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Roman francophone - Page 3

  • Ormuz. - Jean Rolin (P.O.L., 2013)

    ormuz.jpgLe narrateur est chargé d'écrire les exploits de Wax, un personnage énigmatique, plus très jeune, qui a le projet de traverser le détroit d'Ormuz à la nage. Ce détroit, c'est le point le plus "chaud" du globe, en effet c'est par lui que transite trente pour cent du pétrole mondial et c'est lui qui assure l'accès du golfe persique à la mer d'Arabie puis à l'océan indien à l'Irak, aux Emirats arabes unis, au Koweit, Qatar, Bahrein, Oman et à une partie de l'Iran. Autant dire que sa surveillance est toujours au maximum car son blocage aurait des conséquences dramatiques sur le plan mondial. Donc notre Wax va et vient dans ces contrées inhospitalières, nouant des contacts discrets, s'intéressant aux oiseaux, peaufinant son projet. Le narrateur, lui, part sur ses traces après sa disparition (c'est la première phrase du livre...) et explore ces lieux qui lui inspirent d'incessantes réflexions...

    Je dois d'abord dire que j'étais sûre d'avoir déjà lu des livres de Jean Rolin (avant mon blog), Port-Soudan, L'invention du monde, tous tournant autour du récit de voyage sans vraiment en être. Mais le style d'Ormuz m'a mis la puce à l'oreille, je ne me souvenais pas de ce style très particulier... Renseignements pris, en fait ce sont les livres d'Olivier Rolin que j'avais lus. Et re-renseignement re-pris, ils sont frères ! Avouez que j'avais des excuses pour les associer !

    Donc je reprends mes commentaires sur le style particulier de Jean Rolin, fait de descriptions méticuleuses, de digressions innombrables, d'apostrophes au lecteur et surtout d'un humour subtil qui allège le tout. Un peu interloquée au début, j'ai été aimantée par ces phrases à la longueur toute proustiennes et par ces divagations poétiques mais néanmoins très précises sur les lieux, les gens, les pétroliers,... Tout est prétexte au déploiement d'une écriture riche et originale et je pense que je poursuivrai la lecture de cet auteur et de son style jubilatoire où l'on prend plaisir à se perdre !

  • Le boucher de Guelma . - Francis Zamponi (Folio policier, 2011)

    boucher.jpgLa guerre d'Algérie est dans toutes les mémoires pourtant c'est d'un autre conflit dont nous parle Francis Zamponi, celui de 1945 quand des affrontements ont fait des milliers de morts en Algérie chez les Algériens et chez les Français. Maurice Fabre, alors sous-préfet de Guelma, est accusé, plus de soixante ans après, d'avoir ordonné ces massacres et son procès a lieu en Algérie. Les deux pays sont plutôt embarrassés par cette arrestation surprise et ils préfèreraient que le vieillard soit considéré comme sénile. Mais Fabre ne l'entend pas ainsi et il souhaite faire toute la lumière sur cette période où le gouvernement français n'a pas toujours été clair et a manifestement couvert les "massacres de Guelma" dont Fabre était l'instigateur.

    Le compte-rendu de ce procès et des derniers moments de Maurice Fabre en prison est passionnant. L'auteur réussit à rendre cette période très vivante grâce à l'utilisation de différents procédés stylistiques : témoignages, procès-verbaux, compte-rendus de situations, extraits d'audiences. On en ressort avec une meilleure compréhension de la situation d'alors en Algérie qui mènera quelques années plus tard à la guerre d'Algérie, et l'auteur, bien que né en Algérie, n'omet pas les atrocités commises dans les deux camps. Ma question est : pourquoi le publier dans la collection Folio policier alors qu'il était sorti dans la collection Roman du Seuil ? Il n'y a rien de policier dans ce récit, ou alors tout peut être classé dans policier...

  • Le code de Cambridge. - Tony Gheeraert (Le Pommier, 2010)

    gheeraert.jpgArnaud est un étudiant parisien plutôt falot et il est tout étonné quand on lui propose une prestigieuse bourse pour aller étudier à Cambridge. Le thème de la recherche : Lady Charity Backwater, mystérieuse puritaine qui vécut au temps de la révolution anglaise et fut accusée d'avoir poignardé son mari, un fidèle du roi Charles 1er. Mais une fois à Cambridge, il est logé dans un manoir qui présente toutes les caractéristiques du manoir hanté, la jeune universitaire avec laquelle il a commencé à sympathiser est retrouvée assassinée peu après qu'il l'ait quittée, et il apprend que tous les étudiants qui ont travaillé sur le personnage de Charity Backwater ont soit disparu, soit été enlevés, soit ont carrément été assassinés ! Il faut l'admettre, cette histoire est étrange, d'ailleurs des phénomènes bizarres ont lieu dans le manoir...

    C'est un régal de lire cette histoire qui est dans la lignée des très bons romans policiers historiques avec ses vieux grimoires, son cadavre dans la bibliothèque, ses revenants et ses références littéraires et historiques. La brume anglaise se prête bien à cette ambiance et l'érudition de l'auteur se mêle à un humour très british ! A ne pas lire seul dans une maison isolée...

    J'ai reçu l'auteur dans la médiathèque en même temps que Claude Pujade-Renaud (il est à droite sur la photo. A gauche c'est le libraire de la librairie Un ange passe à Versailles)

     

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  • Dans l'ombre de la lumière. - Claude Pujade-Renaud (Actes sud, 2013)

    pujade.jpgAvant d'être un saint homme, Saint-Augustin a été Augustinus, un homme qui vivait loin de la foi chrétienne et faisait partie des "manichéens". Pendant une quinzaine d'années, il a vécu en concubinage avec Elissa pour laquelle il a eu une passion très charnelle. Au bout de quinze ans, influencé par sa mère, il la répudie pour faire un riche mariage avec une très jeune fille. C'est à ce moment qu'il a la révélation de la foi et qu'il se convertit à la religion chrétienne. Il deviendra évêque et aura une grande influence intellectuelle et morale.

    Le livre commence dix ans après leur séparation alors qu'il vient faire un sermon à Carthage où habite Elissa. C'est l'occasion pour elle d'évoquer leur relation forte et douloureuse. Elle est encore sous l'emprise de cet homme qui a été pour elle un amant inoubliable et un compagnon d'une intelligence supérieur. Maintenant il prône la rigueur et la chasteté, il villipendie les femmes infidèles et n'hésite pas à se rapprocher du pouvoir pour augmenter son influence. Elissa oscille entre la nostalgie des moments heureux et la colère envers cet homme...

    Claude Pujade-Renaud réussit de manière magnifique à la fois à décrire une époque et à évoquer des sentiments qui sont, somme toute, universels. Les personnages secondaires sont également très attachants, sa soeur et son beau-frère qui sont païens, Sylvanus le savant copiste infirme, Monica la belle-mère... J'ai eu la chance de la faire venir dans ma médiathèque et elle a parlé avec passion de son livre et de la manière dont elle a inventé le quotidien d'Elissa tout en se documentant sur l'aspect historique et religieux.

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  • Le dernier roi d'Angkor. - Jean-Luc Coatalem (Grasset, 2010, Livre de poche, 2011)

    51Preljn2wL._SY445_.jpgA la suite d'une rupture amoureuse, Jean-Luc Coatalem fait le point dans cet appartement familial qu'il occupe et qui porte encore les traces de ses parents et grands-parents. Beaucoup de souvenirs coloniaux, restes des voyages de membres de sa famille. Et des photos. Et, parmi elles, celle d'un garçon du même âge que lui et son frère, Bouk, qui habitait chez son grand-père. En semaine il était en pension, et le dimanche il venait à Viroflay et a fit longtemps partie de la famille avant de disparaître. Il était Cambodgien et la légende familiale disait qu'il était reparti à Angkor. Jean-Luc Coatalem, hanté par cette histoire, part à sa recherche en France, à la pension, au téléphone auprès d'homonymes. Et enfin au Cambodge où il part réaliser un reportage.

    Ce récit est très personnel et cette quête est sans doute une étape importante dans la vie de l'auteur. On y assiste presque en voyeur, mais le style de Coatalem, classique et précis, nous rappelle que, plus que l'histoire elle-même (encore un secret de famille...), c'est la manière très personnelle de la raconter qui est importante. Un récit intéressant, entre confession et récit de voyage...

  • Je vais beaucoup mieux que mes copains morts. - Viviane Chocas (Heloïse d'Ormesson, 2012)

    chocas.jpgLe jour où Blanche demande à un pensionnaire de la maison de retraite ce qu'il va faire de sa journée, celui-ci lui répond : "Comme d'habitude, fauteuil !". Cette phrase la décide à mettre en place un atelier d'écriture. Le début est difficile, la confiance doit s'installer, il faut trouver des thèmes, savoir écouter, savoir se livrer aussi. Mais ce projet aboutit au-delà de ses espérances car le groupe de pensionnaires entreprend un jour de partir en cavale...Parallèlement Blanche essaie de transformer son histoire de désir en histoire de coeur...

    J'ai pris ce livre car j'ai été accrochée par le titre (c'est la phrase que dit un monsieur de 85 ans) et car je me souvenais de Bazar magyar du même auteur que j'avais lu à sa sortie en 2006. Le début évoque vraiment bien l'atmosphère d'une maison de retraite avec ceux qui perdent la tête, ceux qui vont encore bien, ceux qui ont l'air d'aller bien,...La deuxième partie part un peu en vrille de manière très sympathique, façon Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire... En revanche les chapitres intermédiaires sur la passion charnelle torride de Blanche et de son livreur de pizza me posent un problème : vais-je pouvoir conseiller ce livre aux petites dames retraitées qui viennent à la bibliothèque ??? ;-)

     

  • Garde tes larmes pour plus tard. - Alix de Saint-André (Gallimard, 2013)

    giroud.jpgEnvoyée par le magazine Elle en 1987 pour la rencontrer, Alix de Saint-André découvre une Françoise Giroud bien loin de l'image de la femme autoritaire et féministe qu'elle avait d'elle. Françoise Giroud est en pleine dépression, elle touche Alix de Saint-André au lieu de l'agacer comme elle le prévoyait. Et ainsi commence une amitié qui durera jusqu'à la mort de Françoise Giroud en 2003. Elles sont très différentes mais ces deux personnalités trouvent des terrains de très bonne entente : leur métier de journaliste, les chats et les mots et la littérature.

    Deux biographies sur Françoise Giroud paraissent, elles sont soit très superficielles, soit se basent sur des scoops révélant qu'elle est juive et qu'elle a envoyé des lettres antisémites. Pour faire la vérité, Alix de Saint-André se plonge dans la généalogie des Giroud (nés Gourdji) avec l'aide de la fille de Françoise Giroud, Caroline Eliacheff (psychanalyste, mariée à quinze ans à Robert Hossein et aujourd'hui à Marin Karmitz, et ayant un fils rabbin). C'est à une véritable enquête que se livre l'auteur, signant ses mails 'Sherlock". Ou comment retrouver les traces d'un curé qui aurait baptisé Françoise et sa mère à une date à déterminer...

    J'avais découvert Alix de Saint-André en 1994 avec L'ange et le réservoir de liquide à freins, un polar déjanté qui parlait beaucoup d'anges, une des passions de l'auteur. Puis récemment dans le pétulant En avant route (et je vois que j'ai oublié de faire un billet...) sur ses quatre "pèlerinages" vers Saint-Jacques de Compostelle. Elle a un réel talent de conteuse et, qu'elle parle de sujets sérieux ou légers, elle y met une fantaisie et une vivacité qui ne peuvent que plaire aux lecteurs. Je relèverais peut-être, comme Cuné qui en parle à propos de Il n'y a pas de grandes personnes (je le lirais bien celui-là, tiens...) une tendance à une confusion, au milieu de ses livres, qui peut lasser...

    Les avis de Cathulu, Mango 

  • Voyage au centre de Paris. - Alexandre Lacroix (Flammarion, 2013)

    paris.jpgLe narrateur part des jardins du Luxembourg et traverse Paris à pied jusqu'au quartier du Temple. A chaque chapitre il s'arrête sur une rue ou un lieu et évoque des références soit historiques, soit personnelles, soit littéraires. Les catacombes et ses expéditions dans leur tréfonds quand il était étudiant. Le square du Vert-Galant et les errances d'Hemingway à cette endroit quand il habitait à Paris. Supervielle, Verlaine et Rilke en bord de Seine. Les débuts de sa propre histoire d'amour rue Git-le-Coeur...

    L'exercice pourrait être fastidieux, et il le sera peut-être pour des lecteurs (mon mari a abandonné au milieu du livre). Pour ma part j'ai adoré cette promenade à travers Paris car elle mêle toutes les références qui vous viennent à l'esprit quand on marche dans la capitale. Tant de rues sont associées à des événements, des lectures, des souvenirs que chacun pourrait écrire son voyage au centre de Paris. Pour le moment c'est Alexandre Lacroix qui propose le sien et j'espère que d'autres que moi seront charmés par cette balade mélancolique, érudite et amoureuse.

  • Je vais mieux . - David Foenkinos (Gallimard, 2013)

    763b9a9d0903ee7fef76cd10160ca6a1.jpgPour le narrateur tout va bien. Son couple (il s'entend bien avec sa femme), ses enfants (ils réussissent bien dans la vie), son boulot (il travaille dans un cabinet d'architecte), ses amis (Edouard et sa femme, des amis depuis leur vie étudiante). Bref tout est parfait sauf la douleur lancinante dans le bas du dos qui l'a pris soudainement. Il souffre à tel point qu'il va aux urgences voir un médecin. Celui-ci ne trouve rien et préfère lui faire passer une radio, puis un IRM. Toujours rien et ça lui fait de plus en plus mal. Sur le conseil de quelqu'un, il va chez une magnétiseuse qui lui dit qu'elle ne peut rien pour lui car le mal est plus profond, c'est un mal être. Et en effet assez rapidement tout ce qui allait bien dans sa vie se défait....

    J'espère que ce début suffira à donner envie d'en savoir plus. En tout cas je conseille à tous les lecteurs et lectrices (à la maison tout le monde l'a lu, moi / mari / fils de 19 ans) qui aiment l'introspection mâtinée d'humour, façon Woody Allen, de le découvrir. C'est une plongée dans l'intime dans laquelle on peut tous se reconnaître avec ses petites réflexions percutantes, ses traits d'humour acérés et ses accès de désespoir / tendresse / lucidité / témérité (barrer la mention inutile). Je dois être la seule blogueuse francophone à ne pas encore avoir lu La délicatesse mais j'avais découvert Foenkinos avec Les souvenirs, magnifique hommage à ses grands-parents avec "cette petite musique particulière qui sait parler de choses graves avec délicatesse et humour", et ce dernier livre est dans la même lignée.

    Emeraude est complètement de mon avis !

  • Bon rétablissement. - Marie-Sabine Roger (Le Rouergue, La Brune, 2012)

    bon retablissement.jpgJean-Pierre se réveille un matin à l'hôpital, avec des fractures multiples, des tuyaux partout. On lui dit qu'il a été repêché dans la Seine en pleine nuit par un jeune prostitué. Il ne se souvient de rien et l'enquête ne donne rien. Il doit prendre son mal en patience pour les longues journées d'hospitalisation qui l'attendent. Agé de soixante-sept ans, il est veuf, plutôt ours, asocial et très cynique. Cette immobilisation forcée va dans un premier temps accentuer encore sa misanthropie naturelle avec les contraintes de sa situation : réveil tôt, infirmières et aide-soignantes qui entrent à toute heure, médecins qui font de lui un "cas", voisine de chambre envahissante, prostitué-sauveur qui vient le voir, policier-enquêteur qui revient souvent,.... Bref ce séjour n'arrange pas son fichu caractère,  même si quelques (légères) failles apparaissent dans sa carapace...

    Voilà un petit roman très attachant avec un personnage que l'on ne peut pas détester, malgré et grâce à son humour très grinçant. Il m'a fait penser aux personnages de Pascal Garnier qui sont à l'opposé du bien-pensant, du mièvre et du politiquement correct et qui cachent bien profondément leurs émotions. Le plus étonnant est que ce soit une femme qui a écrit ce livre qui est très masculin ! Bravo à Marie-Sabine Roger pour ce petit livre très original que je vais conseiller à mes adhérents !

    La blogosphère est unanime Clara, Anne-Sophie, Un autre endroit, Cathulu, Aifelle