En 1935, Ella Maillard, jeune femme suisse d'une trentaine d'années, fait un périple de 6.000 km et sept mois en Asie centrale de Pékin à l'Inde à pied, à cheval et en chameau. Elle est envoyée par le journal "Le Petit Parisien". Elle y rencontre Peter Fleming (le frère de Ian Fleming / James Bond), qui est journaliste au Times. Elle parle le russe car elle a déjà fait un périple dans des provinces russes profondes, et lui connait un peu le chinois. Mais, douée d'un solide tempérament, elle hésite à accepter d'être accompagné par un Occidental pour ce périple. En effet elle n'aime rien tant qu'être seule avec les nomades, vivre leur vie quotidienne, découvrir chaque jour, chaque paysage, seule pour les apprécier pleinement.
Leur souhait est de faire cette traversée alors qu'une partie des routes est interdite et contrôlée par l'armée. Et de toutes façons c'est interdit aux Occidentaux, l'expédition Citroën de la "Croisière jaune" n'en est pas revenue. La guerre civile fait rage et le Japon tente d'envahir les provinces chinoises. C'est dans ces conditions extrêmes qu'ils traverseront ces contrées accompagnés de guides, de chevaux, de chameaux, partageant complètement la vie des nomades, ils suivront même la suite d'un prince. Les rencontres se font naturellement, l'hospitalité prime partout.
Malgré tout, rien n'est écrit et pendant ces mois il faudra mener une vie très dure, l'eau n'est pas forcément au rendez-vous, les réserves de fruits secs et de thé s'épuisent. Heureusement Peter Fleming est un bon tireur et les joies de la chasse les distraient et les nourrissent !
Dans ces conditions on ne peut plus difficiles, Ella Maillart resplendit de bonheur d'être dans ces contrées lointaine où aucun Occidental n'est jamais venu. Cette petite femme a une énergie et une aptitude à l'allégresse qui transporte littéralement le lecteur ! Comment ne pas être séduit par son humanité, son amour des gens, son admiration de la nature, son respect de l'autre !
Mes deux livres de voyage "culte" étaient L'usage du monde de Nicolas Bouvier (autre Suisse, admirateur et ami d'Ella Maillart, qui a d'ailleurs fait la préface de ce livre), et Le temps des offrandes de Patrick Leigh Fermor. Celui-ci vient avec enthousiasme compléter ce choix ! Je vais avoir beaucoup de mal à me mettre dans la rentrée littéraire après ces envolées superbes et cette écriture riche d'émotions. J'ai d'ailleurs continué avec Ella pendant encore deux livres... Et je viens de trouver le récit de Peter Fleming, Courrier de Tartarie, où il raconte le même périple (merci Dominique pour la suggestion)
Un aparté pour les collègues bibliothécaires : quel bonheur de lire autre chose que les "nouveautés", et tant pis si j'ai du mal à conseiller ce livre. Dans ce métier, on lit trop rarement des livres "anciens" qui pourtant apportent souvent plus de bonheur que les nouveautés ! Et je trouverai bien quelques (rares) lecteurs intéressés !