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Roman francophone - Page 16

  • Une enfance à l'eau bénite. - Denise Bombardier (Seuil, 1985)

    Denise Bombardier est connue pour être une journaliste extrêmement brillante mais aussi extrêmement virulente, elle défend fermement ses idées au risque de déplaire à beaucoup de monde (elle a été exclue de Radio Canada après un débat trop orientée sur le mariage entre personnes du même sexe). 
    Le livre que je viens de lire est loin de ces polémiques puisqu'il date des années quatre-vingt et il raconte son enfance dans le nord de Montréal. On est à la fin des années quarante et le clergé veille sur l'âme des Québécois. "Denise vit dans une famille de classe moyenne. La mère a comme ambition d'élever ses enfants au-dessus de sa classe, le père est la grande honte de la famille, spécialement de la fillette, c'est un mécréant, il jure contre l'Église et ne va pas à la messe. On la suit dans sa scolarité chez les soeurs à partir de la première année jusqu'à la fin de l'adolescence.
    Le thème principal est la religion qui est omniprésente à cette époque. Le roman est centré sur cette petite fille face à tous ces préceptes et dogmes religieux qu'on lui inculque, tout ça l'angoisse et lui mine l'existence. On est loin de l'insouciance de l'enfance d'aujourd'hui, ici c'est l'enfant qui a peur de pécher, qui vit toujours dans la crainte de ne pas agir comme il le faut. Et puis à l'adolescence elle commence à se poser des questions, elle voit peu à peu que les soeurs, les idoles de son enfance, ne sont pas sans reproche..." (je cite quelques phrases de Mousseline, dans ratsdebiblio.net)
    On sent que l'auteur cherche à la fois à retrouver on enfance et à régler ses comptes avec la religion, ou au moins avec le clergé québécois des années quarante mais le ton du livre est vif et enjoué, même pour dénoncer les pires hypocrisies du clergé et les plus grandes craintes de l'héroïne.

  • Carnets de naufrage. - Guillaume Vigneault (Balland, 2003)

    Après quatre ans de mariage, Alexandre est quitté par sa femme, Marlène. Le jeune homme plonge dans une profonde dépression, jusqu'au jour où ses amis, Félix et Yannick, vont l'aider à réagir, le premier en lui proposant de partager un appartement, le second en l'invitant au Mexique. Après quelques aventures féminines, il tentera de refaire surface (c'est le cas de le dire...) en allant au bout de lui-même en surf.
    Les critiques de ce roman étaient plutôt bonnes, il faut dire que l'on a un a-priori favorable pour le fils du célèbre Gilles Vigneault. Pour ma part je dois dire que j'ai été assez déçue. Je n'ai pas été sensible au vague à l'âme des trentenaires et je n'ai pas retrouvé la poésie et la légèreté qui étaient mises en valeur dans les critiques. Donc petite déception de lecture !

  • Rue du Faubourg Saint Denis. - Louis Philippe Dalembert (Ed du Rocher, 2005)

    Un jeune garçon dans le Paris populaire du faubourg St Denis. Il traîne un peu dans les rues, sa mère n'est pas souvent là. Heureusement il va souvent chez madame Bouchereau, vieille dame à demi-impotente, qui ne bouge pas de son troisième étage. Mais un jour on la retrouve morte dans son appartement.
    Ce scénario vous rappelle quelque chose ? Oui bien sûr Dalembert fait ici un hommage à Romain Gary et à "La vie devant soi". Ici le garçon est africain et la vieille dame française, mais la tendresse, la pétulance, l'humour et aussi la nostalgie sont bien présents.
    Le style parlé, façon jeune d'aujourd'hui, est amusant et on sent que l'auteur aime profondément ses personnages.
    Ce livre fait partie des livres sélectionnés pour la découverte des littératures francophones au Salon du livre de Paris.

  • L'analphabète. - Agota Kristof (Zoé, 2004)

    Dans ce tout petit livre, Agota Kristof évoque des moments très intimes de sa vie, ceux où elle a dû changer ce qui est le plus profondément enfoui en nous : la langue. Ce récit s’intitule « L’analphabète » parce qu’elle s’est considérée comme telle quand elle est arrivée en Suisse après s’être enfuie de Hongrie en 1956 pour des raisons politiques. Elle a appris assez vite à parler français mais a dû prendre des cours pour le lire et l’écrire car elle était « analphabète » disait-elle ! De brèves évocations des langues ennemies qu’ont été pour elle le russe et l’allemand (la Hongrie avait été occupée par l’Allemagne pendant la guerre, puis par la Russie) montre les difficultés qu’elle a eues à apprivoiser une nouvelle langue, difficultés bien surmontées puisque c’est en français qu’elle est devenue écrivain avec, notamment, la célèbre trilogie » Le grand cahier ».

  • La Tournée d'automne. - Jacques Poulin (Actes Sud, 1997)

    Voilà un livre pour les bibliothécaires, et encore plus précisément pour les bibliothécaires de bibliobus. Mais les bibliobus québécois ne ressemblent pas du tout aux nôtres ! Là-bas ils partent pour une saison entière et parcourent tout le pays. Le prêt de livres se fait soit directement aux lecteurs isolés, qui doivent ensuite renvoyer le livre par courrier au Ministère (on croit rêver…), soit à des responsables de réseau qui rassemblent les demandes de plusieurs personnes, empruntent dans le bibliobus, puis rendent le tout la saison suivante ! Il faut dire que le Chauffeur qui est aussi bibliothécaire connaît parfaitement tous ses livres et les conseille avec amour. D’amour il en est aussi question avec Marie qui accompagne une troupe de comédiens ambulants. La tournée des comédiens va suivre celle du bibliobus, nous allons découvrir les villages sauvages du Québec, et bien sûr, peu à peu, Marie et le Chauffeur vont se rapprocher.

    Tout comme dans "Les yeux bleus de Mistassini", Jacques Poulin nous fait entrer dans un monde sensible et tendre auquel on s’attache irrésistiblement. Les personnages vivent chacun de leurs instants heureux comme si c’était le dernier et ils nous transmettent cette douceur de vivre indissociable d’une profond mélancolie.
    C’est le deuxième roman de Jacques Poulin que je lis : je suis conquise !

  • Les Yeux bleus de Mistassini. - Jacques Poulin (Actes Sud, 2002)

    Il y a quelque temps, j’avais découvert avec enthousiasme un auteur québécois, Michel Tremblay, dont j’avais dévoré tous les écrits autobiographiques (il a aussi écrit des romans et des pièces de théâtre). Et là je viens de lire un autre québécois qui me fait à peu près le même effet ! C’est Jacques Poulin et son roman « Les Yeux bleus de Mistassini ».

    L’histoire est simple. Un jeune étudiant entre par hasard dans une librairie (il a vu « Une histoire de la lecture » de Manguel dans la vitrine). Mais ce n’est pas une librairie comme les autres. Un poêle et des fauteuils permettent aux lecteurs de s’installer et de lire au chaud. Les best-sellers sont bien cachés dans les rayons et ce sont tous les autres livres qui sont sur les tables. Et, à la sortie, certains livres sont faits pour être volés discrètement… Il faut dire que le propriétaire est lui-même un vieil écrivain qui a la passion des livres et de la littérature. Comme il cherche un commis, Jimmy se propose. Et c’est le début d’une belle aventure entre le jeune disciple et le vieil homme qui cherchera à lui transmettre tout son amour des lettres.

    En cherchant des renseignements sur Jacques Poulin, j’ai vu que les mêmes thèmes (livres, écriture, tendresse, douleur de vivre) et les mêmes personnages (le jeune Jimmy et le vieil homme Jack Waterman) se retrouvaient dans tous ses livres. Dans celui-ci en tout cas, ce ne sont pas les péripéties qui comptent mais les réflexions des personnages sur eux-mêmes et sur la vie. Beaucoup de tendresse, d’émotion et aussi d’humour permettent de traiter des sujets graves comme les troubles de la vieillesse (Jack a la maladie d’Alzheimer) ou le processus d’écriture. Ce livre est aussi un bel hommage à la littérature avec les références à Hemingway, Salinger, Carver,etc.. Est-ce un roman autobiographique ? En partie probablement (Jacques Poulin a maintenant environ 70 ans).

    Une très belle phrase trouvée sur un article consacré à Jacques Poulin définit bien l’atmosphère de ses livres : ses personnages, est-il écrit, « frôlent le bonheur et craignent de s’en approcher de peur qu’il disparaisse ».

  • Entendez-vous dans les montagnes...- Maïssa Bey (L'Aube, 2002)

    Dans le train qui l’emmène vers le Sud, la narratrice rêve à son pays perdu, l’Algérie. Son père, tué pendant les « événements » ; elle-même forcée de partir à cause de la situation politique. Mais pourquoi, tout à coup, son voisin de compartiment se met-il à lui parler de l’Algérie ? Ah oui, elle a encore l’étiquette de sa valise avec son adresse là-bas. Il faut dire qu’il a bien connu ce pays puisqu’il y a participé aux « événements », en tant qu’appelé. Et, coïncidence, il était dans sa région natale. Et la jeune fille assise à côté d’eux, çà l’intéresse aussi, l’Algérie, car son grand-père y habitait, avant.

    Construit comme une pièce de théâtre, dans un lieu clos, ce très joli texte fait revivre les souvenirs des uns et des autres pendant cette période douloureuse. Chacun a souffert, différemment sans doute, mais souffert. Et le temps est passé mais cette douleur reste toujours.

    L’auteur, née en 1950 près d’Alger, travaille là-bas. Elle sera un des écrivains invités au Salon du Livre de Paris dans le cadre des littératures francophones.

     

  • Un secret sans importance. - Agnès Desarthe (L'Olivier, 1996)

    Pourquoi ai-je pris ce livre ? C'est d'une part parce que Jean-Philippe Blondel le cite dans un de ses commentaires sur son livre (un peu plus bas sur mon blog), d'autre part parce que c'est la fille d'Aldo Naouri, pédiatre et psychanalyste que j'apprécie beaucoup, et enfin parce qu'il parait que ses romans jeunesse sont excellents.....Où l'on voit que les critiques littéraires n'ont pas un rôle majeur pour le choix de mes lectures ;-)

    Dans une banlieue indéterminée, plusieurs personnages se trouvent réunis et leurs destins se mêlent et s'entre-mêlent.Il y a là Emile Hortchak, linguiste, sa secrétaire, la pulpeuse Harriet, son ami Dan Jabrowski et Sonia, la femme de celui-ci, Gabriel Schwartz, un jeune chercheur, et Violette Opass, une étrange voisine. Que se passe-t-il entre eux ? Des rencontres, des amitiés, des jalousies, la vie quoi ! Tout ce petit monde évolue avec ses drames et ses joies dans un quotidien souvent un peu rêvé.

    Agnès Desarthe est une grande admiratrice de Isaac Bashevis Singer et cette ambiance de quartier juif new-yorkais a sans doute beaucoup à voir avec son univers. Pour ma part je connais mal Singer mais cela m'a fait penser aux personnages et à l'univers de Jérome Charyn, ce qui revient sans doute à peu près au même ! Bref, c'est un peu embrouillé mais plein de charme et de tendresse, et, comme le notait JP BLondel, le passage sur la mort de Sonia est inoubliable !

     

  • L'attentat. - Yasmina Khadra (Julliard, 2005)

    Ce livre est un véritable coup de poing dans l'estomac ! L'attentat c'est celui qui a lieu dans un restaurant de Tel Aviv, tuant une quinzaine d'enfants. Amine, chirurgien israelien d'origine arabe, opére toute la nuit les nombreux blessés. Quand il rentre enfin chez lui se reposer, la police lui apprend non seulement que sa femme est morte dans l'attentat, mais surtout que c'était elle le kamikaze. La terre semble s'ouvrir sous lui tellement cette révélation l'anéantit. Sans renier du tout leurs origines arabes, Amine et sa femme n'étaient pas pratiquants et rien ne laissait supposer cette attitude extrêmiste. Qui a-t-elle rencontré ? Depuis quand ? Quel a été son cheminement pour aboutir à ce geste ultime de martyre ?

    J'ai lu ce livre d'une traite. Secouée d'abord par les cinquante premières pages du roman qui décrivent l'attentat et ses conséquences. Compatissante ensuite pour Amine qui vit le rejet de la plupart de ses amis et la douleur de la perte. Accrochée enfin par sa quête inlassable pour retrouver les personnes rencontrées par sa femme et qui l'ont endoctrinée et piégée (selon lui).

    C'est vrai que ce sujet grave est traité sous la forme d'un roman et qu'il n'échappe pas à quelques détails simplificateurs (des arabes parfaitement intégrés à la vie israelienne, un couple parfait, aucun détail qui aurait pu donner des soupçons à Amine, ...) mais dans l'ensemble je trouve qu'il est très instructif pour des lecteurs occidentaux. Non les kamikazes ne sont pas tous des fous ; oui les palestiniens veulent se venger des humiliations subies ; même si les attentats sont bien sûr inacceptables, que reste-t-il à ceux qui ont tout perdu à part la lutte armée?...

    Autant de réflexions que pose ce livre très bien écrit, comme d'habitude, par Yasmina Khadra qui lutte inlassablement pour que l'humanisme remplace la barbarie.

  • Spaghetti. - Gérard de Cortanze (Gallimard, Haute Enfance, 2005)

    Je dois dire que je n'avais jamais lu de romans de Gérard de Cortanze auparavant. Je le voyais comme un auteur plutôt brillant, parisien, et écrivant des romans foisonnants et d'inspiration historique.

    Dans ce récit, c'est son enfance et sa famille qu'il nous présente et c'est vrai qu'on le voit sous un jour plus intime. Il nous raconte qu'il a doublement souffert de ses origines, étant enfant. En effet non seulement on le traitait de "spaghetti" et de "macaroni", mais on se moquait de ses origines nobles ! Quant on dit "noble", il s'agit de nobles désargentés !  Tout ce qu'il raconte dans ses romans, notamment dans "Les Vice-rois", vient directement des aventures inombrables et assez abracadabrantes de sa famille. Ruiné, ayant perdu leur château familial, ils doivent s'exiler en France pour certains, en Angleterre pour d'autres, et là commencent les aventures !

    Voilà un extrait d'une interview, elle donne bien le ton que Cortanze a donné à son ouvrage :

    "A l'école, ça n'a pas tardé: Les aristocrates à la lanterne. Même les profs me disaient que je n'aurais pas dû être là puisque mes ancêtres avaient été guillotinés. J'ai entendu très souvent aussi que j'étais un macaroni, un spaghetti, un rital. Donc, en même temps, j'étais fier et je ne l'étais pas. Du côté de ma mère, là, c'est une marmelade incompréhensible. Le père de ma mère descend de Pierre Pezza. C'est un Napolitain, qui s'installe à Turin, se marie avec ma grand-mère et lui fait cinq enfants. C'est un maçon qui joue de l'accordéon le soir dans les bals et, au moment de la naissance du sixième enfant, il plaque tout pour une jeunesse. Mais on ne racontait pas ça aux enfants il y a cinquante ans. L'écriture est née de ce mystère total."