Ce récit qui se lit comme un roman est le parcours de l’auteur, tunisien émigré en France, qui, d’ingénieur agronome, devient psychiatre et psychanalyste après avoir suivi une analyse avec Lacan. C’est vrai que les récits d’anecdotes à propos des analyses de Lacan sont nombreux dans l’édition, le plus connu étant "Une saison chez Lacan" de Pierre Rey, il faut dire aussi qu’il y a de quoi raconter sur les séances à durée très variable, les portes laissées ouvertes et les coups de gueule de Lacan.
Ici c’est plutôt l’itinéraire d’un homme qui avait très tôt pensé se diriger vers la psychiatrie et la psychanalyse, mais qui avait dû choisir des études moins coûteuses, ou tout du moins aidées par des bourses. Ce n’est qu’à trente ans, après être presque par hasard arrivé chez Lacan qui l’a pris tout de suite en analyse, qu’il va littéralement se voir évoluer et décider de changer de métier et reprendre des très longues études de médecine. On l’accompagne vraiment pendant toutes ces années, on partage ses doutes, ses enthousiasmes, ses gros gros problèmes d’argent (eh oui, les séances quotidiennes chez Lacan et l’entretien d’une famille, çà vous oblige à faire le grand écart budgétaire).
C’est bien sûr impossible de "raconter" une psychanalyse, pourtant Haddad essaie de nous faire approcher le plus près possible de ce qu’a été la sienne. Et puis, assez rapidement, il choisit d’être lui aussi psychanalyste (en même temps qu’ingénieur à mi-temps et étudiant en médecine, et militant communiste aussi…). Ses rencontres avec ses premiers patients sont inoubliables, l’appartement sent encore la peinture et la moquette n’est pas fixée…. Et lui est à peu près dans le même état ! Mais il s’accroche, il travaille énormément la théorie psychanalytique, et peu à peu on le voit qui devient plus sûr de lui et plus heureux dans sa vie.
Ce livre est bien sûr aussi un très beau portrait de Lacan sur lequel Haddad fait un incroyable transfert filial. Lacan a littéralement un don de double vue sur la vie de Haddad, il l’influencera énormément dans la mesure où il l’éperonnera pour qu’il avance encore et toujours. Le monde de la psychanalyse parisienne est bien décrit avec ses clans, ses querelles (de famille par exemple, avec les Miller), ses ruptures, ses prises de pouvoir. Mais on voit bien que Lacan a été et restera le pivot de toute une génération d’analystes qui se positionneront toujours par rapport à lui.
Commentaires
je viens de finir le "pierre Rey", je cherchai d'autre récits de ce type, je tombe sur votre note.... Merci
Il y a aussi "Jacques Lacan, 5 rue de Lille" de Jean-Guy Godin
Si vous en connaissez d'autres, je suis aussi intéressée....
Je ne manquerai pas de vous le faire savoir.
L'école de la cause Freudienne avait publié un livre trés interressant (qui sont vos psychanalystes?, au Seuil) dont l'objet était la récolte auprès d'une grande majorité de leur membres (donc tous analystes) de récits dont le fil conducteur était leurs parcour respectifs vers (ou dans) l'analyse... parfois drole, quelque fois abscon, mais souvent émouvant.
Je note...
Il y aussi "Dialogue avec mon psychanalyste" de Simone Korff-Sausse, classique mais très intéressant.
Et "Le divan c'est amusant : Lacan sans peine" de Corinne Maier, plein d'humour mais très sérieux sur le fond.
D'ailleurs il faudrait que je fasse des commentaires de ces deux livres sur mon blog...
A lire également "Sur le divan" de Jean-pierre Gattegno
Très intéressant pour les quelques réponses apportées, mais rien ne remplace l'expérience personnelle.
@ anne-marie vasseur : oui, le Gattegno est intéressant aussi. Je l'ai lu mais n'ai pas fait de critique !