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  • Kinderzimmer. - Valentine Goby (Actes sud, 2013)

    kinder.jpg1944, Ravensbrück et ses quarante mille femmes. Parmi elles, Mila et sa cousine Lisette. Comment survivre dans cet enfer. Essayer d'abord de comprendre les aboiements en allemand qui ponctuent les journées. Tenir en mangeant les rations minimes octroyées. Obéir et travailler sinon ce sont les coups de fouet. Essayer de prendre un peu de repos à deux sur une paillasse de 65 cm de large. Se réchauffer quand l'hiver arrive. Et ne pas penser que l'on est enceinte, le cacher car ça peut nuire. Mais accoucher quand même et laisser son bébé dans la "Kinderzimmer" où d'autres nourrissons survivent deux à trois mois. Comment les nourrir, comment avoir du lait alors qu'on est squelettique...

    Et comment parler d'un énième livre sur les camps de concentration. Comment ne pas être submergée par l'émotion de cette lecture. Essayer de voir ce qui est particulier à ce livre, peut-être le fait que ce soit centré uniquement sur des femmes et que la tendresse, la solidarité, la proximité physique apportent peut-être plus de réconfort que dans un milieu masculin (les "cadeaux" offerts après la naissance du bébé...). Être frappée par le début du livre, quand Mila, très longtemps après, raconte son histoire à des lycéens et qu'une lycéenne lui demande "Mais alors vous ne saviez pas où vous alliez, vous ne saviez rien de Ravensbrück...". Non elle ne savait rien, elle ne pouvait pas imaginer, et d'ailleurs comment aurait-elle pu imaginer l'inimaginable. Et comment en parler au retour quand son père lui dit "Nous aussi à Paris on a eu faim et froid". Et comment le dire à son fils une fois grand. Et même après avoir lu des récits sur le sujet, il faut lire ce roman qui est aussi le récit de témoignages recueillis par l'auteur, et le faire lire pour que jamais on n'oublie !

    L'avis de Clara avec un beau commentaire de Valentine Goby

  • Terminal Frigo. - Jean Rolin (P.O.L., 2005)

    terminal frigo.jpgLe narrateur nous invite à l'accompagner dans son errance dans plusieurs ports. Saint-Nazaire où se termine la construction du Queen Mary 2. Calais où la ville est envahie de clandestins qui tentent, souvent vainement, de passer en Angleterre. Dunkerque, haut lieu de la lutte des dockers, où la destruction d'un batiment symbolique fait ressurgir la rivalité entre deux leaders syndicaux. Le Havre où l'accumulation des containers étouffe peu à peu le quartier de la zone portuaire. Royan et la traversée du Verdon...

    Le style très particulier d'Ormuz m'avait donné envie de faire encore un bout de chemin avec ce voyageur iconoclaste qu'est Jean Rolin. Ce récit m'a encore davantage réjouie ! En effet je suis cette fois entrée immédiatement dans le ton de l'auteur, fait de fausse familiarité, de digressions et de détails nombreux et saugrenus. Pourtant au fil des pages je les ai vus ces ports, ces chantiers navals, ces dockers, ces clandestins, je les ai senties ces odeurs de grand large, d'algue et de goudron, et j'ai même entrevu l'auteur au milieu de tout ça, marchant dans le vent (il y a toujours du vent en bord de mer), regardant, écoutant, dans un grand manteau gris... A quand ma prochaine errance avec Jean Rolin ?....

  • Chaque jour est un adieu. - Alain Rémond (Seuil, 2000)

    alain remond.jpgAlain Rémond revient sur son enfance, dans les années cinquante et soixante, en Normandie. Une famille très modeste, dix enfants, un déménagement forcé à cause des bombardements, puis l'installation dans ce village, Trans, et la maison qui sera la leur pendant vingt ans. Pas d'électricité bien sûr, pas d'eau courante, pourtant ce sont des souvenirs de bonheur qui lui reviennent grâce aux jeux avec ses neuf frères et soeurs. Mais la douleur apparait quand il évoque la rupture, celle du moment où ses parents ont commencé à ne plus s'entendre. Pourquoi une telle mésentente, pourquoi les cris, la violence, l'alcool ? Il n'aura jamais la réponse. Ni celle à propos de sa soeur Agnès qui sombre peu à peu dans la folie.

    Ce livre avait eu beaucoup de succès à sa parution, mais il a fallu que je lise Tout ce qui reste de nos vies pour le découvrir. Ecrit dans un style fluide, le récit nous fait entrer dans l'intimité d'une famille nombreuse des années d'après-guerre. L'auteur revient aussi sur la rupture avec ce milieu grâce aux études, aux années de pensionnat puis au départ de la maison. Mais rien n'efface nos premières années et maintenant encore il s'interroge sur ce qui a pu créer cet "enfer" entre ses parents et faire perdre l'équilibre mental à sa soeur. Un récit familial attachant et nostalgique qui touchera particulièrement les moins jeunes d'entre nous ;-)

  • Tout ce qui reste de nos vies. - Alain Rémond (Seuil, 2013)

    alain remond.jpgC'est un souvenir obsédant qui est à l'origine de ce récit : l'auteur est arrivé par hasard, en pleine campagne, un jour de pluie, dans une maison abandonnée. Dans la grange se trouvaient des cartons pleins de lettres et de papiers personnels. Où étaient les habitants, pourquoi ont-ils tout laissé, que reste-t-il d'eux, toute leur vie est-elle dans ces papiers ? A partir de ce souvenir Alain Rémond évoque l'importance qu'a eu pour lui l'écriture, le papier, le courrier, mais aussi le fait que notre vie peut être résumée en quelques papiers que nous devons absolument garder, feuilles de paie, papiers de notaire,...

    Dans la lignée de Chaque jour est un adieu, il revient sur sa vie, ses souvenirs, ses parents. Le thème est certes classique mais il le fait avec beaucoup de pudeur et chacun de nous peut se retrouver dans ce travail de la mémoire qui sélectionne ce qu'elle veut...

  • Requins et coquins. - Hervé Claude (Série noire, Gallimard, 2003)

    coquins.jpgNotre héros Ashe rejoint l'Australie pour revoir son ami David qui l'appelle au secours, en effet celui-ci a été agressé par deux hommes. Quelques parties de golf plus tard, et alors qu'il vient de rencontrer celui qui restera proche de lui pendant toute la série, Ange l'inspecteur de police, Ashe découvre le cadavre d'une célébrité locale, propriétaire de la radio locale et de quelques autres richesses. La disparition de Jack Granville, riche industriel, est-elle liée à ce meurtre et à cette agression ? Et quel est le rôle de son ami David dans tout cela, car il semble lié à ces deux hommes ?

    C'est le deuxième opus de la série et, comme je les lis dans le désordre, je replace la pièce de puzzle manquante  à propos d'Ange, le policier, et de l'amour du golf de Ashe... Et toujours une photographie de l'Australie avec ses habitants qui viennent du monde entier faire fortune de manière plus ou moins légale...

    Il me manque juste Mort d'une drag-queen pour avoir lu toute cette série, mais il n'est pas dans mon réseau de médiathèques... donc ce sera pour plus tard. En tout cas cette série a été une excellente surprise, il y a longtemps que je n'avais lu d'une traite les aventures d'un héros récurrent avec une excellente ambiance moite, lourde, et sombre.

    Pour en savoir davantage sur Hervé Claude, un article de Libération en 2009 où il se dévoile beaucoup.

  • Ormuz. - Jean Rolin (P.O.L., 2013)

    ormuz.jpgLe narrateur est chargé d'écrire les exploits de Wax, un personnage énigmatique, plus très jeune, qui a le projet de traverser le détroit d'Ormuz à la nage. Ce détroit, c'est le point le plus "chaud" du globe, en effet c'est par lui que transite trente pour cent du pétrole mondial et c'est lui qui assure l'accès du golfe persique à la mer d'Arabie puis à l'océan indien à l'Irak, aux Emirats arabes unis, au Koweit, Qatar, Bahrein, Oman et à une partie de l'Iran. Autant dire que sa surveillance est toujours au maximum car son blocage aurait des conséquences dramatiques sur le plan mondial. Donc notre Wax va et vient dans ces contrées inhospitalières, nouant des contacts discrets, s'intéressant aux oiseaux, peaufinant son projet. Le narrateur, lui, part sur ses traces après sa disparition (c'est la première phrase du livre...) et explore ces lieux qui lui inspirent d'incessantes réflexions...

    Je dois d'abord dire que j'étais sûre d'avoir déjà lu des livres de Jean Rolin (avant mon blog), Port-Soudan, L'invention du monde, tous tournant autour du récit de voyage sans vraiment en être. Mais le style d'Ormuz m'a mis la puce à l'oreille, je ne me souvenais pas de ce style très particulier... Renseignements pris, en fait ce sont les livres d'Olivier Rolin que j'avais lus. Et re-renseignement re-pris, ils sont frères ! Avouez que j'avais des excuses pour les associer !

    Donc je reprends mes commentaires sur le style particulier de Jean Rolin, fait de descriptions méticuleuses, de digressions innombrables, d'apostrophes au lecteur et surtout d'un humour subtil qui allège le tout. Un peu interloquée au début, j'ai été aimantée par ces phrases à la longueur toute proustiennes et par ces divagations poétiques mais néanmoins très précises sur les lieux, les gens, les pétroliers,... Tout est prétexte au déploiement d'une écriture riche et originale et je pense que je poursuivrai la lecture de cet auteur et de son style jubilatoire où l'on prend plaisir à se perdre !