Ayant eu la chance de lire les auteurs français pendant son adolescence, Yuka a toujours aimé la culture française et souhaité venir en France. En effet, dans le Japon des années soixante-dix, les filles sont encore soumises au modèle traditionnel, les relations avec les garçons sont rares et même les sorties pendant l’adolescence sont difficiles à faire admettre par les parents. Yuko étouffe dans ce carcan et c’est bien maladroitement qu’elle essaie d’en sortir. La fréquentation des bars et des boîtes, les relations sexuelles occasionnelles et, pour finir, une sévère anorexie, la mettront au ban de ses amis. La proposition d’une Bourse d’études pour Paris sera l’occasion rêvée de sortir de ce cercle infernal.
La découverte de la capitale par Yuka est décrite d’une très jolie manière, sans caricature. Elle découvre avec délice la ville et l’université, mais les relations avec les hommes restent difficiles ; non pas qu’elle ait du mal à faire des rencontres, mais les hommes auxquels elle plaît ont d’elle l’image traditionnelle de la Japonaise, et elle se sent loin de ce cliché.
A la fin de son année d’études, Yuka aura le choix entre retourner dans son pays et se couler dans le moule de la parfaite épouse japonaise, ou rester à Paris et y être toujours la "jeune fille japonaise"...
J’ai trouvé ce roman, sans doute très autobiographique, extrêmement juste dans son ton. Il décrit bien les contradictions de la société japonaise au début de son essor économique, et l’image qu’elle donnait alors à l’étranger.
L’auteur vit en France depuis 1982, elle est journaliste, et ce livre est son premier roman.
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Les anges ne reviendront pas. - Firouz Nadji-Ghazvini (Denoël, 2005)
Téhéran quelques mois avant la Révolution islamique. L’atmosphère n’a jamais été aussi tendue que pendant cette fin de règne du Shah et la montée rapide de l’islamisme. Les étudiants essaient de se passionner pour la littérature ou le théâtre alors que la tragédie se joue sous leurs fenêtres. Pourtant les passions amoureuses se développent sur fond d’inquiétude et de projet de départ à l’étranger. Niloufar et Mithra, égéries de Kamran, Nader et Isamïl, interprètent Tchékhov…
Voilà, comme chez Maryane Satrapi et Chahdortt Djavann, un témoignage de cette période troublée de Téhéran. Ici les sensations du narrateur, sa perception des gens et des lieux, prennent le pas sur la description pure. C’est à une très belle promenade à travers Téhéran, à la fois poétique et tragique, que nous convie l’auteur. -
Le voyage d'Eladio. - Hubert Mingarelli (Seuil, 2005)
C’est toujours un plaisir de découvrir un nouveau livre de Mingarelli. On sait que l’on va y trouver des personnages seuls avec eux-mêmes dans une atmosphère intemporelle et fascinante.
Ce roman est le récit d’une fuite dans les montagnes qui ressemble à un voyage au bout de soi-même. Eladio s’occupe de la maison d’Alavaro Cruz, un fonctionnaire d’Amérique Centrale. Des guérilleros de passage s’arrêtent pour boire et le chef met les bottes d’Alavaro avant de partir. Ce sera pour Eladio une histoire d’honneur de les suivre dans les montagnes pour récupérer ces bottes. Mais la montée est interminable et Eladio ira jusqu’au bout de lui-même, pas tant pour retrouver les bottes que pour se prouver qu’il peut encore et toujours continuer… -
Le rouge et le vert. - Jean-Bernard Pouy (Gallimard, Série noire, 2005)
Dans un dîner mondain, Adrien, "nez" chez un parfumeur, essaie d’être à la hauteur de la discussion ambiante (que des universitaires et des sociologues ! ) et se targue d’être spécialiste en roman policier. Un des chercheurs lui propose illico, moyennant finances, de faire ce qui n’a encore jamais été fait dans le polar : enquêter sur rien, comme çà, au hasard. Adrien se transforme donc en détective amateur et rend chaque semaine sa copie d’enquêteur…. du "rien"… Ou plutôt du "tout", car si on cherche des mystères dans la vie quotidienne, on en trouve, et pas forcément des plus avouables !
Autant dire que ce roman n’a de policier que la collection et que Pouy nous régale, comme d’habitude, avec ses descriptions ironiques du quotidien et ses réflexions désabusées sur le temps qui passe. -
Bonjour paresse. De l'art et de la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise. - Corinne Maier (Michalon, 2004)
Si vous travaillez dans une entreprise, que vous êtes "hyper motivé", que vous faites confiance à vos managers, et que vous pensez que les NTIC, la culture d’entreprise et l’éthique sont des priorités pour les années à venir, ne lisez pas ce livre…
En revanche, si vous écoutez d’une oreille goguenarde les discours pontifiants des cadres supérieurs, si les consultants et leur jargon vous hérissent, et si vous ne croyez pas être un maillon indispensable du bon fonctionnement de l’économie française, ce livre est pour vous, et en plus il vous fera rire !
Attention, ce n’est pas une farce. Corinne Maier a été sanctionnée par son employeur (EDF) pour avoir donné une image trop cynique du monde du travail. Il faut dire que son autre métier, psychanalyste, lui a donné des clés pour démonter les faux-semblants. Travailler, oui ; être intéressé par son travail, oui ; penser qu’on est indispensable, attention danger ! -
Terre et cendres. - Atiq Rahimi (POL, 2000)
Comment parler de la guerre dans un roman ? Atiq Rahimi a bien compris que c’était en montrant la détresse d’une personne en particulier qu’on la décrivait le mieux.
En Afghanistan, pendant la guerre contre la Russie, un village a été bombardé et tous ses habitants ont disparu. Tous sauf un vieil homme et son petit fils. Le vieil homme se met alors en route pour annoncer à son fils qui travaille au loin à la mine que, de toute sa famille, ne restent que lui et le petit Yassin. Pas une fois les bombardements ne sont décrits précisément, seuls les impressions du vieil homme apparaissent : des gens qui courent, sa belle-fille qui sort nue en hurlant…
La guerre c’est çà et l’auteur en parle de façon poignante. -
Chamelle. - Marc Durin-Valois (Lattès, 2002)
Dans un village africain, l’eau vient à manquer. Pour survivre, les habitants n’ont pas d’autres solutions que partir dans le désert en direction d’improbables puits encore en activité. Faut-il partir vers le Sud ou vers l’Est ? Rahne, l’instituteur, a étudié la carte et choisit le Sud, avec sa famille et celle de son meilleur ami, et avec la fidèle Chamelle. Mais le premier puits est asséché, le deuxième est pris d’assaut et gardé par les soldats, et pour aller plus loin il faudra payer de la vie de certains. Rahne devra à la fois se battre pour continuer et essayer de trouver enfin un peu d’eau, et aussi accepter les malheurs que cette sécheresse apporte.
Ce livre, qui s’inspire de la situation réelle des nomades, est vraiment d’une grande beauté. Le récit, raconté à la première personne par le héros qui tient son journal, montre bien combien ces peuples acceptent leur destin, ce qui n’empêche pas une profonde humanité qui nous les rend très proches.
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Je viens d’ailleurs. - Chahdortt Djavann ( Autrement, 2002)
Je dois être à peu près la trois millième à comparer ce livre avec "Persépolis" de Maryane Satrapi, mais c’est vrai que c’est tentant. Dans les deux ouvrages c’est la situation en Iran qui est vue par les yeux d’une collégienne.
En 1979 Khomeiny instaure un régime islamique dans les pays et c’est toute la vie quotidienne qui change. Et, comme dans tout régime totalitaire, les opposants sont emprisonnés et parfois exécutés. La narratrice verra la monté en puissance de cette violence jusqu’à ce que l’arrestation de ses meilleurs amis la terrasse et la décide à partir à Paris. Le récit est construit autour de son retour en Iran, retour qui la replongera dans la violence de son adolescence.
Superbe livre qui émeut profondément par sa sobriété et sa justesse.
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Andreas, le retour. - Christian Lehmann (Ecole des loisirs, 2005)
On se souvient du très bon "No pasaran, le jeu" où Christian Lehmann mettait en scène de façon terrifiante la pratique des jeux vidéo et les extrémités où cela pouvait mener (avec une fin un peu fantastique...). Ce récit est la suite puisqu’il reprend l’histoire après la disparition dramatique d’Andreas, alors qu’Eric et Thierry ont relégué leurs ordinateurs et le jeu "L’Expérience Ultime" à la cave. Mais un fond d’écran entrevu par hasard leur fait pressentir que le jeu incriminé continue peut-être de fonctionner de façon autonome, et que peut-être Andreas…
N’en disons pas plus pour ne pas déflorer le suspense. Disons que, comme d’habitude chez Christian Lehmann, l’écriture et la construction sont impeccables, l’histoire vivement menée et la tension montée en crescendo (attention, jamais de "happy end" chez Lehmann...).
Comme souvent dans les romans pour adolescents, l’auteur essaie de placer quelques autres thèmes (le racisme, la guerre en Irak, l’intégrisme) qui font un peu "plaqués", mais ne boudons pas notre plaisir. Christian Lehmann est certainement un des auteurs pour la jeunesse les plus intéressants actuellement ; la preuve, même les adultes le lisent…
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Il faut tuer José Bové. - Jul (Albin Michel, 2005)
Huit cent mille poupées à l’effigie de José Bové ont été commandées en Chine par la société Real Toys. Or José Bové refuse qu’on utilise son image, "je ne suis pas une marchandise" dit-il. Pour éviter la faillite, le directeur de Real Toys n’a plus qu’une solution, éliminer José Bové. Pour plus de sécurité, deux tueurs sont chargés d’exécuter le leader de la Confédération paysanne.
Voilà un album bien sûr tout entier dédié aux mouvements alter-mondialistes et les nombreux jeux de mots et dessins humoristiques seront autant de clins d’œil aux lecteurs . La description du Forum Social Européen notamment, et des stands "Artisans du Monde", "Témoignage chrétien" ou "Végétariens citoyens" est à mourir de rire ! Et aussi José Bové qui propose en dernier recours, comme arme absolue, une pétition sur le Web. Et les "casseurs citoyens" qui cassent les vitrines et ensuite recyclent le verre !
A lire et à offrir autour de soi, (de préférence à des pro-alter-mondialistes, les autres risquent de rire jaune…).