Le Mexique au Salon du Livre 2009
Nous sommes en Argentine en 1957. Le fils de Viktor Kretschmar revient sur la vie de son père, aiguilleur sur la ligne Munich-Salzbourg. Mais son destin était tout autre. En partant au front vers l'Est pendant la première guerre mondiale, il fait une partie d'échec qui décide de sa vie : le gagnant sera aiguilleur, le perdant partira à la guerre. Viktor a gagné. mais l'autre prendra son nom et gagnera des galons à la guerre. Comment Viktor peut-il vivre avec cette fausse identité qui a l'a certes sauvé d'une mort probable, mais qui a fait de sa vie une ombre ? Son fils essaiera de rencontrer celui qui porte le véritable nom de son père, Thadeus Dreyer... Mais celui-ci, d'origine juive, n'a eu de cesse de changer d'identité sa vie durant, récoltant des médailles, sauvant des vies pour sauver la sienne... Jusqu'à participer à ce "Projet Amphitryon" pendant la seconde guerre, qui consistait pour les Nazis à trouver des doublures d'Hitler et de ses proches afin de les protéger dans les situations trop exposées. Ce Dreyer / Efrussi / Kretschmar sera de ce projet et continuera à fuir en volant les identités et les âmes.
Comme on le voit, il n'est absolument pas question de Mexique dans ce livre. L'auteur a fait des études en Europe, c'est peut-être l'explication de son intérêt pour ces pays et ces périodes de l'histoire européenne, et le texte que je copie à la suite donne quelques explications.... Quoi qu'il en soit, il a écrit ici un roman surprenant formé de quatre parties qui se passent de 1914 à 1961 et où on retrouve un personnage principal en fil conducteur et trois autres en personnages secondaires. Les parties d'échec rythment le roman et donnent aussi son sens à ce récit qui mélange étroitement jeu et destin. Ce roman ressemble à un labyrinthe dans lequel on se perd parfois mais qui a un style d'une telle densité que l'on ne peut pas sauter une seule ligne ! Entre quête et enquête (d'aileurs le début m'a fait penser à Paul Auster), il oblige le lecteur à le suivre dans ses méandres et c'est un peu hagard que l'on en sort, bien content de ne plus vivre ce mauvais rêve.... et d'avoir lu cet excellent livre aussi !
J'ai mieux compris la démarche de Padilla (et, on le verra, de Guillermo Arriaga aussi) avec ce texte de présentation : Ce groupe d'écrivains mexicains, le Crack, dont Padilla est cofondateur, veut dépasser l'univers classique de la littérature latino-américaine et embrasser le reste du monde. La quête de l'autre, d'Europe en l'occurence, est aussi là pour mieux comprendre ce qui s'est passé chez soi: «Maintenant nous savons qu'en Europe ont été commis les crimes les plus horribles de l'histoire de l'humanité, deux guerres mondiales, Auschwitz, et les goulags, expliquait dans Le Monde, Jorge Volpi, (A la recherche de Klingsor, Plon, 2001) autre figure marquante de Crack. Nous, les Latino-américains, nous sommes des enfants de chœur. Nos histoires de républiques bananières, de dictateurs, de révolutions, ce sont des saynètes à côté de cette barbarie.»