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Les années . - Annie Ernaux (Gallimard, 2008)

0d8f700ce114e9794cadd8dc3e6450cd.gifAprès des ouvrages plutôt courts et intimistes, Annie Ernaux élargit son propos en mettant en parallèle le monde qui l'entoure et des moments clés de son existence matérialisés par des photos. Les événements politiques, mais aussi la société, les objets courants, les moeurs, la publicité, etc... Depuis les années quarante jusqu'à nos jours, elle égrène inlassablement tout ce qui l'a entourée, influencée, accompagnée. De la période avant la pilule à la libération des meurs, du mariage au divorce comme étape obligée, d'un monde rural et entravé au monde illimité offert par Internet,... Que reste-t-il de ces années, de "ses" années à elle qui sont aussi en partie les nôtres ?


J'ai trouvé ce livre extrêment intéressant pour plusieurs raisons.


Tout d'abord Annie Ernaux réussit à parler d'elle sans faire dans "l'auto-fiction" tant décriée. Pour cela elle met de la distance entre elle et le personnage qu'elle évoque, notamment en utilisant le pronom "elle" au lieu de je. Pas de psychologie, pas de lamentations ou d'auto-satisfaction. Elle était cette fille-là à cette époque.


Ensuite parce qu'elle réussit à créer un arrière-plan qui devient constitutif d'elle-même, et par là même, de nous ! Les souvenirs qui l'accompagnent sont aussi les nôtres et ceux de nos concitoyens. On est les enfants des "Trente glorieuses", de "Mai 68" ou des "années fric". En parlant d'elle, elle parle clairement de nous aussi et on se retrouve, à différents stades du livre selon notre âge, dans ses évocations de notre quotidien. Le parallèle qu'elle fait entre la femme qu'elle est devenue et la société qui l'entoure ne peut que nous parler à nous aussi.


Enfin, et je pense que c'est le plus intéressant, elle a une démarche extrêmement personnelle dans sa réflexion sur le 73e1d171f741df3fdf0b50dd1689391d.jpgtemps. Elle note très bien qu'elle a vécu cet accélération du temps dont on parle souvent. Ce n'est pas seulement une constatation de l'évolution des techniques de communication, c'est aussi un changement de l'être. L'immédiateté offerte par les téléphones portables et Internet par exemple, lui pose question. Alors comment l'exprimer ?


"Ce qui compte", écrit-elle," c'est saisir cette durée qui constitue son passage sur terre à une époque donnée...La forme de son livre ne peut donc surgir que d'une immersion dans les images de sa mémoire pour détailler les signes spécifiques de l'époque, de l'année, dans laquelle elles se situent... Des arrêts sur mémoire en même temps que des rapports sur l'évolution de son existence, ce qui l'a rendue singulière, non par la nature des éléments de sa vie, externes ou internes, mais par leur combinaison, unique en chacun."


Je crois que l'on a parfois reproché le côté "catalogue" de ce livre. Certes il y a parfois de longues listes d'événements ou d'objets. Toutefois les extraits que j'ai notés plus haut explicitent en partie cette démarche très volontaire de la part d'Annie Ernaux. Sans vouloir faire un parallèle trop évident, je dois quand même dire que j'ai trouvé la démarche très proustienne avec cette recherche d'un temps peut-être pas perdu mais en tout cas passé !


L'avis de Laurent et celui de Dasola

Commentaires

  • Un très beau billet ! je craignais de retrouver les histoires précédemment racontées dans ses livres mais une amie, qui comme moi avait lus ses précédents romans, m'a assuré que non. Je n'ai plus qu'à le guetter à la médiathèque...

  • @ cathulu : il est en effet très différent de ses autres livres (que j'apprécie aussi beaucoup) mais je pense qu'il plaira à beaucoup de bloggeurs et bloggeuses :-)

  • Si toi aussi tu as aimé, alors....
    L'occasion pour moi de découvrir cet écrivain.

  • Très beau commentaire et très juste. Tu aurais pu juste rajouter qu'elle ne fait pas partie de la génération du Baby boum ;-))))

  • @ InColdBlog : mais "La place" et "Une femme" sont essentiels pour comprendre la démarche d'Annie Ernaux (encore des livres à ajouter à la PAL, mais ils sont tout petits....)

    @ Laurent : but it's a private joke ;-)))
    (pas si private, vous pouvez le retrouver sur le blog de laurent)

  • Je pense aussi le lire. La démarche me parait intéressante
    et ton avis mon conforte dans mon envie. Bon week-end prolongé !

  • @ sylire : il devrait te plaire :-)

  • Merci Cathe pour ce très beau billet sur une auteure que j'aime beaucoup et que j'ai découvert récemment !!! J'avais repéré son dernier livre et tu viens de me donner envie de le lire. J'aime ces atmosphères où les personnes tentent de retrouver leur passé et leur histoire au travers d'objets, de photos, de dates ... C'est un peu fétichiste comme démarche, mais agréable quand même :o)))

  • @ nanne : j'espère que ce livre te plaira, mais , vu ce que tu dis, je pense que oui :-)

  • Je l'ai là, pas loin. Il m'attend depuis quelques semaines mais...j'attends aussi. Les conditions optimales, on n'avale pas du Ernaux comme on avale n'importe quel petit bouquin.

    Donc en attendant, je me suis mis l'eau à la bouche avec ce fort joli billet...

  • @ thom : tu as raison, bien que ce ne soit pas difficile à lire, il faut avoir l'esprit disponible :-)

  • Bonjour Cathe, merci d'avoir mis en lien mon billet sur les années. Je trouve ton analyse intéressante et elle rejoint assez ce que je pense. Moi qui ne suis pas nostalgique, certaines évocations m'ont beaucoup émue. C'est le temps passé et qui (malheureusement?) ne reviendra pas.

  • @ dasola : de rien :-)
    Comme toi, je ne suis pas nostalgique, mais quand on regarde en arrière... des fois.....

  • Joli billet, sur un récit que je viens de terminer et qui est très fort (comme beaucoup de choses qu'a pu écrire Annie Ernaux). Vraiment un grand auteur !

  • @ yohan : alors on est d'accord sur Woody Allen et sur Annie Ernaux ;-))

  • je partage pas mal de choses que tu dis très bien dans ton billet. Notamment l'effet troublant à la lecture d'ouvrir des pages qui nous font voir nos propres images, ressurgir des moments auxquels on ne pensait plus et qu'elle fait réapparaitre on ne sait pas quel miracle.
    La
    méthode, la construction, la maitrise d'écriture sont proprement admirables.
    J'ai plus pensé à Perec et à Barthes qu'à Proust, mais j'ai trouvé cette "filiation" dans de nombreux billets.

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