C’est un grand plaisir de découvrir l’enfance de Sartre dans ce livre. Ecrit longtemps après, il décrit ses dix premières années à travers le prisme de sa philosophie future.
Orphelin de père à l’âge de quelques mois, il est élevé par sa mère et ses grands-parents maternels. Considéré comme un enfant hors du commun, il épouse les différentes destinées que lui prédit sa famille, destinées qui tournent toujours autour des livres et de l’écriture. Il va dévorer très tôt la bibliothèque de son grand-père et découvrir les héros de la littérature. Il sera lui aussi un héros, il vivra ce qu’il découvre dans les livres avant d’écrire des histoires romanesques inspirées de "Madame Bovary" mais aussi de Zévaco et des illustrés achetés au kiosque.
A lire ce récit, on a l’impression que Sartre a vécu mille vies pendant ses années d’enfance, a supporté mille tourments, a eu une existence exceptionnelle. Ce milieu familial a probablement aidé le petit Jean-Paul à devenir le grand Sartre, mais son extrême sensibilité, son intelligence vive et son appétit de savoir étaient déjà là et ne demandaient qu’à s’épanouir dans cette famille de littéraires et de musiciens.
Les routes de l'imaginaire - Page 72
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Les mots. - Jean-Paul Sartre (Folio)
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Enfances. - Françoise Dolto (Seuil, 1999)
Quand on lit le récit de l'enfance de Françoise Dolto, on se dit qu'elle n'est pas passée loin de la psychose et que c'est un miracle qu'elle soit devenue pédiatre et psychanalyste, "médecin d'éducation" comme elle disait. La famille bourgeoise où elle naît l'étouffe littéralement, tout est fait pour valoriser les garçons, elle a à peine le droit de passer le Bac, et elle ne peut commencer ses études de médecine qu'à 25 ans. D'ailleurs jusque-là elle n'avait jamais pris un repas en dehors de chez ses parents ou de chez sa grand-mère.
L'épisode le plus connu et le plus terrible est celui-ci : sa soeur aînée étant très malade, sa mère lui demande de prier pour sa guérison. Son seul espoir est qu'une âme pure puisse réaliser un miracle. Françoise, qui fait alors sa Communion, prie mais sa sœur meurt quelques jours après. Sa mère devient presque folle et en veut à Françoise de ne pas avoir assez prié, et d'être là alors que sa sœur est morte ! Terrible poids à porter pour une enfant !
Malgré cela, et c'est ce qui rend le livre vraiment agréable à lire, Françoise était une enfant gaie, à l'esprit vif, et elle avait déjà cette naïveté touchante et cette approche positive des gens, qu'elle gardera toute sa vie. La suite dans "Autobiographie d'une psychanalyste". -
Autoportrait d'une psychanalyste. - Françoise Dolto (Seuil, 2001)
Dans cette suite d'"Enfances", Françoise Dolto décrit son parcours de psychanalyste en s'arrêtant sur quelques étapes importantes de sa vie. Ses premières expériences de médecin, sa rencontre avec la maladie mentale dans la "clinique du Dr Blanche", la vie de famille, la découverte de la psychanalyse.
La popularité qu'elle a acquise grâce à ses entretiens radiophoniques a parfois dévalorisé son travail de psychanalyste, pourtant elle a fait partie des proches de Lacan et elle a suivi celui-ci dans ses conflits avec ses confrères. Ce livre est intéressant car il met en parallèle la vie de Françoise Dolto et l'influence que la psychanalyse a eue sur son déroulement, la démarche est assez rare, d'autant plus qu'elle sait rendre vivants et pleins d'humour ses souvenirs de toute une vie.
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Père et fille : une correspondance (1914-1938). - Françoise Dolto (Mercure de France, 2001)
Cette sélection de lettres échangées entre Françoise Dolto et son père s'étend sur vingt-quatre ans. Pleine d'admiration et de tendresse pour son père, Françoise Dolto lui reproche de ne pas suffisamment lui parler de ses sentiments à lui et de ses souvenirs d'enfance. Entre eux il y a sa sœur aînée morte à 18 ans, et sa mère, traumatisée par ce deuil, qui va en faire porter le poids à toute la famille (à Françoise et à ses cinq frères). C'est sur le conseil de son père que Françoise commencera une analyse avec René Laforgue et, dans sa dernière lettre, c'est en analyste qu'elle fera le diagnostic de la névrose de sa mère.
Cette sélection de lettres complète bien "Enfances" et "Autobiographie" de Françoise Dolto. -
Le jour où Lacan m'a adopté : mon analyse avec Lacan. - Gérard Haddad (Grasset, 2002)
Ce récit qui se lit comme un roman est le parcours de l’auteur, tunisien émigré en France, qui, d’ingénieur agronome, devient psychiatre et psychanalyste après avoir suivi une analyse avec Lacan. C’est vrai que les récits d’anecdotes à propos des analyses de Lacan sont nombreux dans l’édition, le plus connu étant "Une saison chez Lacan" de Pierre Rey, il faut dire aussi qu’il y a de quoi raconter sur les séances à durée très variable, les portes laissées ouvertes et les coups de gueule de Lacan.
Ici c’est plutôt l’itinéraire d’un homme qui avait très tôt pensé se diriger vers la psychiatrie et la psychanalyse, mais qui avait dû choisir des études moins coûteuses, ou tout du moins aidées par des bourses. Ce n’est qu’à trente ans, après être presque par hasard arrivé chez Lacan qui l’a pris tout de suite en analyse, qu’il va littéralement se voir évoluer et décider de changer de métier et reprendre des très longues études de médecine. On l’accompagne vraiment pendant toutes ces années, on partage ses doutes, ses enthousiasmes, ses gros gros problèmes d’argent (eh oui, les séances quotidiennes chez Lacan et l’entretien d’une famille, çà vous oblige à faire le grand écart budgétaire).
C’est bien sûr impossible de "raconter" une psychanalyse, pourtant Haddad essaie de nous faire approcher le plus près possible de ce qu’a été la sienne. Et puis, assez rapidement, il choisit d’être lui aussi psychanalyste (en même temps qu’ingénieur à mi-temps et étudiant en médecine, et militant communiste aussi…). Ses rencontres avec ses premiers patients sont inoubliables, l’appartement sent encore la peinture et la moquette n’est pas fixée…. Et lui est à peu près dans le même état ! Mais il s’accroche, il travaille énormément la théorie psychanalytique, et peu à peu on le voit qui devient plus sûr de lui et plus heureux dans sa vie.
Ce livre est bien sûr aussi un très beau portrait de Lacan sur lequel Haddad fait un incroyable transfert filial. Lacan a littéralement un don de double vue sur la vie de Haddad, il l’influencera énormément dans la mesure où il l’éperonnera pour qu’il avance encore et toujours. Le monde de la psychanalyse parisienne est bien décrit avec ses clans, ses querelles (de famille par exemple, avec les Miller), ses ruptures, ses prises de pouvoir. Mais on voit bien que Lacan a été et restera le pivot de toute une génération d’analystes qui se positionneront toujours par rapport à lui. -
Petites mythologies d'aujourd'hui. - Serge Tisseron (Aubier, 2000)
Comme Barthes avec ses "Mythologies", Serge Tisseron nous présente ses "Petites mythologies d'aujourd'hui" : ordinateur, téléphone portable, distributeur automatique de billets, appareils photo jetables, échographies… Toutes ces innovations induisent des comportements nouveaux et le psychanalyste passionné par l'image qu'est Tisseron s'en donne à cœur joie pour les analyser et les disséquer. Les utilisations de ces nouveaux objets a modifié certaines de nos émotions et nous a obligés à inventer de nouveau fantasmes.
Comme tous les ouvrages de Tisseron, celui-ci se lit facilement et nous aide à regarder d'un autre œil notre vie quotidienne.
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Le secret de famille. - François Vigouroux (Hachette Pluriel, 2002)
Toutes les familles ont leurs zones d'ombre, enfants naturels cachés, divorces dissimulés, paternités douteuses, notamment au 19e et au début du 20e alors que le "qu'en dira-t-on" était important. Mais les impacts psychologiques sur les descendants sont nombreux et c'est ce que François Vigouroux a voulu montrer.
Psychologue et romancier, il retranscrit ici quelques-unes des histoires qui lui ont été racontées. Générations qui se mêlent, répétitions de situations, incestes, ce sont des forces inconscientes qui font naître ces secrets de filiation, et la douleur est d'autant plus vive que le secret reste enfoui. Le travail de l'auteur a été de donner du sens à ces événements et d'apprendre à vivre avec plutôt que de continuer à les dissimuler. -
Comment Hitchcock m'a guéri. Que cherchons-nous dans les images ? - Serge Tisseron (Albin Michel, 2003)
Serge Tisseron, psychanalyste, est surtout connu pour ses ouvrages sur Hergé et Tintin ("Tintin chez le psychanalyste" et "Tintin et le secret d'Hergé"). Dans cet ouvrage c'est lui-même qu'il met en scène en rendant à Hitchcock ce qu'il lui doit, c'est-à-dire la compréhension du mal-être de son enfance.
Pendant longtemps Tisseron a cru être à jamais marqué par la mort de son grand-père alors qu'il avait deux ans. Mais les films de Hitchcock lui font éprouver des émotions violentes jusqu'à ce qu'il découvre que les regards froids des héros hitchcockiens le ramènent au regard de sa mère pendant son enfance, notamment quand il a failli se noyer.
Sa théorie sur le pouvoir des images est vraiment intéressante et chacun peut y trouver des exemples dans sa propre histoire. -
Psychanalyse de la chanson. - Philippe Grimbert (Hachette Pluriel 2004)
Alors que certaines personnes n'auront jamais accès à la peinture, à la littérature ou à la musique classique, tout le monde, oui tout le monde sans exception aura fredonné, aimé, retenu, des chansons. C'est un art populaire qui a ses origines dans notre histoire la plus lointaine et qui s'est bien sûr démocratisé avec l'avènement de la radio.
C'est déjà un élément fédérateur assez important pour que le psychanalyste Philippe Grimbert y consacre un ouvrage. Mais il étudie aussi plus précisément ce qui fait que nous retenons ou pas une chanson selon le moment de notre vie où nous la découvrons, et ce qui fait que nous éprouvons un plaisir immense à réécouter certaines chansons (plaisir de la répétition, de la reconnaissance), dont celles de notre jeunesse ou de notre enfance (d'où le succès d'une radio comme "Radio-Nostalgie"). Pourquoi une chanson reste-t-elle à ce point dans la tête ??? Mystère ! Et c'est tout ce mystère que tente de percer Philippe Grimbert dans cet ouvrage passionnant, facile à lire et néanmoins sérieux.
Dans un autre livre, "Chantons sous la psy", il étudiera plus précisément certaines chansons, dont "L'aigle noir" de Barbara où il semble que cet aigle sombre soit un symbole incestueux.
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La famille dans tous ses états. - Caroline Eliacheff (Albin Michel, 2004)
Caroline Eliacheff, pédopsychiatre et psychanalyste, anime une chronique hebdomadaire sur France-Culture où elle aborde différents sujets de société sous l'angle de sa pratique d'analyste.
Ce livre rassemble ces chroniques qui traitent des maux (et des mots) de tous les jours : la transmission de la cuisine au sein de la famille, la jalousie entre frères et sœurs, le congé paternité, Noël, le nom de famille, etc… Autant de situations de la vie quotidienne qu'elle décortique et nous retransmet de manière très claire.