Marcher sur la rivière. - Hubert Mingarelli (Seuil, 2007) (27 juin 2007)
C'est toujours très difficile pour moi de commenter les romans de Mingarelli. C'est un auteur que j'ai découvert il y a quelques années et dont je lis tout ce qui paraît, et aussi les anciens récits, mais tout est dans l'atmosphère et surtout dans l'écriture, magnifique, dont il n'est pas facile de parler intelligemment !
Comme d'habitude, l'histoire n'est située ni dans le temps ni dans l'espace. Dans ce lieu indéterminé, une petite ville ouvrière, des personnages se croisent. Le narrateur, un jeune homme dont la jambe droite "n'obéit pas", rêve d'un ailleurs indéfini où il pourrait aller voir la mer et peut-être soigner sa jambe. Il annonce à tout le monde qu'il va partir, et un jour il part, ou plutôt il suit pendant quelques kilomètres le lit de la rivière avant de tomber sur un étrange camionneur qui a enlevé les roues de son camion, a monté une tente et commencé à creuser un trou. Pourquoi le narrateur ne l'aiderait-il pas à faire quelques courses à la ville, à acheter de l'essence ou de la nourriture ? Mais, au fil des jours, le départ annoncé et espéré se fait de plus en plus utopique. Mais l'important n'est-il pas de le rêver ?
Les phrases courtes et le langage simple utilisés par Mingarelli donnent une impression d'immobilité à ce monde où le temps parait suspendu. La grande économie de mots accentue à la fois la détresse et les espoirs des personnages et rend universel un univers si loin et si proche de nous.
«N’est-ce pas là le travail de l’écrivain?", écrit Mingarellli, "Pourquoi en garder plus que l’on en a besoin? Je passe mon temps à effacer des mots. Je cherche à dire les choses avec trois bouts de ficelle, en évitant toute la quincaillerie.»
A ceux qui ne connaissent pas Mingarelli, je conseillerais de commencer par Quatre soldats (il avait eu le prix Médicis en 2003) qui est le moins "déroutant" et le plus universel.
15:55 Écrit par Cathe | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : mingarelli hubert | Imprimer | del.icio.us | Facebook |
Commentaires
Tiens, 4 soldats, pourquoi pas ?! je ne connais absolument pas cet auteur, merci d'en parler !
Écrit par : Tamara | 27 juin 2007
Une belle lecture en perspective, pour cet été. J'ai trouvé superbes aussi les trois nouvelles d'Océan Pacifique, son précédent livre. Quatre soldats, aussi, vraiment très beau, moins déroutant en effet (quoique Mingarelli ne soit pas vraiment un auteur déroutant) parce que l'auteur avait suivi le conseil de son éditeur : ancrer le récit dans un cadre spatio-temporel identifiable (lu dans une interview de lmda, je crois). Il s'est affranchi dans tous les récits suivants de ces précisions qui ont sans doute à ses yeux un caractère trop anecdotique.
Écrit par : Philippe A | 27 juin 2007
Je trouve que tu traduis très bien ce qu'on ressent à la lecture d'un livre d'Hubert Mingarelli. Je l'ai découvert avec "La dernière neige" qui est un texte très émouvant tout en retenue et pudeur.
Écrit par : Gachucha | 27 juin 2007
Je ne connais pas du tout cet auteur. Mais si je tombe sur "4 soldats', je réfléchirai :-)
Écrit par : Emeraude | 27 juin 2007
@ Tamara et @ Emeraude : essayez, j'espère que ça vous plaira.
@ Philippe A : merci pour tes précisions qui complètent bien ce que j'ai essayé d'exprimer. En effet il y a eu plusieurs pages sur Mingarelli dans un LMDA d'il y a plusieurs mois.
@ Gachucha : je te remercie de me dire que j'ai bien traduit ce que l'on ressent. En général les commentaires sur un livre me viennent facilement, mais là j'ai eu du mal à exprimer mes sentiments !
Écrit par : cathe | 27 juin 2007
Avoir du mal à exprimer ce qu'on ressent, c'est déjà être en sympathie avec les personnages de Mingarelli.
Écrit par : Philippe A | 27 juin 2007
@ Philippe A : oui :-) . Ils ont beau être loin de nous sur plein de points, ils en sont proches par leur/notre humanité !
Écrit par : cathe | 27 juin 2007
Leur humanité : dire ce qui vraiment a compté, dans une vie faite de si peu, et le dire avec un langage si déficient. (Rappelle-toi l'enfant qui "écrit" pour les Quatre soldats.) Il n'est pas indifférent dès lors que dire ce qui vaut vraiment, dans ces livres qui utilise si peu de moyens, soit difficile.
Écrit par : Philippe A | 27 juin 2007
On en fait même des fautes : "utilisent".
Écrit par : Philippe A | 27 juin 2007
@ Philippe A : j'avais fait un exercice instructif : j'avais essayé de "réécrire" un petit épisode de "Quatre soldats". Le résultat était éclatant : Mingarelli disait la même chose mais avec dix fois moins de mots et bien sûr dix fois plus d'émotion contenue ! Comme il le dit bien, il "évite toute la quincaillerie" !
Écrit par : cathe | 27 juin 2007
Oui, il s'est débarrassé de tout ce qui n'est que décoratif : le vocabulaire le plus simple, quasiment pas de métaphores et autres images, des phrases souvent bancales... Ce n'est même pas "bien écrit", comme on le dit d'autres livres (souvent pour sauver ce qui peut l'être) ; pas d'intrigue non plus, pour ainsi dire ; et pourtant (et du coup) c'est essentiellement de la littérature. J'avais pour ma part hésité à acheter Océan Pacifique pour de mauvaises raisons (parce que ce n'était "que des nouvelles", et aussi parce que j'avais d'autres livres à lire - ça, c'est déjà plus valable) ; je n'ai pas regretté d'avoir changé d'avis : c'est, il me semble, l'un de ses plus beaux livres.
Écrit par : Philippe A | 27 juin 2007
@ Philippe A : tu éclaires bien cette atmosphère si particulière !
@ tous : je m'absente deux jours pour des journées d'étude sur le "Web 2 : blog, wiki, RSS, etc...". Je vous raconterai... En attendant... lisez Mingarelli !
Écrit par : cathe | 27 juin 2007
Voilà donc ce fameux Mingarelli dont tout le monde me parle !
Ta critique me fait penser à Grondahl...
Écrit par : Papillon | 30 juin 2007
@ Papillon : c'est bizarre que tu parles de Grondahl car c'est vraiment à l'opposé question style et thème. Chez Grondahl c'est très psychologique avec des descriptions minutieuses de l'évolution des sentiments des uns et des autres. Et il y a une histoire avec un cadre bien défini, même une époque et un pays autant que je me souvienne de "Bruits du coeur". Là c'est tout le contraire pour tout !
Je dois dire que Grondahl m'avait moyennement emballée, d'ailleurs je n'en ai pas lu d'autres. J'ai trouvé que c'était bien écrit mais sans surprise.
Écrit par : cathe | 30 juin 2007
On a feuilleté "... la rivière" dans les librairies sans être vraiment emballés ...
Par contre on a craqué pour "Hommes sans mère" qui atterrit dans notre PAL. Pour découvrir ce Mingarelli dont tant de blogs disent tant de bien !
Écrit par : BMR | 29 septembre 2007
@ BMR : je pense que cela vous plaira. Comme je le disais plus haut, "Quatre soldats" est, à mon avis, le plus abouti, mais ils sont tous intéressants.
Écrit par : cathe | 29 septembre 2007
Je viens de finir "La promesse" et j'ai découvert l'écriture de cet auteur avec ce roman. Touchant, beau, d'une intimité émotionnelle intelligente.
Écrit par : Marianne | 15 mars 2009
@ Marianne : je n'ai jamais été déçue par ses romans; Là je vais lire son dernier.
Écrit par : cathe | 16 mars 2009