Vous êtes-vous jamais demandé à quoi pense un garçon de café pendant qu’il va et vient, écoute l’un, sert l’autre et approuve le troisième ? Que de confidences recueillies, de morceaux de vie attrapés au vol ! Et sa vie à lui, quelle place a-t-elle encore parmi toutes ces existences ? A 56 ans, Pierre, déjà héros de "Mon quartier", se fond dans la vie des autres, sa solitude lui est familière et il fait partie du quartier comme son café et le kiosque à journaux.
Dominique Fabre propose un tableau de la banlieue parisienne, près de la gare d’Asnières, avec des mots justes et sensibles. Son livre se lit d’une traite et, bien qu’il ne vous emmène pas dans des pays lointains pour des aventures exotiques ("Le Matricule des Anges" écrit très justement de lui qu’il préfère "plonger en soi plutôt qu’explorer d’improbables fictions"), il vous bâtit un monde en soi, et la littérature c’est çà !
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Un minuscule inventaire. - Jean-Philippe Blondel (Laffont, 2005)
Au départ on a l’impression que çà va être lassant : un homme divorcé profite d’une brocante pour se séparer d’objets personnels. Pour chaque vente, un flash-back raconte l’histoire de l’objet. Et pourtant la magie opère tout de suite. Les objets ne sont que des prétextes pour entrer dans la vie du narrateur (un narrateur qui m’a d’ailleurs beaucoup rappelé celui de Jean-Paul Dubois dans "Une vie française"…). Que d’occasions perdues dans cette vie, que de rendez-vous manqués, de numéros de téléphone jamais rappelés ! Certes le bonheur a été présent avec sa femme, au début au moins…
Et, au moment où l’on commence quand même à se lasser un peu de ce procédé, Blondel a la bonne idée de passer de l’autre côté du miroir et de nous montrer la vie des objets chez leur nouveau propriétaire. Alors là la ficelle est certes un peu grosse, tous ces gens qui retrouvent des objets dont ils étaient proches il y a dix ou vingt ans ! Mais bon, curieusement on se surprend à suivre le fil des souvenirs et à dévider les morceaux de vie avec eux. D’ailleurs n’est-ce pas ce que l’on cherche, nous aussi, quand on déambule dans un vide grenier ?
La fin est un peu mélo, mais bon çà fait du bien de temps en temps d’avoir la larme à l’œil, et puis la vie parfois c’est mélo, n’est-ce pas… -
La petite fille de Monsieur Linh. - Philippe Claudel (Stock, 2005)
Monsieur Linh est réfugié. Il a dû quitter son pays après que la guerre ait détruit son village et tué tous les siens. Tous, non, car il garde précieusement contre lui sa petite fille de quelques mois. Avec elle il supportera le voyage en bateau puis la promiscuité du foyer d’accueil. Mais c’est son amitié avec Monsieur Bark qui lui procurera le plus de plaisir. Sans comprendre leurs langues respectives, ces deux êtres qui ont beaucoup souffert réussiront à partager des moments très forts.
Dans une langue sobre, Claudel fait un très beau portrait de personnages simples submergés par la souffrance mais qui réussissent, par la compassion, à retrouver un peu de bonheur à vivre.
Je dois dire pourtant que je suis un peu restée sur ma faim avec ce petit récit. C’est certes sobre et émouvant, mais, à mon avis, un peu court pour un roman et peut-être un peu long pour une nouvelle…. Je gardais un très bon souvenir des recueils de nouvelles de Claudel « Les petites mécaniques » et « Trois petites histoires de jouets » et je trouve que ce récit aurait gagné à être plus ramassé dans une structure plus courte.
En tout cas ce roman m’a rappelé le très beau portrait de vieillard fuyant la guerre avec un enfant dans les bras dans « Terre et cendres » d’Atiq Rahimi… -
Mariée par correspondance. - Kalesniko (Paquet, 2005)
C’est une histoire pathétique que celle de Kyung Seo, coréenne mariée par correspondance à Monty Wheeler, canadien de 39 ans passionné, obsédé même, par les jeux et les jouets. Le pathétique ne vient pas seulement du fait que des occidentaux aient besoin de choisir sur catalogue des jeunes femmes asiatiques, ni du fait que ces femmes n’aient que cette solution pour acquérir une position sociale correcte au lieu d’une situation misérable dans leur pays.
Ici l’auteur montre que Kyung et Monty sont des personnes à part entière et que chacun projetait sur l’autre des fantasmes ou des désirs. Fantasme de femme asiatique soumise, travailleuse et sexy pour l’un. Désir de reconnaissance sociale pour l’autre. Il devient impossible de s’entendre quand le socle d’un couple est aussi bancal et il faudra que les conflits atteignent des sommets douloureux pour que, peut-être, chacun essaie de comprendre l’autre..
Voilà une bande dessinée magnifique, au dessin noir et blanc délicat et évocateur, qui parle d’une question de société mais aussi de la difficulté de se comprendre à deux. -
Une vie passionnante, et autres nouvelles. - Susan Minot (Folio, 2003)
Ah, les relations hommes-femmes, voilà un sujet inépuisable ! Les héroïnes de Susan Minot tentent de s'y retrouver dans le labyrinthe de désirs, de sentiments et d’apparences qu’est leur vie. Pas facile d’être soi-même et de ne pas tenir compte du regard des autres. Pas facile non plus de se réconcilier avec soi-même après une rupture.
En tout cas ces quelques nouvelles donnent envie de lire en entier le recueil "Sensualité" dont elles sont extraites.
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Jazz à Boissy le Cuté (Essonne)
Pour la 9è année, la petite commune de Boissy le Cuté dans l'Essonne a proposé un Festival de Jazz. Au programme, de nombreux musiciens parmi les plus grands du jazz actuel français pour des concerts, un grand bal, des rencontres, mais aussi des "Promenades artistiques dans les bois", du théâtre musical, etc... Leur ambition : que soit proposé au plus grand nombre un jazz de qualité pour un prix modique (entre 5 et 10 euros le concert !) et surtout que la culture se démocratise et vive toute l'année, pas seulement pendant le festival.
http://ausuddunord.free.fr/index.htmlLes musiciens (en vrac.....) : Henri Texier, Bojan Z, Aldo Romano, Marc Perrone, Bernard Lubat, François Corneloup, Franck Tortiller (le nouveau directeur de l'Orchestre National de Jazz), Louis Winsberg (guitariste de Sixun), Baptiste Trottignon, Simon Goubert, etc.... Et celui qui porte à bout de bras cette manifestation : Philippe Laccarière, contrebassiste et habitant de Boissy.
C'est vraiment dommage que Blogspirit ne propose pas encore de fichier sonore, car j'aurais voulu vous faire découvrir un saxophoniste que j'ai moi-même découvert cet été au Festival de jazz d'Uzeste (c'est comme Boissy le Cuté pour l'ambiance et la musique, juste un petit peu plus grand, mais pas trop non plus... et c'est Bernard Lubat le grand Mamamouchi du lieu). Ce saxophoniste c'est François Corneloup. Aussi à l'aise au saxophone soprano que baryton (personnellement je préfère le son ample et velouté du baryton), il donne une extraordinaire impression d'énergie. Son jeu, très physique, vous prend au corps et vous emmène dans les contrées très excitantes que l'on peut appeler "Free" et que lui préfère appeler le jazz "libre". Cet article vous permettra de mieux le connaître
http://www.asmeg.org/index.php?template=dossier&dor_ref=99&are_ref=3840Certains concerts, ou extraits de concerts, d'Uzeste Musical peuvant être écoutés sur le site d'Uzeste dans la partie "Radio Uz" à cette adresse : http://www.uzeste.org/a/index.php/LesArtsALOeuvre-RadioTeleUz/HomePage
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Les mots. - Jean-Paul Sartre (Folio)
C’est un grand plaisir de découvrir l’enfance de Sartre dans ce livre. Ecrit longtemps après, il décrit ses dix premières années à travers le prisme de sa philosophie future.
Orphelin de père à l’âge de quelques mois, il est élevé par sa mère et ses grands-parents maternels. Considéré comme un enfant hors du commun, il épouse les différentes destinées que lui prédit sa famille, destinées qui tournent toujours autour des livres et de l’écriture. Il va dévorer très tôt la bibliothèque de son grand-père et découvrir les héros de la littérature. Il sera lui aussi un héros, il vivra ce qu’il découvre dans les livres avant d’écrire des histoires romanesques inspirées de "Madame Bovary" mais aussi de Zévaco et des illustrés achetés au kiosque.
A lire ce récit, on a l’impression que Sartre a vécu mille vies pendant ses années d’enfance, a supporté mille tourments, a eu une existence exceptionnelle. Ce milieu familial a probablement aidé le petit Jean-Paul à devenir le grand Sartre, mais son extrême sensibilité, son intelligence vive et son appétit de savoir étaient déjà là et ne demandaient qu’à s’épanouir dans cette famille de littéraires et de musiciens. -
Enfances. - Françoise Dolto (Seuil, 1999)
Quand on lit le récit de l'enfance de Françoise Dolto, on se dit qu'elle n'est pas passée loin de la psychose et que c'est un miracle qu'elle soit devenue pédiatre et psychanalyste, "médecin d'éducation" comme elle disait. La famille bourgeoise où elle naît l'étouffe littéralement, tout est fait pour valoriser les garçons, elle a à peine le droit de passer le Bac, et elle ne peut commencer ses études de médecine qu'à 25 ans. D'ailleurs jusque-là elle n'avait jamais pris un repas en dehors de chez ses parents ou de chez sa grand-mère.
L'épisode le plus connu et le plus terrible est celui-ci : sa soeur aînée étant très malade, sa mère lui demande de prier pour sa guérison. Son seul espoir est qu'une âme pure puisse réaliser un miracle. Françoise, qui fait alors sa Communion, prie mais sa sœur meurt quelques jours après. Sa mère devient presque folle et en veut à Françoise de ne pas avoir assez prié, et d'être là alors que sa sœur est morte ! Terrible poids à porter pour une enfant !
Malgré cela, et c'est ce qui rend le livre vraiment agréable à lire, Françoise était une enfant gaie, à l'esprit vif, et elle avait déjà cette naïveté touchante et cette approche positive des gens, qu'elle gardera toute sa vie. La suite dans "Autobiographie d'une psychanalyste". -
Autoportrait d'une psychanalyste. - Françoise Dolto (Seuil, 2001)
Dans cette suite d'"Enfances", Françoise Dolto décrit son parcours de psychanalyste en s'arrêtant sur quelques étapes importantes de sa vie. Ses premières expériences de médecin, sa rencontre avec la maladie mentale dans la "clinique du Dr Blanche", la vie de famille, la découverte de la psychanalyse.
La popularité qu'elle a acquise grâce à ses entretiens radiophoniques a parfois dévalorisé son travail de psychanalyste, pourtant elle a fait partie des proches de Lacan et elle a suivi celui-ci dans ses conflits avec ses confrères. Ce livre est intéressant car il met en parallèle la vie de Françoise Dolto et l'influence que la psychanalyse a eue sur son déroulement, la démarche est assez rare, d'autant plus qu'elle sait rendre vivants et pleins d'humour ses souvenirs de toute une vie.
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Père et fille : une correspondance (1914-1938). - Françoise Dolto (Mercure de France, 2001)
Cette sélection de lettres échangées entre Françoise Dolto et son père s'étend sur vingt-quatre ans. Pleine d'admiration et de tendresse pour son père, Françoise Dolto lui reproche de ne pas suffisamment lui parler de ses sentiments à lui et de ses souvenirs d'enfance. Entre eux il y a sa sœur aînée morte à 18 ans, et sa mère, traumatisée par ce deuil, qui va en faire porter le poids à toute la famille (à Françoise et à ses cinq frères). C'est sur le conseil de son père que Françoise commencera une analyse avec René Laforgue et, dans sa dernière lettre, c'est en analyste qu'elle fera le diagnostic de la névrose de sa mère.
Cette sélection de lettres complète bien "Enfances" et "Autobiographie" de Françoise Dolto.