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Documentaire - Page 2

  • Le métier d'homme. - Alexandre Jollien (Seuil, 2002)

    medium_2020526069.08.MZZZZZZZ.jpegCet homme, handicapé de naissance (Infirme Moteur Cérébral) nous donne ici une belle leçon de vie. Non pas qu'il mette son handicap en avant, il ne prône pas du tout la souffrance comme moyen d'épanouissement, mais il transforme sa faiblesse obligée en une force créatrice. Ce qui lui a permis d'apprivoiser ainsi la souffrance, c'est l'étude de la philosophie. La question est la même pour tout le monde : qu'est-ce qu'être un homme, comment apprendre ce "métier" qui ne s'étudie nulle part ? Lui c'est le stoïcisme qui l'a aidé à comprendre comment donner un sens à sa vie. A la faiblesse, à la souffrance, il oppose la force et le combat. La haine, le ressentiment ou la colère qu'il pourrait éprouver à cause de condition, il les convertit en une singularité qui fait de lui un homme à part entière.
    Davantage qu'un livre écrit par handicapé, c'est bien un livre sur la signification de l'existence et il nous touche très personnellement.

  • Le Dialogue. - François Cheng (Desclée de Brouwer, 2002)

    Ce livre est bien un dialogue entre François Cheng et "ses" langues. En effet, même si sa langue maternelle est bien le chinois, il montre très clairement comment il s'est approprié la langue française et comment celle-ci lui a permis d'appréhender autrement la réalité.
    Arrivé en France après la guerre, il continue à écrire dans sa langue maternelle pendant de nombreuses années en même temps qu'il traduit la poésie française en chinois. Dans les années soixante il commence à enseigner à l'université. Quand il souhaite recommencer à écrire de la poésie, spontanément il pense qu'il le fera en chinois. Mais c'est le français qu'il choisit. Pourquoi ? Parce que, dit-il, elle le poussait à "plus de rigueur dans la formulation et plus de finesse dans l'analyse". Et parce qu'adopter une autre langue permet de "nommer les choses à neuf, comme au matin du monde".
    Ce petit livre est un magnifique hymne à la langue française et j'espère qu'il sera mis en valeur cette année alors que l'on célèbre la francophonie.

  • Mort d'un silence. - Clémence Boulouque (Folio, 2004)

    Le juge Boulouque, çà vous dit quelque chose ? Mais si, les attentats de 1986 (rue de Rennes, etc…), le terrorisme, l’affaire Gordji, le « Pouvez-vous me dire droit dans les yeux…. » de Chirac à Mitterrand, l’Iran…et le juge anti-terroriste Gilles Boulouque. Sa fille Clémence avait une dizaine d’années alors, et sa vie de petite fille a basculé à partir de cette année-là. Son père est menacé, des gardes du corps ne le quittent pas, elle-même ne peut plus sortir seule avec ses camarades. La pression politico-médiatique se fait plus forte sur lui, il est pris à parti par la presse, inculpé pour avoir brisé le secret de l’instruction. Et le 13 décembre 1990 il se suicide. Bien sûr Clémence ne comprend pas. Comment a-t-il pu les abandonner, comment a-t-il pu choisir leur souffrance plutôt que sa souffrance à lui ?

    Sans pathos, Clémence retrace les dernières années passées avec son père en essayant de retenir au maximum les souvenirs qui lui restent. Il en est un particulièrement émouvant, c’est quand elle se souvient que, quelques jours avant le suicide de son père, elle lui a refusé de s’asseoir à côté d’elle sur le canapé pour regarder la télé, il fallait rentrer plus tôt lui dit-elle…

    C’est son premier livre. Elle l’a écrit alors qu’elle était à New-York en septembre 2001 et que le terrorisme la « rattrapait » !

  • Les mots. - Jean-Paul Sartre (Folio)

    C’est un grand plaisir de découvrir l’enfance de Sartre dans ce livre. Ecrit longtemps après, il décrit ses dix premières années à travers le prisme de sa philosophie future.

    Orphelin de père à l’âge de quelques mois, il est élevé par sa mère et ses grands-parents maternels. Considéré comme un enfant hors du commun, il épouse les différentes destinées que lui prédit sa famille, destinées qui tournent toujours autour des livres et de l’écriture. Il va dévorer très tôt la bibliothèque de son grand-père et découvrir les héros de la littérature. Il sera lui aussi un héros, il vivra ce qu’il découvre dans les livres avant d’écrire des histoires romanesques inspirées de "Madame Bovary" mais aussi de Zévaco et des illustrés achetés au kiosque.

    A lire ce récit, on a l’impression que Sartre a vécu mille vies pendant ses années d’enfance, a supporté mille tourments, a eu une existence exceptionnelle. Ce milieu familial a probablement aidé le petit Jean-Paul à devenir le grand Sartre, mais son extrême sensibilité, son intelligence vive et son appétit de savoir étaient déjà là et ne demandaient qu’à s’épanouir dans cette famille de littéraires et de musiciens.

  • Une sale histoire. - Luis Sepulveda (Métailié, 2005)

    Sepulveda est l’auteur du merveilleux " Le vieux qui lisait des romans d’amour" et d’autres romans qui se passent en Amérique du Sud. On sait moins que c’est un auteur très engagé politiquement qui s’est toujours battu contre toutes les oppressions, l’injustice et l’intolérance.

    Ce livre rassemble une soixantaine de petites chroniques qu’il a écrites ces dernières années. Elles retracent à la fois des jugements sur la vie politique internationale (l’ONU, l’Uruguay, l’Irak, Bush, encore Bush…), des évocations d’écrivains amis morts récemment (Coloane, Montalban) et des épisodes de son enfance. Les chroniques les plus drôles sont aussi les plus touchantes : il récupère un chien abandonné par son maître, suit ce dernier sur l’autoroute jusqu’à ce qu’il s’arrête, puis lui rend le chien (toujours le souci de la justice) ; il photographie des annonces dans des vitrines, "Nous donnons des explications", "On prend les mesures"…et entre dans les boutiques en prenant ces annonces au pied de la lettre ! ; il sympathise avec un Père Noël anti-Sharon, etc.

    La variété de ces chroniques est telle que l’on ne s’ennuie pas une minute en les lisant, on les dévore même comme si c’était un roman ! Quelle formidable leçon de vie, de tolérance et d’indignation face à toutes les injustices et à toutes les bassesses !

  • C'est en hiver que les jours rallongent. - Joseph Bialot (Seuil, 2002)

    Hasard des lectures, je prends ce livre juste après avoir lu celui de Marie Chaix sur son père collabo ! Même époque mais changement d’ambiance. Là où certains profitaient au maximum de la situation politique, c’est la déportation pour des millions d’autres.

    Il est toujours difficile de faire un compte-rendu des livres sur les camps de concentration. Quand on a lu Primo Levi, on "sait". Ce que Bialot nous décrit, on le "reconnaît". Et pourtant c’est unique parce que c’est son histoire, son arrestation, son arrivée à Auschwitz, son expérience de l’entraide, de la traitrise, de la souffrance, de la mort, de l’inhumain surtout, puis la libération des camps et le retour en France.

    Joseph Bialot est surtout connu comme auteur de romans policiers (une vingtaine). Il a attendu plus de cinquante ans avant de pouvoir témoigner sur cette période et son livre se termine sur un hommage à tous ceux qui n’ont pas réussi à "re-vivre" au retour des camps et se sont donnés cette mort qu’ils avaient évitée au Lager. Parmi les plus connus, Primo Levi, Bruno Bettelheim, la mère de Art Spiegelman, mais aussi tous les autres.

  • Les rues de ma vie. - Bernard Frank (Le Dilettante, 2005)

    De la rue Chaptal à la rue Martignac, de Sagan à Chardonne, et du Grand Véfour au Pied de Cochon, c’est à une promenade dans son existence tout entière que nous convie Bernard Frank. Promeneur amoureux de Paris, tel Léo Malet ou Patrick Modiano, il nous entraîne dans ses errances, d’appartement en maison, de café en restaurant et de célébrités littéraires en journalistes.

    D’une intelligence brillante, jamais pédant, Bernard Frank est un véritable mémorialiste du 20e siècle et un vrai "dilettante" (comme son éditeur) : "personne qui ne se fie qu’aux impulsions de ses goûts". Un petit bijou de livre à offrir à tous les amoureux de Paris…et de bonnes tables parisiennes.

  • En soixantaine : chroniques 1961-1971. - Bernard Frank (Julliard, 1996)

    Ouf, j’ai terminé les 478 pages de ces chroniques ! Rééditées en 1996 avec, de-ci de-là, quelques commentaires de l’auteur à posteriori, elles offrent un panorama de la littérature et de l'édition dans les années soixante. Il n’est bien sûr pas question de résumer ce genre d’ouvrage. Quelques réflexions éparses.

    Bernard Frank se montre particulièrement féroce à l’encontre de François Mauriac. Il épingle avec son esprit caustique habituel "ses faiblesses, ses contradictions et ses faux-fuyants" sur le plan politique, et sa faculté à savoir "durer, louvoyer à travers les modes et les guerres, les armistices, les résistances et les libérations". Il ne doit, ajoute-t-il, sa célébrité d’alors qu’à la disparition des plus grands (Camus, Claudel, Bernanos…).

    Ceux qui bénéficient (si l’on peut dire) des critiques les plus cruelles : Jean Dutourd et son style de "demi-solde" ; Claude Roy, ses retournements de veste et sa "morale du parapluie" ; Michel Déon, ce "tonton chevronné du roman français à l’ancienne" ; et Roger Peyrefitte, Michel de St Pierre, François Nourissier, Jean Cau…

    Ceux qui échappent à sa férocité : Daniel Boulanger et ses recueils de nouvelles , Jacques Brenner et ses analyses littéraires,
    Antoine Blondin, qui le ravit à chaque page, Michel Leiris, José Cabanis, Jean Freustié, Jean Rhys.

    Un livre qu’il admire (il n’y en a pas tellement) : "Les mots" de Sartre. Quelques pages sur Sagan et la Normandie nous reposent de ce Dallas germano-pratin !

    Ce qui m’a frappée, c’est à la fois le grand nombre d’auteurs éreintés par Frank et qui ont "duré" jusqu’à ces dernières années : Déon, Nourissier, Dutourd… (tous très proches du Figaro, ça conserve...). Et le non moins grand nombre d’écrivains appréciés par Frank et qui ne sont quasiment plus lus aujourd’hui : Boulanger, Brenner, Cabanis, Rhys… Quant aux "vedettes" de l’époque, ce n’était pas Marc Lévy, Amélie Nothomb ou Michel Houellebecq, mais, excusez du peu, Malraux, Mauriac, Robbe-Grillet, Sartre, Sagan, Blondin, Simone de Beauvoir…

    En conclusion précisons que si ce livre est une mine d’informations, c’est aussi un régal de lecture. Ces chroniques de "L’Observateur" (pas encore "Nouvel") sont empreintes d’une férocité et d’un humour réjouissants et la plume de Bernard Frank est souvent trempée dans un vitriol jubilatoire !

  • Journal d'un lecteur. - Alberto Manguel (Actes sud, 2004)

    Quand on prend un livre d’Alberto Manguel, on sait à l’avance que l’on va côtoyer un écrivain brillant, à l’esprit curieux et d’une culture encyclopédique.

    Dans ce récit, il nous présente une sorte de journal tenu pendant un an autour d’une dizaine de livres qu’il s’est proposé de relire. Ne vous découragez pas si certains auteurs ne vous disent rien de rien (Sei Shonagôn, Kenneth Grahame ???), vous connaissez certainement les autres (Châteaubriand, Kipling, Wells, Buzzati,…). De toutes façons ce n’est pas une explication de texte mais une promenade de Manguel chez quelques auteurs auxquels il associe les événements de sa vie quotidienne.

    C’est l’époque (2002-2003) où il a acheté un ancien presbytère (et oui, il faut bien caser les 30.000 ouvrages de sa bibliothèque…) près de Poitiers et cette nouvelle maison est étroitement imbriquée dans ses lectures. De même, ses voyages à l’étranger ou les événements internationaux lui fournissent des passerelles entre hier et aujourd’hui.
    Si la lecture est une "conversation avec les meilleurs auteurs du passé" (et du présent), Manguel est vraiment un de mes interlocuteurs préférés !

  • Bonjour paresse. De l'art et de la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise. - Corinne Maier (Michalon, 2004)

    Si vous travaillez dans une entreprise, que vous êtes "hyper motivé", que vous faites confiance à vos managers, et que vous pensez que les NTIC, la culture d’entreprise et l’éthique sont des priorités pour les années à venir, ne lisez pas ce livre…


    En revanche, si vous écoutez d’une oreille goguenarde les discours pontifiants des cadres supérieurs, si les consultants et leur jargon vous hérissent, et si vous ne croyez pas être un maillon indispensable du bon fonctionnement de l’économie française, ce livre est pour vous, et en plus il vous fera rire !
    Attention, ce n’est pas une farce. Corinne Maier a été sanctionnée par son employeur (EDF) pour avoir donné une image trop cynique du monde du travail. Il faut dire que son autre métier, psychanalyste, lui a donné des clés pour démonter les faux-semblants. Travailler, oui ; être intéressé par son travail, oui ; penser qu’on est indispensable, attention danger !