Les insurrections singulières. - Jeanne Benameur (Actes sud, 2011) (19 juillet 2011)

arton21976-126ff.jpgAntoine a quarante ans. Après que sa compagne l'ait quitté, il retourne vivre chez ses parents. En même temps, l'usine dans laquelle il travaille le met au chômage technique, avant le chômage tout court, car ils délocalisent au Brésil. C'est un moment de bilan, de réflexion sur sa vie. Pourquoi travaille-t-il dans cette usine comme son père, alors qu'il voulait être architecte. Pourquoi Karima l'a-t-elle quitté. Pourquoi ne réussit-il pas  à prendre cette parole qu'il a pourtant au fond de lui. Le seul moment où il réussit à s'exprimer, c'est pour militer au syndicat, mais même cela il n'y croit plus. Quel chemin va prendre sa vie, et surtout quel chemin veut-il que sa vie prenne ?

Beaucoup de finesse et d'introspection dans ce très beau livre qui a parfois des accents d'Annie Ernaux avec les relations fils / parents et les questions de différences de classe. Le thème du roman initiatique se conjugue avec bonheur avec celui de l'évolution du sens du travail.

Quelques mots très intéressants de l'auteur sur la genèse de ce roman : "D'octobre 2005 à novembre 2006, j'ai rencontré des ouvriers d'Arcelor-Mittal à Montataire et ceux de Godin à Guise ; c'était au cours de "cafés de paroles" initiés par le collectif La Forge. Y était questionné ce qu'est le travail aujourd'hui. A Montataire, j'ai appris que le groupe Mittal investissait massivement au Brésil. Les lignes d'ateliers fermaient en France. 

J'ai été touchée par ce qui se disait, par la lucidité terrible de ceux qui voyaient bien que le travail avait perdu toute valeur, que les hommes ne comptaient simplement plus. J'ai été touchée par la détresse et la dignité, par la colère et tout ce qui ne parvenait pas à se dire. A la suite de chacun de ces rendez-vous j'ai écrit un texte qui était remis aux participants la fois suivante. Et ainsi se tissait au fil du temps, entre nous, un lien. Celui des mots. A la dernière rencontre, l'un des participants a dit : "Et maintenant, où on va parler?"

Cette question m'a émue profondément. Je ne sais pas où ces femmes et ces hommes peuvent parler aujourd'hui mais ce que je savais, c'est que j'écrirais quelque chose. Ma façon à moi de poursuivre."

 

Les autres avis Noryane, Noukette, BelleSahi, Sylire, Géraldine, Clara. Saxaoul, Theoma

 

05:57 Écrit par Cathe | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : benameur jeanne |  Imprimer |  del.icio.us |  Facebook |