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Roman francophone - Page 2

  • Sigmaringen. - Pierre Assouline (Gallimard, 2014)

    sigmaringen.jpgSeptembre 1944. Le gouvernement français de Vichy est accueilli en Allemagne à Sigmaringen dans le château des Hohenzollern. Pétain, Laval, les ministres et le personnel de service vont loger au château. Les miliciens et les civils qui les ont suivis seront en ville. Pour assurer la bonne marche de ce château de presque quatre cents pièces, Julius Stein, le majordome au service des Hohenzollern depuis quarante ans. A lui la diplomatie, les ballets de serviteurs, les rencontres à éviter entre Pétain et Laval. A lui le gestion des personnels français et allemands. A lui aussi la cohabitation avec l'intendante du maréchal, Jeanne, qui lui fait perdre son légendaire sang-froid. La vie s'organise entre les ministres "actifs" qui imaginent déjà leur retour triomphal en France et les "passifs" qui ont compris la situation. Les jalousies, les trahisons et les rumeurs sont  le quotidien du majordome qui doit veiller à la bonne marche de tout ce petit monde.

    Sur un sujet plutôt austère, Pierre Assouline réussit l'exploit de faire un roman passionnant et facile à lire. Son idée de raconter cet épisode sombre de l'histoire vue par Julius, le majordome, est pour beaucoup dans cette réussite. Cette période de huit mois, avant la défaite de l'Allemagne, est décrite comme une pièce de théâtre à huis clos avec toutes les passions que cela peut attiser. Julius est un personnage extrêmement attachant, fidèle avant tout à ses maîtres, détestant les nazis, francophile et mélomane, et soucieux de faire respecter les traditions du château. J'ai tout de suite pensé au personnage du majordome dans Les vestiges du jour de James Ivory, et en effet Assouline le cite dans sa (longue) bibliographie. A lire aussi pour les apparitions de Céline qui était aussi du voyage...

     

  • Les derniers jours d'un homme. - Pascal Dessaint (Rivages, 2010)

    derniers jours.jpgNoyelles Godault dans le Pas-de-Calais, siège de l'usine Metaleurop, usine métallurgique qui transformait des métaux lourds. Ses activités ont été à l'origine de pollutions chroniques par le plomb. En 2003 l'usine ferme, mettant 830 ouvriers au chômage.

    Dans ce récit, Judith, dix-huit ans, essaie de mieux connaître son père, mort alors qu'elle avait cinq ans. Dans ce village qui ne vit que grâce à l'usine, c'est aussi à cause d'elle que les enfants ont un taux inquiétant de plomb dans le sang, que les ouvriers ont des cancers foudroyants et qu'il est interdit de manger des légumes du jardin et de jouer dehors. Là-bas la fumée de plomb est un poison. Et pourtant c'est leur gagne-pain, et quand quelqu'un essaie de monter un comité pour porter plainte contre l'usine, tout le monde réagit violemment. Le père de Judith essaie de s'interposer. Treize ans après Judith veut comprendre la vie d'alors, quand il y avait encore l'usine et quand son père était vivant.

    J'avais repéré ce livre depuis longtemps d'après d'excellents billets et, je confirme, ce roman est d'une force inouïe avec une histoire que l'on n'est pas prêt d'oublier : le quotidien des ouvriers avec cette usine qui leur assure certes leur quotidien mais qui les rend malades ou qui les tue quand il y a un accident, et il y en a souvent. L'horizon se ferme quand l'usine s'arrête et avec elle les seuls emplois du coin. Pascal Dessaint mêle la dimension sociale à la dimension intime de ces vies comme les autres, et cela donne un récit poignant et douloureux. C'est un bel hommage à l'histoire de cette usine et de ses ouvriers et plus largement aux ouvriers victimes des fermetures d'usine.

    Les avis de ClaraCathulu, Cune

     

  • Le quatrième mur. - Sorj Chalandon (Grasset, 2013)

    chalandon.jpgTout commence par l'amitié entre un étudiant parisien, Georges, et un jeune Grec, Sam, metteur en scène, venu se réfugier en France. Nous sommes en 1974 et le Moyen-Orient connait des heures sanglantes. Au Liban la guerre va se déclencher et va bouleverser les Européens. Sam, en pacifiste convaincu, veut monter une opération incroyable. Il veut mettre en scène l'Antigone d'Anouilh à Beyrouth avec des acteurs venant de chaque camp. Un défi à la situation et une porte ouverte sur l'espoir d'une réconciliation. Mais Sam tombe malade et il fait promettre à Georges de poursuivre ce projet. Georges accepte mais quand il va à Beyrouth en 1982 l'intervention israélienne fait monter de plusieurs crans la violence, la mort est partout, le projet théâtral, pourtant bien démarré, semble bien dérisoire, et Georges reviendra en France anéanti par la sauvagerie des agressions qu'il a vu de ses propres yeux dans les différents camps.

    Quel livre fort et douloureux et quel talent d'avoir réussi à mettre des mots sur cette violence. Il aura fallu trente ans à l'auteur, grand reporter à l'époque au Liban, pour écrire sur ce sujet. La force vient aussi de la construction du livre qui commence doucement avec cette amitié entre les deux hommes, leurs discussions sur le théâtre, le projet de monter une pièce, et l'escalade de la situation. Un livre que l'on n'oubliera pas.

    L'avis de Clara , d'Anne-Sophie  

  • Au revoir là-haut . - Pierre Lemaitre (Albin Michel, 2013)

    au revoir la haut.jpgLes derniers jours de la première guerre sur le front de l'Est. Alors que les rumeurs sur la fin de la guerre s'amplifient, un lieutenant qui souhaite gagner des galons envoie ses hommes essayer de récupérer cette dangereuse côte 113. Une fois que les deux soldats envoyés en éclaireurs sont tués, tous les hommes le suivent, pourtant deux d'entre eux se posent des questions. Albert quand il voit que les deux hommes ont reçu des balles dans le dos. Edouard quand il s'étonne que le lieutenant d'Aulnay-Pradelle reste calme et regarde lentement ce qui se passe par terre au lieu de mener l'assaut. Albert manque d'y perdre sa vie et Edouard la sienne pour sauver Albert. Les deux hommes seront inséparables, pendant la démobilisation puis à leur retour à Paris. Comment vont-ils s'en sortir dans ce pays qui n'a pas les moyens d'indemniser ses poilus, qui a un lobby très fort d'anciens combattants, et qui a aussi un certain nombre d'arrivistes qui vont essayer de s'enrichir dans cette période agitée !

    Tous les billets sur ce livre sont très positifs et je vais continuer sur cette lancée. Les cent premières pages de combat sur le front sont époustouflantes, et pourtant il y a eu beaucoup de littérature sur les tranchées. La suite avec les passages sur l'hôpital, les gueules cassées et la démobilisation est aussi excellente. La partie du retour à Paris a un peu de mal à trouver son rythme mais ensuite tout s'enchaîne avec brio : la description de cette société où cohabitent les vieux politicards influents, les jeunes aux dents longues qui veulent se faire une place, et les poilus de retour à qui on ne propose rien et qu'on a de toute façon licenciés de leur travail. Chacun va essayer de s'en sortir avec plus ou moins d'honnêteté. Les magouilles sur l'identification des morts (sujet traité aussi dans La vie et rien d'autre de Tavernier), sur la grande opération de création de cimetières militaires, et sur l'édification de monuments aux morts montrent l'état de la France au sortir de la guerre. Bravo à l'auteur pour cette fresque riche, édifiante, cynique mais émouvante et très humaine !

     

    Les avis très positifs de Papillon, Sandrine, Clara, Cuné, DominiqueStephie, Ys, Keisha, Praline

  • Folles de Django. - Alexis Salatko (Laffont, 2013)

    django.jpgNé dans une roulotte près de Charleroi, Django et son frère se mettent très tôt à dessiner et à jouer de la guitare. Django devient vite un véritable virtuose, mais dans l'incendie de sa roulotte il est gravement brûlé et perd deux doigts. Tenace, il développe une technique particulière qui fera de lui un des plus grands guitaristes du siècle. Peu à peu il se fait connaître et réussit à devenir une véritable vedette bien qu'il garde des manières de vivre très peu conformes aux normes ! Mais son génie fait qu'il s'en sort toujours et qu'il sait s'entourer d'excellents musiciens, dont le génial Stéphane Grappelli. La guerre viendra bouleverser cet équilibre. Grappelli reste à Londres, Django ne veut pas quitter la France mais il est arrêté plusieurs fois et risque le pire. Tout au long de ces années, une bonne fée veillera sur lui, Maggie, qui lui ouvre beaucoup de portes et vient à son secours si besoin. Sa fille Jenny prendra ensuite la relève. On connait la suite, des concerts fabuleux après la guerre mais une fin de vie à Sannois où il tombe presque dans l'oubli car il n'a plus l'énergie de ses débuts et il meurt à 43 ans.

    django3.jpgL'auteur sait rendre le rythme de vie trépidant de Django et nous plonge en plein dans ces années glorieuses d'avant-guerre puis dans les années quarante. Django est vraiment un personnage hors du commun, un véritable héros de roman et ce roman (biographie romancée plutôt) le transmet vraiment très bien. A lire si vous aimez le jazz et Django ! D'ailleurs, au moment où j'écris ce billet, TSF Jazz passe La Marseillaise par Django et Grappelli. Voilà un concert, parmi beaucoup d'autres, très bien raconté et que l'on n'oublie pas !

     

    L'avis enthousiaste de Noukette,

  • Un notaire peu ordinaire. - Yves Ravey (Les éditions de Minuit, 2013)

    notaire.jpgQuand Madame Rebernak voit arriver son cousin Freddy, sorti de prison après treize ans pour le viol d'une petite fille, elle commence à s’inquiéter pour sa fille adolescente Clémence et même pour son fils. Pourquoi revient-il ici, comment l'empêcher de tourner autour de sa maison ? Inlassablement elle va tout faire pour surveiller sa fille (elle est souvent chez le notaire car elle flirte avec Paul, le fils), jetant par la même occasion un œil sur les allées et venues du cousin. Mais Clémence est à un âge où l'on n'aime pas être surveillée et sa mère ne peut pas toujours savoir exactement avec qui elle est. D'ailleurs n'est-elle pas en sécurité avec Paul et son père ? C'est bien son cousin qui l'inquiète...

    En une centaine de pages, l'auteur réussit à créer un climat très inquiétant et on ne lâche pas ce récit, persuadé que ça va mal se terminer... Bien sûr ce n'est pas de la manière que l'on imaginait et l'auteur a beaucoup de talent pour distiller l'inquiétude dans cette province tranquille et traditionnelle en peu de pages et avec un style minimaliste.

     

    Keisha, Yv, Elodie, Sandrine et Clara l'ont lu aussi

     

  • Kinderzimmer. - Valentine Goby (Actes sud, 2013)

    kinder.jpg1944, Ravensbrück et ses quarante mille femmes. Parmi elles, Mila et sa cousine Lisette. Comment survivre dans cet enfer. Essayer d'abord de comprendre les aboiements en allemand qui ponctuent les journées. Tenir en mangeant les rations minimes octroyées. Obéir et travailler sinon ce sont les coups de fouet. Essayer de prendre un peu de repos à deux sur une paillasse de 65 cm de large. Se réchauffer quand l'hiver arrive. Et ne pas penser que l'on est enceinte, le cacher car ça peut nuire. Mais accoucher quand même et laisser son bébé dans la "Kinderzimmer" où d'autres nourrissons survivent deux à trois mois. Comment les nourrir, comment avoir du lait alors qu'on est squelettique...

    Et comment parler d'un énième livre sur les camps de concentration. Comment ne pas être submergée par l'émotion de cette lecture. Essayer de voir ce qui est particulier à ce livre, peut-être le fait que ce soit centré uniquement sur des femmes et que la tendresse, la solidarité, la proximité physique apportent peut-être plus de réconfort que dans un milieu masculin (les "cadeaux" offerts après la naissance du bébé...). Être frappée par le début du livre, quand Mila, très longtemps après, raconte son histoire à des lycéens et qu'une lycéenne lui demande "Mais alors vous ne saviez pas où vous alliez, vous ne saviez rien de Ravensbrück...". Non elle ne savait rien, elle ne pouvait pas imaginer, et d'ailleurs comment aurait-elle pu imaginer l'inimaginable. Et comment en parler au retour quand son père lui dit "Nous aussi à Paris on a eu faim et froid". Et comment le dire à son fils une fois grand. Et même après avoir lu des récits sur le sujet, il faut lire ce roman qui est aussi le récit de témoignages recueillis par l'auteur, et le faire lire pour que jamais on n'oublie !

    L'avis de Clara avec un beau commentaire de Valentine Goby

  • Terminal Frigo. - Jean Rolin (P.O.L., 2005)

    terminal frigo.jpgLe narrateur nous invite à l'accompagner dans son errance dans plusieurs ports. Saint-Nazaire où se termine la construction du Queen Mary 2. Calais où la ville est envahie de clandestins qui tentent, souvent vainement, de passer en Angleterre. Dunkerque, haut lieu de la lutte des dockers, où la destruction d'un batiment symbolique fait ressurgir la rivalité entre deux leaders syndicaux. Le Havre où l'accumulation des containers étouffe peu à peu le quartier de la zone portuaire. Royan et la traversée du Verdon...

    Le style très particulier d'Ormuz m'avait donné envie de faire encore un bout de chemin avec ce voyageur iconoclaste qu'est Jean Rolin. Ce récit m'a encore davantage réjouie ! En effet je suis cette fois entrée immédiatement dans le ton de l'auteur, fait de fausse familiarité, de digressions et de détails nombreux et saugrenus. Pourtant au fil des pages je les ai vus ces ports, ces chantiers navals, ces dockers, ces clandestins, je les ai senties ces odeurs de grand large, d'algue et de goudron, et j'ai même entrevu l'auteur au milieu de tout ça, marchant dans le vent (il y a toujours du vent en bord de mer), regardant, écoutant, dans un grand manteau gris... A quand ma prochaine errance avec Jean Rolin ?....

  • Chaque jour est un adieu. - Alain Rémond (Seuil, 2000)

    alain remond.jpgAlain Rémond revient sur son enfance, dans les années cinquante et soixante, en Normandie. Une famille très modeste, dix enfants, un déménagement forcé à cause des bombardements, puis l'installation dans ce village, Trans, et la maison qui sera la leur pendant vingt ans. Pas d'électricité bien sûr, pas d'eau courante, pourtant ce sont des souvenirs de bonheur qui lui reviennent grâce aux jeux avec ses neuf frères et soeurs. Mais la douleur apparait quand il évoque la rupture, celle du moment où ses parents ont commencé à ne plus s'entendre. Pourquoi une telle mésentente, pourquoi les cris, la violence, l'alcool ? Il n'aura jamais la réponse. Ni celle à propos de sa soeur Agnès qui sombre peu à peu dans la folie.

    Ce livre avait eu beaucoup de succès à sa parution, mais il a fallu que je lise Tout ce qui reste de nos vies pour le découvrir. Ecrit dans un style fluide, le récit nous fait entrer dans l'intimité d'une famille nombreuse des années d'après-guerre. L'auteur revient aussi sur la rupture avec ce milieu grâce aux études, aux années de pensionnat puis au départ de la maison. Mais rien n'efface nos premières années et maintenant encore il s'interroge sur ce qui a pu créer cet "enfer" entre ses parents et faire perdre l'équilibre mental à sa soeur. Un récit familial attachant et nostalgique qui touchera particulièrement les moins jeunes d'entre nous ;-)

  • Tout ce qui reste de nos vies. - Alain Rémond (Seuil, 2013)

    alain remond.jpgC'est un souvenir obsédant qui est à l'origine de ce récit : l'auteur est arrivé par hasard, en pleine campagne, un jour de pluie, dans une maison abandonnée. Dans la grange se trouvaient des cartons pleins de lettres et de papiers personnels. Où étaient les habitants, pourquoi ont-ils tout laissé, que reste-t-il d'eux, toute leur vie est-elle dans ces papiers ? A partir de ce souvenir Alain Rémond évoque l'importance qu'a eu pour lui l'écriture, le papier, le courrier, mais aussi le fait que notre vie peut être résumée en quelques papiers que nous devons absolument garder, feuilles de paie, papiers de notaire,...

    Dans la lignée de Chaque jour est un adieu, il revient sur sa vie, ses souvenirs, ses parents. Le thème est certes classique mais il le fait avec beaucoup de pudeur et chacun de nous peut se retrouver dans ce travail de la mémoire qui sélectionne ce qu'elle veut...