Septembre 1944. Le gouvernement français de Vichy est accueilli en Allemagne à Sigmaringen dans le château des Hohenzollern. Pétain, Laval, les ministres et le personnel de service vont loger au château. Les miliciens et les civils qui les ont suivis seront en ville. Pour assurer la bonne marche de ce château de presque quatre cents pièces, Julius Stein, le majordome au service des Hohenzollern depuis quarante ans. A lui la diplomatie, les ballets de serviteurs, les rencontres à éviter entre Pétain et Laval. A lui le gestion des personnels français et allemands. A lui aussi la cohabitation avec l'intendante du maréchal, Jeanne, qui lui fait perdre son légendaire sang-froid. La vie s'organise entre les ministres "actifs" qui imaginent déjà leur retour triomphal en France et les "passifs" qui ont compris la situation. Les jalousies, les trahisons et les rumeurs sont le quotidien du majordome qui doit veiller à la bonne marche de tout ce petit monde.
Sur un sujet plutôt austère, Pierre Assouline réussit l'exploit de faire un roman passionnant et facile à lire. Son idée de raconter cet épisode sombre de l'histoire vue par Julius, le majordome, est pour beaucoup dans cette réussite. Cette période de huit mois, avant la défaite de l'Allemagne, est décrite comme une pièce de théâtre à huis clos avec toutes les passions que cela peut attiser. Julius est un personnage extrêmement attachant, fidèle avant tout à ses maîtres, détestant les nazis, francophile et mélomane, et soucieux de faire respecter les traditions du château. J'ai tout de suite pensé au personnage du majordome dans Les vestiges du jour de James Ivory, et en effet Assouline le cite dans sa (longue) bibliographie. A lire aussi pour les apparitions de Céline qui était aussi du voyage...