a062227733e150bd9d9e22eef4c608e2.jpgC'est toujours très difficile pour moi de commenter les romans de Mingarelli. C'est un auteur que j'ai découvert il y a quelques années et dont je lis tout ce qui paraît, et aussi les anciens récits, mais tout est dans l'atmosphère et surtout dans l'écriture, magnifique, dont il n'est pas facile de parler intelligemment !

    Comme d'habitude, l'histoire n'est située ni dans le temps ni dans l'espace. Dans ce lieu indéterminé, une petite ville ouvrière, des personnages se croisent. Le narrateur, un jeune homme dont la jambe droite "n'obéit pas", rêve d'un ailleurs indéfini où il pourrait aller voir la mer et peut-être soigner sa jambe. Il annonce à tout le monde qu'il va partir, et un jour il part, ou plutôt il suit pendant quelques kilomètres le lit de la rivière avant de tomber sur un étrange camionneur qui a enlevé les roues de son camion, a monté une tente et commencé à creuser un trou. Pourquoi le narrateur ne l'aiderait-il pas à faire quelques courses à la ville, à acheter de l'essence ou de la nourriture ? Mais, au fil des jours, le départ annoncé et espéré se fait de plus en plus utopique. Mais l'important n'est-il pas de le rêver ?

    Les phrases courtes et le langage simple utilisés par  Mingarelli donnent une impression d'immobilité à ce monde où le cb0dc2b85a3447359894f1261729abfe.jpgtemps parait suspendu. La grande économie de mots accentue à la fois la détresse et les espoirs des personnages et rend universel un univers si loin et si proche de nous.

    «N’est-ce pas là le travail de l’écrivain?", écrit Mingarellli,  "Pourquoi en garder plus que l’on en a besoin? Je passe mon temps à effacer des mots. Je cherche à dire les choses avec trois bouts de ficelle, en évitant toute la quincaillerie.»

    A ceux qui ne connaissent pas Mingarelli, je conseillerais de commencer par Quatre soldats (il avait eu le prix Médicis en 2003) qui est le moins "déroutant" et le plus universel.

  • Chat sauvage. - Jacques Poulin (Actes Sud,1998)

    medium_9782742717149.jpgAprès avoir terminé Volkswagen Blues, j'étais trop triste de quitter l'univers de Jacques Poulin aussi, dès qu'un autre de ses livres m'est tombé sous la main, hop ! Cette fois le héros (Jack, toujours le même) est écrivain public. Or un jour il reçoit la visite d'un vieux monsieur qui souhaite écrire une lettre à sa femme. Elle est partie mais il voudrait lui écrire qu'il pense encore à elle et que peut-être.... Mais Jack a à peine commencé la lettre que le vieux monsieur s'en va. Intrigué Jack essaie de le suivre dans les petites rues de Québec. Il semble que son client soit un des conducteurs de carioles avec chevaux qui promènent les touristes. La vie continue, ponctuée des visites à son amie Kim qui habite juste l'étage au-dessus. Celle-ci est thérapeute mais une drôle de thérapeute : elle soigne le corps (massages, ...) et l'esprit en même temps (par la parole). Quand le vieux monsieur, un jour, revient, Jack n'est pas étonné....

    Comme d'habitude chez Jacques Poulin, tout est dans l'atmosphère poétique et nostalgique qui imprègne ses romans. Dès la première page, on s'attache à ce héros écrivain public et à ce vieux monsieur. Et l'ambiance du vieux Québec achève de vous accrocher au récit. Je n'en dis pas plus : je suis une inconditionnelle de Poulin, voilà c'est tout !!!!

  • Non-dits. - Gisèle Fournier (Folio / Editions de Minuit, 2000)

    medium_9782070315284.gifQuand Mathilde revient trente ans après dans la ferme qui a été celle de ses vacances d'enfant, tout lui revient par bribe : sa mère, au caractère instable, son père mort subitement dans la grange, sa tante célibataire autoritaire et revêche, son autre tante (trop ? )soumise, son oncle silencieux et travailleur. Mais quelle était cette sensation de malaise omniprésent, pourquoi les pleurs de l'une, les cris de l'autre, les coups d'oeil à la dérobée ?

    Dévoilées par petites touches, chapitre après chapitre, par les voix de chacun des acteurs, les relations familiales étaient en fait construites autour de non-dits, de manigances, de secrets de famille qui n'en étaient pas pour tout le monde, de situations reproduites à l'insu ou non des protagonistes.

    D'une écriture minimaliste pour les sentiments mais lyrique pour la nature environnante, Gisèle Fournier nous livre peu à peu les clés de cette "tragédie antique" où chacun reconnaitra les secrets qu'abrite chaque famille. A lire d'une traite (c'est ce que j'ai fait hier soir !) pour s'immerger dans l'histoire !

     Je vous laisse découvrir le très bon texte de Moustafette qui m'a donné l'envie urgente de le lire ! Et celui d'Amandine.

  • Volkswagen Blues . - Jacques Poulin (Actes Sud Babel, 1998)

    medium_9782742718009.jpgPapillon a raison, ce livre c'est un vrai bonbon ! C'est doux, c'est tendre, on n'a pas envie que ça s'arrête !

    Quand Jack prend son combi Volkswagen (une histoire qui commence avec un combi Volkswagen ne peut pas être mauvaise...), il est bien décidé à retrouver son frère qu'il n'a pas vu depuis une vingtaine d'années. Il ne pensait pas faire le chemin avec une jeune fille fantasque, libre comme l'air, métissée indienne et mécanicienne de son état ! Pourtant c'est avec elle qu'il va reconstituer l'itinéraire de ce frère qui semble avoir suivi la piste des pionniers, de Québec à San Francisco, par la route de l'Oregon, avec "Sur la route" de Kerouac dans la poche ! Ce road-movie à travers le Canada puis les Etats-Unis est la quête d'un homme à la recherche de son enfance et de ses souvenirs, ça va se transformer en un morceau  de vie exalté par l'appétit de vivre de la jeune fille.

    Quand j'avais lu La tournée d'automne, j'avais cherché  des renseignements sur Jacques Poulin, j’avais vu que les mêmes thèmes (livres, écriture, tendresse, douleur de vivre) et les mêmes personnages (Jack Waterman) se retrouvaient dans tous ses livres.

    Je reprends mon commentaire d'alors qui convient complètement aussi à ce livre : ce ne sont pas les péripéties qui comptent mais les réflexions des personnages sur eux-mêmes et sur la vie. Beaucoup de tendresse, d’émotion et aussi d’humour permettent de traiter des sujets sérieux. Ce livre est aussi un bel hommage à la littérature avec les références à Hemingway et Kerouac.

    Une très belle phrase trouvée sur un article consacré à Jacques Poulin définit bien l’atmosphère de ses livres : ses personnages, est-il écrit, « frôlent le bonheur et craignent de s’en approcher de peur qu’il disparaisse ».

    Je rajoute le commentaire d'un bloggeur québécois (Louis)  : "Jacques Poulin écrit des fictions qui, étrangement, ressemblent à nos vies, ou à tout le moins à ce que nos vies pourraient être. Ses passions, ses réflexions, ses questionnements sont les nôtres. Il est toujours fascinant de découvrir nos pensées sous la plume d'un autre que nous."

    Les avis tout aussi passionnés de Papillon , Allie, Lhisbei, Frisette