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Roman francophone - Page 18

  • En quarantaine. - Jacqueline Harpman (Mille et une nuits, 2001)

    Dans ce petit récit, Jacqueline Harpman évoque un souvenir d’enfance qui a représenté une blessure profonde pour elle.

    Alors pensionnaire au Maroc pendant la guerre, elle est la meilleure amie d’une jeune fille dont le frère est à la guerre. A l’occasion d’un devoir de français consistant à commenter "Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle" de Charles Péguy, l’auteur s’oppose à cette affirmation en prônant un raisonnement plus pacifiste. "Je ne vois pas le bonheur que c’est de mourir jeune" dit-elle. Une discussion s’ensuit qui dégénère et oblige la directrice à intervenir. Jacqueline est alors contrainte à être en quarantaine. Aucune parole ne doit être échangée entre elle et ses camarades pendant ce délai !

    L’injustice et la démesure de cette sanction seront longtemps obsédantes chez l’auteur et elle en rend bien compte avec sobriété et émotion dans ce petit récit.

  • Chaud-Froid. - Yumiko Seki ( Lattès, 2005)

    Ayant eu la chance de lire les auteurs français pendant son adolescence, Yuka a toujours aimé la culture française et souhaité venir en France. En effet, dans le Japon des années soixante-dix, les filles sont encore soumises au modèle traditionnel, les relations avec les garçons sont rares et même les sorties pendant l’adolescence sont difficiles à faire admettre par les parents. Yuko étouffe dans ce carcan et c’est bien maladroitement qu’elle essaie d’en sortir. La fréquentation des bars et des boîtes, les relations sexuelles occasionnelles et, pour finir, une sévère anorexie, la mettront au ban de ses amis. La proposition d’une Bourse d’études pour Paris sera l’occasion rêvée de sortir de ce cercle infernal.

    La découverte de la capitale par Yuka est décrite d’une très jolie manière, sans caricature. Elle découvre avec délice la ville et l’université, mais les relations avec les hommes restent difficiles ; non pas qu’elle ait du mal à faire des rencontres, mais les hommes auxquels elle plaît ont d’elle l’image traditionnelle de la Japonaise, et elle se sent loin de ce cliché.

    A la fin de son année d’études, Yuka aura le choix entre retourner dans son pays et se couler dans le moule de la parfaite épouse japonaise, ou rester à Paris et y être toujours la "jeune fille japonaise"...

    J’ai trouvé ce roman, sans doute très autobiographique, extrêmement juste dans son ton. Il décrit bien les contradictions de la société japonaise au début de son essor économique, et l’image qu’elle donnait alors à l’étranger.

    L’auteur vit en France depuis 1982, elle est journaliste, et ce livre est son premier roman.

  • Les anges ne reviendront pas. - Firouz Nadji-Ghazvini (Denoël, 2005)

    Téhéran quelques mois avant la Révolution islamique. L’atmosphère n’a jamais été aussi tendue que pendant cette fin de règne du Shah et la montée rapide de l’islamisme. Les étudiants essaient de se passionner pour la littérature ou le théâtre alors que la tragédie se joue sous leurs fenêtres. Pourtant les passions amoureuses se développent sur fond d’inquiétude et de projet de départ à l’étranger. Niloufar et Mithra, égéries de Kamran, Nader et Isamïl, interprètent Tchékhov…

    Voilà, comme chez Maryane Satrapi et Chahdortt Djavann, un témoignage de cette période troublée de Téhéran. Ici les sensations du narrateur, sa perception des gens et des lieux, prennent le pas sur la description pure. C’est à une très belle promenade à travers Téhéran, à la fois poétique et tragique, que nous convie l’auteur.

  • Le voyage d'Eladio. - Hubert Mingarelli (Seuil, 2005)

    C’est toujours un plaisir de découvrir un nouveau livre de Mingarelli. On sait que l’on va y trouver des personnages seuls avec eux-mêmes dans une atmosphère intemporelle et fascinante.

    Ce roman est le récit d’une fuite dans les montagnes qui ressemble à un voyage au bout de soi-même. Eladio s’occupe de la maison d’Alavaro Cruz, un fonctionnaire d’Amérique Centrale. Des guérilleros de passage s’arrêtent pour boire et le chef met les bottes d’Alavaro avant de partir. Ce sera pour Eladio une histoire d’honneur de les suivre dans les montagnes pour récupérer ces bottes. Mais la montée est interminable et Eladio ira jusqu’au bout de lui-même, pas tant pour retrouver les bottes que pour se prouver qu’il peut encore et toujours continuer…

  • Chamelle. - Marc Durin-Valois (Lattès, 2002)

    Dans un village africain, l’eau vient à manquer. Pour survivre, les habitants n’ont pas d’autres solutions que partir dans le désert en direction d’improbables puits encore en activité. Faut-il partir vers le Sud ou vers l’Est ? Rahne, l’instituteur, a étudié la carte et choisit le Sud, avec sa famille et celle de son meilleur ami, et avec la fidèle Chamelle. Mais le premier puits est asséché, le deuxième est pris d’assaut et gardé par les soldats, et pour aller plus loin il faudra payer de la vie de certains. Rahne devra à la fois se battre pour continuer et essayer de trouver enfin un peu d’eau, et aussi accepter les malheurs que cette sécheresse apporte.

    Ce livre, qui s’inspire de la situation réelle des nomades, est vraiment d’une grande beauté. Le récit, raconté à la première personne par le héros qui tient son journal, montre bien combien ces peuples acceptent leur destin, ce qui n’empêche pas une profonde humanité qui nous les rend très proches.

  • Je viens d’ailleurs. - Chahdortt Djavann ( Autrement, 2002)

    Je dois être à peu près la trois millième à comparer ce livre avec "Persépolis" de Maryane Satrapi, mais c’est vrai que c’est tentant. Dans les deux ouvrages c’est la situation en Iran qui est vue par les yeux d’une collégienne.


    En 1979 Khomeiny instaure un régime islamique dans les pays et c’est toute la vie quotidienne qui change. Et, comme dans tout régime totalitaire, les opposants sont emprisonnés et parfois exécutés. La narratrice verra la monté en puissance de cette violence jusqu’à ce que l’arrestation de ses meilleurs amis la terrasse et la décide à partir à Paris. Le récit est construit autour de son retour en Iran, retour qui la replongera dans la violence de son adolescence.


    Superbe livre qui émeut profondément par sa sobriété et sa justesse.

  • Chez les Thomas, on est très famille. - Nicolle Rosen (Lattès, 2002)

    C’est souvent difficile de résumer un recueil de nouvelles. Ici pas de problème, le thème c’est la famille dans tous ses états.

    Epouse abattue par un décès brutal. Amitié féminine brisée par la naissance d’un amour. Fratrie déconcertée par le naufrage du couple parental. Désespoir de femme face à un improbable amant. Rêve de lectrice pour un auteur idéalisé.

    Toutes ces nouvelles mettent en scène des abandons, des déceptions, des trahisons, qui sont la trame de la vie quotidienne.

    C’est la première œuvre de fiction de l’auteur, psychanalyste, et c’est vraiment très réussi.
    Et je remarque que je me mets à apprécier de plus en plus les nouvelles...