Ce roman est un hommage de l'auteur à sa grand-mère, Lie-Fei, qui a commencé à subir l'opération qui rapetissait les pieds des femmes chinoises alors qu'elle avait cinq ans. Mais nous sommes en 1912, le dernier empereur est chassé du trône et tout change ! On ne bande plus les pieds des femmes ! Toute sa vie Lie-Fei sera partagée entre la joie d'avoir évité la douleur de ces interventions, mais aussi la honte de ne pas avoir les petits pieds qui symbolisaient la beauté féminine. Ces impressions se superposent aux bouleversements politiques et économiques qu'a connus la Chine au 20è siècle.
Ce récit est intéressant car à la fois il est empreint de sensibilité et de poésie et à la fois c'est un témoignage sur le sort des femmes en Chine au 20è siècle.
L'auteur, Ying Chen, est née à Shanghaï en 1961 et vit à Montréal depuis 1989. Elle écrit en français.
Les routes de l'imaginaire - Page 68
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La Mémoire de l'eau. - Ying Chen (Actes Sud, 1992)
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La Maestra. - Vénus Khoury-Ghata (Actes Sud, 1996)
En prenant un livre de Vénus Khoury-Ghata (auteur libanaise vivant en France et écrivant en français), je ne m'attendais pas à plonger dans un petit village perdu au milieu des montagnes mexicaines. J'ai lu ensuite que l'auteur avait fait de nombreux séjours au Mexique et que son inspiration venait de là.
C'est un roman à la fois tragique et drôle. Tragique parce que c'est l'histoire d'une jeune femme riche qui se sait condamnée et qui ne supporte plus de vivre recluse dans sa belle maison de Mexico. Un jour elle part et elle recommence sa vie parmi les masures d'un village retiré. Personne ne la connait, c'est ce qu'elle voulait. Vivre, là-haut, signifie survivre et à peine manger à sa faim. Mais cela n'empêche pas la jalousie et la méchanceté de se développer entre les habitants ! Et c'est aussi parfois drôle car les situations sont presque surréaliste ! En arrivant, Emma doit endosser le rôle de l'institutrice (la "maestra") et enseigner (mais quoi...) dans un abri sans table ni chaise. Et puisqu'elle est blanche et instruite, on lui demande d'écrire un courrier au maire du village voisin, puis au Président de la République, pour demander une route goudronnée, un curé et un gendarme pour leur villages de dix-huit âmes !
C'est émouvant, surprenant, sans doute très mexicain, et cela nous emmène très loin de nos préoccupations d'européens ! -
Mes hommes. - Malika Mokeddem (Grasset, 2005)
Voilà un livre pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur.
Malika Mokeddem, née en Algérie, nous retrace sa vie avec une passion extraordinaire. Elevée dans un pays où les filles étaient vraiment considérées comme inférieures aux garçons (une femme à qui on demandait combien elle avait d'enfants répondait : deux, et quatre filles), elle ressentira intensément cette injustice et cherchera toute sa vie à la réparer. Dans cet environnement régi par l'ordre masculin, les femmes sont résignées. Elle sera révoltée. Avec l'Indépendance, les filles peuvent accéder aux études secondaires. Elle sera la seule fille de la classe de 5è à la classe de Terminale. Puis la seule pionne d'internat à côté de surveillants masculins. Les études médecine à Oran contribueront à l'émanciper face à des amoureux encore réticents face à autant d'audace. Mais tous ses amours seront difficiles à vivre car par eux elle cherche à soigner une blessure d'enfance : être aimée pour elle-même et garder sa liberté. Un homme saura lui offrir cela et elle vivra 18 ans avec lui. Puis son succès comme écrivain de nouveau la mettra "à part". Pourtant plusieurs hommes, dont elle fait des magnifiques portraits, compteront pour elle. Elle n'est pas "contre" les hommes. Elle veut être à leurs côtés et veut qu'eux aussi soit à ses côtés.
Ce besoin d'écriture, vital chez elle, est vraiment ce qui l'aide à exprimer toute cette violence, toutes ces blessures et toute cette passion. Comment pourra-t-on l'oublier après avoir lu un tel livre !Néphrologue à Montpellier. Epoux français. Née le 5 octobre 1949 à Kenadsa. Etude de médecine à Oran, puis à Paris. Elle s'installe à Montpellier en 1979. Elle arrête l'exercice de sa profession en 1985, pour se consacrer à la littérature. Prix Littré, prix collectif du festival du Premier roman de Chambéry, et prix algérien de la fondation Nourredine Aba pour son premier roman publié en 1990, "Les Hommes qui marchent". Prix Afrique -Méditerranée de l'ADELF en 1992, pour son second roman "Le Siècle des sauterelles". Prix Méditerranée, Perpignan, pour "L'Interdite", en 1994.
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Une enfance à l'eau bénite. - Denise Bombardier (Seuil, 1985)
Denise Bombardier est connue pour être une journaliste extrêmement brillante mais aussi extrêmement virulente, elle défend fermement ses idées au risque de déplaire à beaucoup de monde (elle a été exclue de Radio Canada après un débat trop orientée sur le mariage entre personnes du même sexe).
Le livre que je viens de lire est loin de ces polémiques puisqu'il date des années quatre-vingt et il raconte son enfance dans le nord de Montréal. On est à la fin des années quarante et le clergé veille sur l'âme des Québécois. "Denise vit dans une famille de classe moyenne. La mère a comme ambition d'élever ses enfants au-dessus de sa classe, le père est la grande honte de la famille, spécialement de la fillette, c'est un mécréant, il jure contre l'Église et ne va pas à la messe. On la suit dans sa scolarité chez les soeurs à partir de la première année jusqu'à la fin de l'adolescence.
Le thème principal est la religion qui est omniprésente à cette époque. Le roman est centré sur cette petite fille face à tous ces préceptes et dogmes religieux qu'on lui inculque, tout ça l'angoisse et lui mine l'existence. On est loin de l'insouciance de l'enfance d'aujourd'hui, ici c'est l'enfant qui a peur de pécher, qui vit toujours dans la crainte de ne pas agir comme il le faut. Et puis à l'adolescence elle commence à se poser des questions, elle voit peu à peu que les soeurs, les idoles de son enfance, ne sont pas sans reproche..." (je cite quelques phrases de Mousseline, dans ratsdebiblio.net)
On sent que l'auteur cherche à la fois à retrouver on enfance et à régler ses comptes avec la religion, ou au moins avec le clergé québécois des années quarante mais le ton du livre est vif et enjoué, même pour dénoncer les pires hypocrisies du clergé et les plus grandes craintes de l'héroïne. -
Carnets de naufrage. - Guillaume Vigneault (Balland, 2003)
Après quatre ans de mariage, Alexandre est quitté par sa femme, Marlène. Le jeune homme plonge dans une profonde dépression, jusqu'au jour où ses amis, Félix et Yannick, vont l'aider à réagir, le premier en lui proposant de partager un appartement, le second en l'invitant au Mexique. Après quelques aventures féminines, il tentera de refaire surface (c'est le cas de le dire...) en allant au bout de lui-même en surf.
Les critiques de ce roman étaient plutôt bonnes, il faut dire que l'on a un a-priori favorable pour le fils du célèbre Gilles Vigneault. Pour ma part je dois dire que j'ai été assez déçue. Je n'ai pas été sensible au vague à l'âme des trentenaires et je n'ai pas retrouvé la poésie et la légèreté qui étaient mises en valeur dans les critiques. Donc petite déception de lecture ! -
Le Dialogue. - François Cheng (Desclée de Brouwer, 2002)
Ce livre est bien un dialogue entre François Cheng et "ses" langues. En effet, même si sa langue maternelle est bien le chinois, il montre très clairement comment il s'est approprié la langue française et comment celle-ci lui a permis d'appréhender autrement la réalité.
Arrivé en France après la guerre, il continue à écrire dans sa langue maternelle pendant de nombreuses années en même temps qu'il traduit la poésie française en chinois. Dans les années soixante il commence à enseigner à l'université. Quand il souhaite recommencer à écrire de la poésie, spontanément il pense qu'il le fera en chinois. Mais c'est le français qu'il choisit. Pourquoi ? Parce que, dit-il, elle le poussait à "plus de rigueur dans la formulation et plus de finesse dans l'analyse". Et parce qu'adopter une autre langue permet de "nommer les choses à neuf, comme au matin du monde".
Ce petit livre est un magnifique hymne à la langue française et j'espère qu'il sera mis en valeur cette année alors que l'on célèbre la francophonie. -
Rue du Faubourg Saint Denis. - Louis Philippe Dalembert (Ed du Rocher, 2005)
Un jeune garçon dans le Paris populaire du faubourg St Denis. Il traîne un peu dans les rues, sa mère n'est pas souvent là. Heureusement il va souvent chez madame Bouchereau, vieille dame à demi-impotente, qui ne bouge pas de son troisième étage. Mais un jour on la retrouve morte dans son appartement.
Ce scénario vous rappelle quelque chose ? Oui bien sûr Dalembert fait ici un hommage à Romain Gary et à "La vie devant soi". Ici le garçon est africain et la vieille dame française, mais la tendresse, la pétulance, l'humour et aussi la nostalgie sont bien présents.
Le style parlé, façon jeune d'aujourd'hui, est amusant et on sent que l'auteur aime profondément ses personnages.
Ce livre fait partie des livres sélectionnés pour la découverte des littératures francophones au Salon du livre de Paris. -
Un psychanalyste sur le divan. - J.D. Nasio (Payot, 2002)
Dans cet ouvrage assez généraliste, Nasio, psychanalyste, fait une synthèse d'une part de ce qu'est une psychanalyste (pourquoi, comment, avec qui, ..), d'autre part de ce qu'un psychanalyste est amené à entendre chaque jour dans son cabinet. Des exemples de patients venus le voir pour différentes raisons montrent la variété des angoisses et des souffrances qu'il rencontre. Enfin dans une partie plus personnelle il nous parle de lui, Argentin venu faire ses études de psychiatrie à Parie où il a rencontré Lacan et la psychanalyse.
Je trouve les livres de Nasio toujours très agréables à lire. En effet son style clair et concis permet à chacun d'appréhender des concepts parfois complexes. -
L'Oedipe.-J.D. Nasio (Payot, 2005)
Après avoir lu Freud, on le savait : la période de la petite enfance est déterminante pour la personnalité d'un individu. Ce que l'on nomme "l'Oedipe" est l'ensemble des sentiments et sensations ressentis par l'enfant vis à vis de ses parents à cette période de sa vie. La manière dont il voit le monde à ce moment-là structurera une grande partie de sa personnalité.
Dans cet ouvrage, Nasio, psychanalyste, élève de Lacan, explique clairement ce qui se passe alors dans la tête d'un petit garçon ou d'une petite fille (et oui, ce n'est pas tout à fait pareil !)
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L'analphabète. - Agota Kristof (Zoé, 2004)
Dans ce tout petit livre, Agota Kristof évoque des moments très intimes de sa vie, ceux où elle a dû changer ce qui est le plus profondément enfoui en nous : la langue. Ce récit s’intitule « L’analphabète » parce qu’elle s’est considérée comme telle quand elle est arrivée en Suisse après s’être enfuie de Hongrie en 1956 pour des raisons politiques. Elle a appris assez vite à parler français mais a dû prendre des cours pour le lire et l’écrire car elle était « analphabète » disait-elle ! De brèves évocations des langues ennemies qu’ont été pour elle le russe et l’allemand (la Hongrie avait été occupée par l’Allemagne pendant la guerre, puis par la Russie) montre les difficultés qu’elle a eues à apprivoiser une nouvelle langue, difficultés bien surmontées puisque c’est en français qu’elle est devenue écrivain avec, notamment, la célèbre trilogie » Le grand cahier ».