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  • A la vitesse de la lumière. - Javier Cercas (Actes Sud, 2006)

    medium_9782742762767.gifDeuxième coup de coeur de la rentrée (après "Fils unique"), ce roman de Javier Cercas, l'auteur des "Soldats de Salamine" (j'ai pas lu mais je viens de l'acheter en poche..).

    Le narrateur, visiblement un double de l'auteur, est un jeune étudiant espagnol peu travailleur mais persuadé qu'il va un jour devenir un écrivain célèbre. Un de ses profs lui propose de partir comme assistant d'espagnol dans une université américaine. Là-bas il  se lie avec Rodney, un assistant quadragénaire taciturne et original. Mais Rodney ne revient pas après les vacances de Noël. Parti à sa recherche, le narrateur rencontre son père qui lui raconte alors que Rodney vit avec le poids de son passé, et son passé s'appelle la guerre du Vietnam. Le narrateur repart avec toute la correspondance de Rodney pendant cette guerre et la conviction qu'il doit raconter cette histoire. Mais il retourne en Espagne et sa vie quotidienne et superficielle reprend son cours, jusqu'à ce que...

    Pris au départ par obligation (avec des collègues nous faisons bientôt une présentation de la rentrée littéraire alors j'essaie d'en lire un maximum. Je vous donnerai notre palmarès...), je l'ai lu d'une traite (merci les jours de congés ! ) et j'ai admiré le style narratif de l'auteur. Pour définir ce style, je dirais que ça m'a fait penser à Paul Auster. On trouve chez Cercas cette même croyance des personnages en leur destin ("si je n'avais pas suivi ces cours, je n'aurais pas rencontré Rodney et ma vie  n'aurait pas été la même..."), la même introspection et le même souffle lyrique que chez Paul Auster.
    La guerre est visiblement un sujet majeur chez Cercas puisque son premier roman parlait de la guerre d'Espagne. Ici je trouve intéressant qu'un Espagnol ait fait des recherches sur les séquelles du Vietnam sur les anciens combattants qui sont revenus au pays en ayant vécu l'enfer mais en étant méprisés par leurs concitoyens pour leur participation à une guerre inutile.
    Bref, ce roman est vraiment très réussi. Il mêle très habilement réalité, création littéraire et réhabilitation par l'écriture et il crée des personnages qui resteront dans notre mémoire.

    L'avis d'Anne-Sophie

  • Le petit bluff de l'alcootest. - Jean-Bernard Pouy (La Branche, 2006)

    medium_9782353060047.gifVoilà un petit polar comme je les aime, il faut dire que je suis une inconditionnelle de JB Pouy !

    Dans un petit village de la Bretagne profonde, un petit vieux est arrêté pour ivresse. Jusque là rien d'exceptionnel, sauf que celui-ci affirme que ce sont les "infernaux" qui l'ont obligé, en pleine nuit, à boire cet alcool ! Armand, le correspondant local de Ouest France et amateur de rock-années-60 à ses heures, trouve ça louche mais pas impossible. Est-ce que ce ne serait pas un coup des "gothiques" qui pratiqueraient des messes noires dans la campagne ? Il mène l'enquête, d'autant plus qu'au même moment l'évêque de Rennes disparaît et que sa voiture est retrouvée à proximité !

    Pouy s'en donne à coeur joie dans cette atmosphère bretonno-rocko-anti-cléricale ! Comme d'habitude, son humour et ses jeux de mots m'ont fait sourire et m'ont mise de bonne humeur pour la soirée (et même pour la journée d'aujourd'hui quand j'y repense !) :-)))

  • Le désordre de ton nom . - Juan José Millas (Galaade Editions, 2006)

    medium_9782351760215.gifJulio Orgaz est éditeur et à ce titre il vit plus ou moins de l'imaginaire des autres. Pourtant son imaginaire à lui est en panne, il lui joue même des tours. C'est pourquoi il a commencé une psychanalyse auprès de Carlos Rodo, analyste renommé. Après chaque séance, il va se promener dans un parc à proximité et c'est là qu'il rencontre Laura à laquelle il s'attache de plus en plus. Incidemment il parle d'elle à son analyste, incidemment encore il parle de son analyste à Laura....
    Raconté comme ça, ça ressemble à un vaudeville. Mais ici le ton n'est pas à la plaisanterie. A sait tout sur B et C. B sait que A va chez C. C croit ne rien savoir, mais est-ce tout à fait exact ?
    Ecrit par un romancier espagnol assez célèbre dans son pays, ce roman recèle de bonnes idées, peut-être pas complètement abouties. Un auteur à suivre en tout cas.

  • Le chat botté. - Patrick Rambaud (Grasset, 2006)

    medium_9782246671510.3.gifCette fois il n'y a que l'avis de mon mari ! Eh oui je ne l'ai pas lu (j'aime pas les romans historiques...), mais comme c'est un roman de la rentrée littéraire, je vous mets son commentaire :

    Le commentaire de mon mari : Patrick Rambaud a écrit plusieurs romans sur l'époque napoléonienne. Celui-ci est le quatrième après "La bataille", "Il neigeait" et "L'absent". Il connaît donc bien cette période et en particulier son personnage principal : Napoléon.
    Là il s'intéresse en quelque sorte à la genèse de ce personnage public en décrivant l'épisode du 13 Vendémiaire. S'appuyant sur de nombreuses sources, il nous restitue avec précision l'atmosphère et la vie quotidienne de l'époque à Paris. Mélangeant habilement ses talents de romancier et d'historien, il nous suggère une hypothèse intéressante et nouvelle sur cet événement.
    Pour résumer, c'est un roman bien fait qui se lit facilement et qui devrait plaire aussi bien aux "Napoléoniens" (comme moi) qu'aux simples amateurs de romans historiques!

  • Bonne nuit, doux prince. - Pierre Charras (Mercure de France, 2006)

    medium_9782715226364.gifLes rapports avec le père, voilà un sujet qui inspire beaucoup de romanciers, surtout si ces rapports ont été difficiles, voire conflictuelles. L'absence de communication, le silence du père, la difficulté pour le fils de trouver sa place,...Ce sont des thèmes que l'on ressasse une fois le père disparu. Si on avait su parler, si on avait pu dialoguer ! C'est exactement ce que Pierre Charras nous évoque ici à propos de son père disparu (encore que c'est bien noté "roman"..???) .

    Disons qu'il faudrait que l'on aborde chaque récit en oubliant tout ce qu'on a lu avant ! Si c'était le cas, je dirais que ce livre est particulièrement émouvant, pudique, qu'il évoque bien l'image du père aimant mais silencieux, et que l'on se retrouve tous un peu dans ces descriptions. Mais quand on a déjà lu des dizaines d'évocations semblables, on perd un peu de son enthousiasme ! Oui, c'est bien, mais peut-être manque-t-il le petit plus qui fait qu'on ne l'oubliera pas, comme on n'a pas oublié le père d'Annie Ernaux dans "La place", celui de Paul Auster dans "L'invention de la solitude" ou celui d'Azouz Begag dans "Le marteau pique-coeur", je pourrais aussi citer celui de Clémence Boulouque dans "Mort d'un silence", celui de Françoise Dolto dans "Père et fille",.....

    Pour ne pas finir sur une note trop négative, je dirais que j'avais dévoré Dix-neuf secondes du même auteur (quel suspense !) et bien apprécié Comédien (c'est son autre "métier")

  • Un homme bien sous tous rapports. - Chi Li (Actes Sud, 2006)

    medium_9782742762880.gifDe nos jours dans une grande ville de Chine. Bian a quarante ans, il vient d'être licencié et n'ose pas le dire à sa famille. Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il a pourtant suivi l'itinéraire de tout bon Chinois traditionnel depuis sa naissance, mais depuis quelques anées les choses vont trop vite, il y a trop de changements dans ce pays. Enfant de paysan, il a réussi à monter dans la hiérarchie sociale mais maintenant on n'a plus besoin de lui. Marié de façon arrangée, il a quand même été un bon époux mais sa femme a tout misé sur la réussite professionnelle. Que doit-il faire pour surmonter son sentiment d'angoisse perpétuelle ?

    J'aime beaucoup Chi Li. Je trouve qu'elle réussit bien à prendre le pouls d'une société chinoise qui a évolué de façon vertigineuse en quelques années, au détriment souvent de l'équilibre de ses habitants. Chacun de ses livres met en parrallèle le collectif et l'indiciduel.
    Ceux que j'ai lus :  Préméditation, c'est une vengeance familiale sur fond de guerre sino-japonaise.
    Pour qui te prends-tu, c'est une tranche de vie de la Chine actuelle qui montre les malaises et les contradictions de la société.

  • Retour au pays bien-aimé. - Karel Schoeman (Phébus, 2006)

    medium_2752902077.01._AA240_SCLZZZZZZZ_V59428426_.jpegGeorge, la trentaine, retourne en Afrique du Sud où il est né. Ses parents sont morts en exil en Europe et il souhaite voir la ferme où ils habitaient et où il est né. Chez lui on parlait de ce pays comme d'un paradis mais, quand il arrive, rien n'est plus comme avant, la ferme a été détruite et les propriétés alentour survivent comme elles peuvent. Il est accueilli par une famille voisine qui est à la fois heureuse de revoir le fils de leurs anciens amis, et envieuse envers ceux qui ont choisi d'émigrer pour une vie meilleure.

    Probablement très autobiographique, ce roman est un hymne à un pays adoré et à jamais perdu, la nostalgie en est vraiment le thème principal. Comment aimer encore ce pays qui a tellement changé, comment accepter d'y vivre alors que plus rien n'est comme avant ?

    J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui exprime avec sensibilité des sentiments parfois contradistoires. Les personnages sont décrits avec justesse et on a l'impression de les avoir rencontrés. Une seule chose m'a gênée, c'est l'imprécision de la période à laquelle se passent ces événements. Rien dans le texte ne donne la moindre indication. J'ai cru au début que c'était la période post-abolition de l'apartheid, mais en fait il semble que ce soit beaucoup plus ancien. L'auteur étant né en 1939, l'histoire se passerait environ en 1970 et ferait référence à des événements des années quarante (l'émigration massive des Afrikaners). J'ai cherché mais n'ai pas trouvé trace d'événements particuliers à cette période (si ce n'est la guerre !). Cette imprécision me gêne quand même car je pense que l'auteur a voulu donner un témoignage vécu et ça en enlève un peu la force.

  • Mondovino : la saga du vin . - Jonathan Nossiter

    medium_3384442083362.gifQuand on pense aux vins français, on imagine toujours des hectares de vigne au soleil sur des coteaux, et des viticulteurs surveillant amoureusement leur production dans des belles caves voutées. Aujourd'hui le vin c'est avant tout de l'argent et il faut tout faire pour accroître la productivité. Pour cela des spécialistes font tout pour le rendre plus conforme au goût du public et au goût des spéculateurs (eh oui, maintenant on spécule aussi sur le vin !) et bien sûr les Américains essaient de faire en Californie la même chose qu'ici en Bourgogne ou dans le Bordelais ! Bref vous ressortez de ce film écoeurés par cette mondialisation qui s'approprie même les "produits du terroir" pour en faire des enjeux financiers et vous n'avez qu'une envie, aller chez un petit exploitant goûter un petit vin de pays non trafiqué et non modifié pour plaire au guide Parker !

  • Fils unique . - Stéphane Audéguy (Gallimard, 2006)

    medium_9782070777242.gifCoup de coeur de cette rentrée, ce roman sort vraiment du lot. Ce n'est pas forcément le meilleur, mais c'est celui dont le style est le plus original ! Imaginez vous lire un roman du 18è siècle, avec des expressions d'époque, écrit à la première personne, le narrateur étant un esprit libre et libertin qui découvre, dans l'ordre, la vie, Paris puis la Révolution !

    Et notre homme n'est pas n'importe qui puisque c'est le frère de Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci a réellement eu un frère, il le cite trois ou quatre fois dans ses Confessions, mais on n'en sait pas plus. Ici on bénéficie de l'imagination et de la culture de l'auteur pour découvrir le siècle des Lumières à travers ses yeux. Initié dès son plus jeune âge aux plaisirs de la chair (comme on dit...) il va rencontrer mille personnes dans mille lieux différents, faire mille métiers (toujours un peu reliés au métier d'horloger qu'il a appris), et vivre de l'intérieur le période pré-révolutionnaire, puis révolutionnaire avant de mourir très âgé, bien après son célèbre frère.

    Grâce à ses rencontres amoureuses avec toutes ces femmes et aussi tous ces hommes, il s'imprègne de l'air du temps, exprime toutes les passions du siècle et vit tous les événements importants. Construit comme un roman picaresque, il nous entraîne tout de suite dans le tourbillon des émotions du narrateur et termine de façon beaucoup plus philosophique par sa rencontre avec Sade, à la Bastille, où la vanité des choses de ce monde lui apparaît comme une évidence !

    A lire si on a envie de se laisser emporter par une belle histoire, par l'Histoire elle-même et par un style impeccable et réjouissant !


    L'avis de mon mari qui est en train de le lire : comme moi il se régale avec ce style ciselé façon 18è. En bon connaisseur de ce siècle (pas comme moi :-(  ), il apprécie d'être plongé dans la vie quotidienne et de traverser le siècle main dans la main avec le narrateur. Il retrouve l'esprit des Lumières et aussi des similitudes avec Les Confessions. Et il trouve très agréable cette atmosphère un peu leste, d'ailleurs il me fait la lecture des passages les plus libertins littéraires  ;-)


    L'avis de Anne-Sophie